Chapitre 1
- Tu te fou de moi ? lance à haute voix Alexia alors qu’elle est dans un bus en stationnement à la gare routière. C’est maintenant que tu annules tout ? Tout est déjà prêt à la maison pour ce soir ! Va te faire voir ! Pauvre con va ! hurle la demoiselle quand tous les passagers la regardent.
Alexia Gaudin se sent mal. Ce n’est qu’après avoir raccroché qu’elle réalise ce qui vient à l’instant de se passer. Agée de vingt-cinq ans, cette habitante de la ville de Curepipe avait planifié de passer une agréable soirée avec Gabriel Herieth, son petit ami, et alors qu’elle était toute excitée à l’idée d’y être, elle reçoit la douche froide en recevant un appel pour lui annoncer que leur rancard n’aura finalement lieu. Ce qui la dégoûte le plus est que ce n’est pas la première fois qu’une telle chose se produit. Le jeune homme, qui est âgée de dix ans de plus qu’elle annule souvent leur rencontre à la dernière minute. N’arrivant pas à se calmer, Alexia téléphone à Stéphanie, sa collègue et amie, pour en parler.
- Salut Alexia ! Je te manque déjà ? Tu sais qu’on va se voir dans moins d’une heure ?
- Je le sais, mais je ne pense pas pouvoir tenir tout ce temps…
- Wow ! Ce n’est pas ton genre d’être de mauvaise humeur de si bon matin ! Qu’est-ce qui t’arrive ?
- Gabriel a encore frappé…
- Non ! Il a annulé encore une fois ?
- Oui, à l’instant. Le pire est que j’ai annulé ma soirée avec vous pour être avec lui et il me fait ce coup-là. Je commence sérieusement à en avoir marre…
- T’a-t-il donné une explication ?
- Oui ! Une super explication en plus ! Il a oublié qu’il avait quelque chose à faire. Sauf qu’il n’est pas capable de me la donner, la raison.
- Il a dû sortir une excuse bidon… Et dire que tu aurais pu passer un super moment avec nous ce soir. Je t’ai pourtant prévenu qu’il est capable de te faire ce genre de coup !
- C’est vrai… J’aurais dû t’écouter.
- Je vais essayer de voir avec Nabila si tu veux venir, mais je ne te promets rien. Je sais que les réservations ont déjà été faites…
- Non ! Ne t’en fait pas pour moi, réplique aussitôt Alexia. Ce n’est pas un souci.
- Bien sûr que c’est un souci. Ça n’aurait pas dû se passer ainsi. Tu sais quoi ? Je vais dire à Nabila que je ne vais pas venir. De cette façon, je resterai avec toi.
- Je refuse que tu le fasses, réplique aussitôt Alexia.
- Pourquoi pas ?
- Je sais que tu penses à moi en agissant ainsi, mais moi je pense à Nabila. Je sais que ça ne lui fera pas plaisir. Je sais de quoi je parle car je vis ce moment à l’heure actuel.
- Ça me fait de la peine de savoir que tu seras seule chez toi alors que tu aurais pu passer un agréable moment avec nous…
- Ne t’en fais pas pour moi. Je vais me goinfrer de glaces devant la télé.
- Si seulement tu m’avais écoutée… lui reproche Stéphanie.
- Je le sais, sauf que tu le sais très bien que je me donne toujours corps et âme quand je suis en couple. S’il me demande de me libérer pour une soirée, je le ferai, quitte à ne pas aller dans un programme qui aurait pu être super top.
- Je te promets que la prochaine fois que tu fais quelque chose de ce genre, je te donnerai une bonne paire de gifle.
- Pourquoi feras-tu ça ?
- Tu trouves ça normal de toujours te sacrifier ? Au final, qu’est-ce qui se passe quand tu le fais ? Tu te retrouves seule…
- Et comme je te l’ai dit, il est fort probable que je le referai… Et dire que je me suis tapée la honte à cause de Gabriel…
- La honte ? s’étonne Stéphanie. Comment ça ?
- J’étais dans le bus quand je discutais avec lui. A un moment donné, je me suis emportée et j’ai haussé le ton de ma voix. Je n’ai pas besoin de te dire que tous les regards étaient braqués sur moi ! Et dire que j’ai horreur de me donner en spectacle en public… C’est exactement ce qu’il me fait faire.
- Tu n’as pas encore remarqué ?
- Quoi donc ? s’enquiert Alexia.
- Que Gabriel ne te rend pas heureuse ?
- Je commence à le réaliser en fait. Je pensais que notre rencontre de ce soir allait nous rapprocher comme avant mais, finalement, absolument pas. Il a trouvé le moyen de tout gâcher.
- Je vais te poser une question qui risque de te déplaire. Pourquoi tu restes avec lui ?
- A vrai dire, je commence à me demander pourquoi également. Cette situation commence de plus en plus à me déplaire.
- Dans ce cas, quitte-le !
- Si je le fais, il va se mettre à pleurer en me promettant qu’il va changer. Tu me connais en plus. Dès que je vais voir ses larmes, cela va m’attendrir et je vais tout lui pardonner. Nous recommencerons tout à zéro et ce sera encore une fois la même histoire. C’est arrivée deux fois je te rappelle.
- Sauf que là, tu as la possibilité de tout arrêter. Il faudra que tu te montres forte.
- Je ne sais pas si je le serai suffisamment…
- Je t’aiderai une fois que tu seras au bureau.
- Tu es déjà arrivée toi ?
- Non… J’ai eu un peu de mal à me réveiller ce matin. Du coup, mon père me quitte en voiture. J’espère ne pas être prise dans les embouteillages. Tu sais très bien comment c’est dans le nord à sept heures et demie. Avec de la chance, je devrais rentrer dans quinze minutes.
- Bon, je raccroche. Je vais rentrer dans une heure. Bisous…
Alexia se sent nettement mieux. Sa conversation avec Stéphanie l’a aidée à se calmer. Toutefois, elle réalise qu’il est grand temps pour elle de prendre une décision par rapport à Gabriel car, au final, c’est elle qui en pâtit. Cela fait une dizaine de minutes depuis que le bus s’est mis en route et, au fur et à mesure qu’il avance, il se remplie. Ayant la tête appuyée contre la vitre - perdue dans ses pensées - Alexia sort subitement de ses pensées au moment où le bus arrive à Trianon. Un jeune homme qui s’apprête à entrer dans le bus attire son attention. Quelques instants plus tard, alors qu’il entre dans le transport, la demoiselle ne le quitte du regard quand, alors qu’il se rapproche, leur regard se croise avant qu’il n’aille s’asseoir un peu plus loin.