Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

ADMIRABLE, LE DOCTEUR

2

Edith KAO

J’ouvris le bureau lorsque j’entendis « entrez ! » de l’autre côté, en réponse à ma frappe à la porte. Je pénétrai et refermai derrière moi. Je répondais à l’appel du docteur Ivan Agbessi ADELA-LOTSUI. Il m’avait demandée par l’entremise de ma collègue madame Bernice HOUNDOADIKA. Je le vis avec son air frais ce matin.

—Bonjour, docteur, le saluai-je. Vous m’avez demandée !

—Oui, Mademoiselle KAO, je vous ai demandée. Comment vous allez ce matin et comment a été la nuit ?

Il m’avait encore ce matin son beau et charmant sourire et sa nature gentille qu’il arborait toujours avant de s’adresser à nous.

—Ça va bien, docteur. La nuit a été aussi sans incident majeur pour nous, sinon quelques pleurs de l'enfant à la jambe enflée qui était amené avant-hier.

—Excellent ! Vous pouvez m'apporter le rapport que je vous ai demandé hier, s'il vous plaît ? J’imagine, c’est prêt !

—Bien sûr, docteur, je l'ai déjà préparé. Un instant si vous voulez !

—Merci beaucoup !

Ivan Agbessi ADELA-LOTSUI

Je mettais déjà ma blouse, attendant l’infirmière KAO, de me revenir avec le document demandé. C’est alors que je revis, désappointé, Sikavi AGBLEVON, pénétrer, une seconde fois le bureau sur moi, et sans toujours toquer comme à son habitude, chargée d’un cartable.

—Voici ce que tu as demandé à cette fille, chéri, me fit-elle savoir en me tendant son « butin » avec désinvolture.

Je fus étonné. J’arrêtai de boutonner ma chemise.

—Comment se fait-il que ça me parvienne par tes mains, Sika ?

—Je l'ai vue et je le lui ai pris pour te l'apporter moi-même.

—Toi-même ! J'espère au moins que...

—Non, toi aussi, arrête de toujours penser mal de moi ! Je n'ai fait qu'apporter à mon chéri, ce qu'il a demandé, m’étrangle-elle les mots entre les lèvres.

Je fus hébété. Quelque chose, demandé à une tierce personne ne pouvait pas me venir par Sikavi comme cela sans qu’aucun incident fâcheux ne se produisît. Je la connaissais déjà assez et j’imaginais ce que l’infirmière KAO avait encore subi d’elle. Je la fixai quelques instants sans savoir quoi dire avant de lui prendre le cartable des mains, et de la voir se trimballer pour s’en aller de nouveau.

Edith KAO

Je me retrouvai ce matin aux vestiaires en train de pleurer. Cette insupportable de docteure nous rendait trop la vie suffocante dans cet hôpital. Je venais de subir encore de sa causticité.

Alors que je portais au docteur ADELA-LOTSUI le rapport qu’il m’avait demandé, je me retrouvai nez-à-nez avec sa discourtoise de fiancée, exerçant aussi dans le même centre : Sikavi AGBLEVON, qui sortait de l’une des chambres. Une docteure vraiment incompétente mais très hautaine et désagréable.

—bonjour, docteur ! la saluai-je, aussi bonnement sans pour autant m’arrêtter quand j’entendis dans mon dos :

—Et toi, reviens ici !

Tous nos autres supérieurs nous vouvoyaient, même le plus docteur du centre et notre major, docteur ADELA-LOTSUI. Il n’y avait que docteure Sikavi AGBLEVON qui ne trouvait qu’à nous tutoyer. Et d’une agressivité habituelle qu’on lui connaissait dans sa voix, ainsi que son ton rabaissant elle venait de m’interrompre irrespectueusement. Je freinai malgré moi et revins sur mes pas.

—Oui, docteure, dis-je, pratiquement en génuflexion.

C’est alors que mon humeur fut désolemment souillée, mon enthousiasme éteint. Elle me lança :

—C'est quoi cette façon de me saluer ? Je suis ton égale ? Ou bien, c'est parce que l'on se partage les mêmes peintures et carreaux ici que vous aussi, minables comme vous êtes, vous poussez des ailes qui ne peuvent même pas vous permettre de voler à un mètre du sol ?

Elle venait là, de nous emballer encore tous.

—Il y a encore quoi ce matin, docteure ? De toutes les façons, excusez-moi. Je suis un peu pressée. docteur ADELA-LOTSUI m'attend pour lui livrer un rapport.

Je venais de commettre le crime de lèse-majesté.

—Si je comprends bien, tu vas chez le docteur ADELA-LOTSUI comme ça, avec toute cette souillure d’allumeuse et tu te donnes l’aplomb de me le dire en face, et même me débiter que tu es pressée, alors que moi, je te parle ?

Elle me brutalisa et me retira le cartable des mains sans que je ne sortisse le moindre mot, je fus scandalisée. Elle ouvrit le cartable, y jeta un coup d’œil.

—Disparais de ma vue, sale peste, me vociferea-t-elle.

J’eus pitié de ma personne, je fondis en sanglots. C’est en courant que j’allai me réfugier dans les vestiaires pour me décharger. Je posai ma tête au dressing sans même remarquer qu’il y avait une présence sur les lieux. Alors me questionna subitement cette voix que je connusse plus que n’importe laquelle dans cet hôpital.

—Tu as quoi à pleurer ce matin, Edith ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

Ce fut l’infirmier Koumondji KONOU. Je sursautai d’abord pour aller à sa découverte avant de lui répondre avec mes sanglots en essayant d’essuyer de mes mains mes pleurs qui ruisselaient sur mes joues rebondies :

—C’est docteure AGBLEVON.

—Docteure AGBLEVON t'a encore fait quoi déjà ce matin, Edith ? me demanda subitement notre collègue et ma camarade, l’infirmière Bernice HOUNDOADIKA qui fit son entrée brusque dans les vestiaires pour m’entendre.

—Elle m'a traitée de minable, d’allumeuse souillée et de sale peste. Elle m'a même brutalisée pour me retirer le rapport que docteur ADELA-LOTSUI m'a demandé. Je n'en peux plus avec cette mégère !

—Décidément, cette dame, vieille fille à papa veut quoi au juste ? Elle va encore trop loin et à cette allure, ça risque de tourner mal pour nous tous dans cet hôpital un jour, s’irrita l’infirmier Koumondji.

Et Bernice de questionner dépassée :

—Je me demande comment un homme aussi doux et aimable comme le Docteur ADELA-LOTSUI, puisse être dans une histoire de cœur avec une perverse de ce rang qui se la pète ! Sa beauté ! Son teint clair et lustré !

Ça ahurissait effectivement que docteur ADELA-LOTSUI fût en couple avec pareille « peste ». Et il ne leur restait même que quelques mois pour convoler en justes noces. A part sa beauté, son teint impeccable, enviable, il faut se l’avouer, cette femme était vraiment une peste. Petite d’âme, petite d’esprit. Elle était tout le contraire du docteur : un homme doux, aimable et aimé de tous, qui voulait la prendre comme épouse. On s’étonnait tous au centre de leur relation. On pouvait comprendre qu’il fût fasciné par sa beauté et succomber à son charme unique, mais qu’ils fussent réellement dans une histoire de cœur et tenir, était l’un des plus hallucinants, car ils étaient deux entités absolument différentes comportementalement…

Au questionnement de Bernice, Koumondji lui retourna :

—Le cœur, tu peux le comprendre ? Si ce n’était pas lui, ce presque incontrôlé, docteur ADELA-LOTSUI ferait quoi en compagnie de cette méprisable et la tolérer un instant ?

—Elle doit tout de même savoir que nous ne sommes pas tous son tolérant docteur ADELA-LOTSUI pour passer nos instants à supporter ses airs de grandeur et avoir à faire à son aigreur et à ses caprices. Sa sur-exaltation me pénètre par les pores, reprit Bernice.

—D'ailleurs, je m'en vais de ce pas la mettre à sa place. C'en est de trop ! s’emporta Koumondji pour vouloir sortir et aller l’affronter.

Je bondis sur lui pour le retenir. Et d’un aspect serein dont je me couvris sur le coup :

—Non, n'y va pas, s'il te plaît ! Ça va aller. Je ne veux pas que tu sois en confrontation avec elle à cause de moi, je t'en prie !

Et c’était vraiment une mauvaise idée pour moi qu’il l’affrontât. On savait tous qui elle était.

—Tu dois le comprendre, Edith, quiconque te fait du mal, me le fait aussi, me dit-il de sa voix qui m’était cristalline, me fixant de ses yeux pleins d’amour qui me faisaient craquer toujours.

Les yeux, il les avait tellement beaux pour moi pour me charmer. Sa voix, quand il parlait avec amour, me donnait des frissons et me téléportait.

Je lui souris à cet effet. Ma main droite sur sa tempe gauche pour nous fixer avec flammes dans les yeux, je lui retournai :

—Merci d'être toujours là pour moi et pour me défendre. En même temps je t'en prie, ne gaspille pas ta journée pour des futilités déjà ce beau matin. Garde tes énergies pour t'occuper des patients, s'il te plaît, mon amour !

Comme docteur ADELA-LOTSUI et docteure AGBLEVON, l’infirmier Koumondji n’était pas seulement mon collègue du centre. Il était aussi mon petit ami et on s’aimait à perfection. Notre relation était connue de tout le centre et de nos familles. Nous étions tous les deux venus dans la même année en stage dans cet hôpital. Je descendais de l’université de Kara, et lui de celle de Lomé. Il avait tout le temps de l’humour et était riant. Chose que j’aimais. En plus il était serviable.

Il aimait me taquiner souvent, en m’appelant « ma paysanne de la pierre » c’est-à-dire « ma Kabyè ». Ni lui ni moi ne savions pas que cet adjectif possessif « ma » qu’il accompagnait avec l’appellation qu’il me donnait en référence à l’ethnie de laquelle je descends, au lieu de m’appeler par mon nom comme tout le monde alors que je n’étais même pas la seule Kabyè, était prémonitoire. Que j’allais devenir effectivement sa Kabyè, et lui, mon doudou Ewé pour un couple qui nous donnait des étoiles dans les yeux.

Disons que j’adorais voir l’infirmier N’KPENOU dans sa personnalité et sa simplicité. A petit feu, je commençai à m’enticher à lui. Les jours où il ne venait pas au taf, ou que nos heures ne coïncidaient pas pour l’avoir sous mes yeux, m’étaient pâles. Je devenais morose. Et quand il était là, j’étais toute excitée, toute enthousiaste. Nos pairs le remarquaient clairement pour m’enquiquiner. C’était évident, que, sans m’en rendre compte, j’avais déjà des sentiments pour lui. Je l’aimais. En plus, c’était un beau mec, avec son teint foncé et ses yeux blancs, sa taille élancée.

Et puis, un jour, la magie se produisit : on s’embrassa dans les vestiaires sans nous y attendre. Olala, ce fut magique !

Ses lèvres charnues et fraîches m’emportèrent dans le summum de la candeur. J’eus des papillons au bas-ventre et fis une fuite là, comme si c’était mon premier baiser. Mais la magie ne pouvait être que de courte durée, car nous étions dans un service et on s’exposait dangereusement à des pénalités sévères. Cependant, je n’avais qu’une envie à cet instant : qu’il retroussât ma tenue, me prît dans ses bras, me collât au mur et m’enfilât à fond. Oui, qu’il me débouchât, brisant mon hymen et prît ma pureté… depuis lors, nous ne nous quittâmes plus. Mon premier et mon dernier homme, mon choix du cœur, l’amour de ma vie au milieu de mille obstacles sur le chemin.

Alors que j’essayais de le dissuader pour qu’il n’allât pas affronter docteure AGBLEVON, j’entendis Bernice me dire :

—Je crois qu'il a raison, Edith.

—Mais ce n'est pas une raison. Comprenez-moi, s'il vous plaît !

Et je me tournai à mon homme :

—Tu es là depuis quand, mon p’tit chéri ?

—Il y a un instant. J'espère que ton heure de départ est arrivée et tu dois aller te reposer ?

—Oui, je suis venue me changer comme ça. J'allais me changer quand j'ai eu la commission de Docteur ADELA-LOTSUI.

—Je passe à 17 : 30 précises te chercher pour qu'on passe un peu de temps ensemble ce soir et dîner..., ça te va ?

Je n’eus pas le temps de répondre encore quand Bernice s’écria :

—Lonlon tô woooo sé..., quelqu'un disait que c’était moi maintenant. Je vous envie loooo, prince et princesse !

J’avais bien compris alors ce qu’elle a dit dans leur langue avant d’enchaîner avec le français ? N’est-ce pas j’étais toujours comme si je descendais encore tout fraîchement des pierres et de la brousse ? C’était toujours mon doudou qui me taquinait ainsi, que je venais des pierres et de la brousse pour découvrir du sol sablonneux sur lequel je pouvais marcher sans crainte pour mes orteils et mes ongles, ce qu’il ne faisait jamais avec mes autres sœurs et frères Kabyè. Il les respectait à fond.

Ivan Agbessi ADELA-LOTSUI

Je parcourus une fois Sikavi sortie le rapport fourni par l’infirmière KAO. J’eus textuellement ce que je voulais. Cette jeune femme était l’une des infirmières les plus dévouées à leurs tâches, celles qui s’appliquaient avec sérénité à tout ce qu’on leur confiait. Et elle avait ce charisme de faire un travail appréciable, dans un bref délai. C’était une fille dynamique. De plus, elle était d’une politesse et d’un pacifisme remarquables. Je fus alors encore satisfait ce matin par ce qu’elle me fournit.

Cependant, il fallait qu’il me fût élucidé aussi ce mystère par lequel le document m’était parvenu par Sikavi, et non elle. Et il importait que je l’interrogeasse. Seule de sa bouche, j’aurais la vérité. Pour cela, je me refusai de passer de coup de fil pour la faire venir.

Je me levai et allai à sa recherche personnellement, espérant qu’elle ne partît pas encore. Et j’allai où je pouvais la voir : dans les vestiaires.

Elle y était toujours, mais partait déjà en faisant l’au revoir à ses camarades. Je tombai donc sur elle par un véritable coup de grâce.

—Mademoiselle KAO, ah, Dieu merci, vous n’êtes pas encore partie ! J’aimerais avoir un petit entretien avec vous.

Je sentis un peu de frustration et d’inquiétude en elle à ma demande, mais elle accepta quand même. Je la pris de côté et lui posai la question :

—Pourquoi ne m’avez-vous pas apporté le travail que je vous ai confié, et c’est par docteure AGBLEVON qu’il m’est parvenu alors que vous veniez même de quitter mon bureau pour ça ?

Toute sa réponse fut un silence et un front baissé. En fait, elle ne voulait rien me dire. Néanmoins, face à mon insistance, elle finit par céder et me raconta, les yeux baissés, la scène qui s’était produite. Je la crus tantôt sans douter un seul instant de sa parole. Sa franchise était palpable.

Je fus devenu lourd. J’eus honte face à cette jeune femme dont la simple candeur émanant d’elle dissuaderait tout être sensé de lui causer la moindre peine. Et Sikavi était loin d’être de ces genres de personnages…

Confusément, je lui bredouillai mes excuses et lui promis de régler cette histoire pour que ce scénario déshonorable ne se reproduisît plus.

—Non, docteur, laissez tomber. Ce n’était rien du tout et c’est déjà passé ! me fit-elle savoir.

Elle ne voulait pas que j’affrontasse Sikavi, pour ainsi s’éviter d’autres conflits probables liés à ce sujet, avec elle. Elle ne voulait pas que son nom fût associé à une remontrance à lui faire…

—Soyez sans crainte, mademoiselle KAO. Vous et nous sommes tous des employés dans ce centre et le respect mutuel doit être la mise !

—Je sais, docteur, mais vous savez, excusez-moi de le dire, à qui j’ai à faire. Et vous savez aussi que j’évite au maximum les histoires et préfère canaliser mes esprits sur le travail pour lequel je suis appelée.

—C’est effectivement ça le problème, et pour lequel j’ai tendance à vous tancer souvent, car il y va de l’harmonie et du bon fonctionnement de ce centre qui nous réunit tous. Ne craignez pas le fait que docteure AGBLEVON est ma fiancée pour ne pas vous plaindre d’elle dans ses agissements déplacés à votre égard. Le faisant, vous lui octroyez ainsi le champ libre de continuer. Ne vous laissez pas intimider par son ascendant qu’elle porte sur vous. Ne vous laissez pas complexer non plus par son fameux rang social. Ne la redoutez en rien. Moult fois, je vous le répète mais vous semblez aussi têtus qu’elle.

—Ce n’est vraiment pas ça, docteur !

—Engagez alors votre respect auprès d’elle. Imposez-vous, bon sang ! Si vous ne le faites pas vous-mêmes, vous ne vous faites pas respecter, personne ne saura vraiment le faire à votre place. Respectez-la et respectez-nous en tant que supérieurs professionnels. Mais quand le comportement sort de ce cadre professionnel pour être compromettant et souiller votre humeur, encore sans aucune raison valable, rationnelle, vous avez à réclamer vos droits et rétablir votre intégrité. Chacun de nous ici à sa dignité à laquelle il doit tenir et préserver son estime sans se laisser influencer. Nul n’a à se laisser intimider et piétiner par qui que ce soit, pour quoi que ce soit. Je ne vous demande pas par-là de vous comporter de la même manière exécrable qu’elle. Dans le respect, imposez un caractère susceptible de dissuader tout agissement compromettant à votre encontre à concocter.

Elle leva, triturant ses doigts, son regard soumis sur moi pour soupirer languidement.

—Merci, docteur. Je ferai l’effort de tenir prochainement à vos conseils et recommandations.

Et elle les baissa encore tout de suite.

—Je l’espère bien, et pas de vous seule, mais de vous tous sur lesquels elle a son aplomb pour vous traiter mal.

Elle hocha fébrilement la tête en signe d’approbation.

—Et en passant, félicitations pour le rapport. Comme toujours, vous avez fourni un travail satisfaisant. Vous avez toute mon estime, mademoiselle KAO.

Je la vis se décontracter. Un sentiment de fierté l’envahit. Ses yeux qu’elle leva sur moi pour me dire merci avec un sourire agréable le reflétèrent. Ils devinrent luisants.

Edith KAO

Mon cœur a raté un pas et mon souffle a failli s’interrompre quand j’ai écouté docteur ADELA-LOTSUI me faire savoir qu’il voulait s’entretenir avec moi alors même que je fis, pour mon départ, une sortie brusque des vestiaires sur lui. Je crus tantôt à des semonces liées au travail qu’il m’avait confié et que je lui rendis ce matin par les mains si gentilles de sa fiancée.

Ce fut avec les poings fermés que je le suivis quand il voulait me prendre à l’écart. Mon cœur battait le tambour. Je me disais que j’avais commis une sacrée bourde pour qu’il se déplaçât et venir me chercher au lieu de m’appeler à son bureau comme il le faisait. Je me demandais alors où et à quel moment j’avais manqué autant d’application. Je n’avais pas imaginé un instant que cela concernerait plutôt mon « altercation » avec notre teigneuse au centre.

Et lorsqu’il évoqua le sujet, lequel n’avait rien de concernant le rapport, que ne fut mon soulagement. Cependant, je ne voulais pas discuter avec lui, de la scène avec docteure AGBLEVON. Les raisons furent les mêmes pour lesquelles j’avais déjà empêché mon petit ami d’affronter cette dernière. Mais, il insista et ce fut. Je découvris alors encore un homme juste, humble et sympa. Il avait la fermeté dans sa voix et était bien sincère dans ses dires. Et il avait raison. Nous avions vraiment à montrer un peu de personnalité et de caractère à la docteure AGBLEVON, pour la ralentir dans son élan insolent de nous rabaisser et de nous faire boire de son humeur répugnante.

Et, nous avions son soutien absolu. Lui, le grand docteur ADELA-LOTSUI. Le major du centre, qui ne cessait de nous stimuler comme il venait de le faire encore ce matin avec moi.

La fierté dans les yeux, mon humeur complètement remise en place, je le regardais s’en aller, de toute sa simplicité et de toute son aise, les mains fourrées au fond des poches de sa blouse. Qu’il était tellement simple malgré ses études avancées, son grand savoir, son rang et sa place dans ce centre prestigieux !

De l’entendre m’apprécier sur le travail pour lequel j’avais tiqué, m’avait vivement rallumée que je n’ai pas pu taire mes émotions. Et qu’il m’avouât avoir de l’estime pour moi me ravissait tellement en le fixant s’en aller. Un homme comme lui ! C’était singulier. Il était si admirable et il avait toute mon admiration dans ce centre. C’était le seul homme qui m’impressionnait dans sa personnalité en dehors de mon homme.

—Cette paysanne des pierres serait-elle amoureuse du grand docteur ADELA-LOTSUI pour autant sourire seule, plantée ici, et avoir comme rivale la très vénérée docteure Sikavi AGBLEVON ?

Je sursautai à la voix de l’infirmier Koumondji N’KPENOU dans mon oreille gauche. Il se tenait derrière moi, me frôlant presque et je ne l’avais pas sentir venir. J’étais vraiment en plein dans mon ravissement et mon admiration. Et oui, je souriais toute seule effectivement. J’étais comme téléportée dans une sorte de folle de logis en oubliant dans ce court instant mon monde factuel. Je descendis à sa voix et revins en moi.

—Mais, qu’est-ce que tu fais-là ? lui demandai-je.

—Ah, voilà madame qui me demande ce que je faisais-là !

J’avais un peu de frétillements et un peu de honte. Son regard était insistant sur moi et m’indisposait.

—Tu sais qu’on est exposés ici hein, chéri, parvins-je à lui bredouiller, essayant vainement de camoufler mon embarras.

—Si tant tu étais exposée, tu n’allais pas te mettre dans un tel état, Edith.

—Serais-tu jaloux pour le manifester de la sorte ?

—Tu déconnes. Et si c’était le cas, je me ferais juste une alliée que tu connaisses bien, et elle s’en chargerait.

Je vis alors où il voulait en venir. Effectivement ça aurait pu être docteure AGBLEVON tombée sur moi en train d’admirer ainsi docteur ADELA-LOTSUI pour que le ciel s’abattît sur moi ou que ce centre prît feu sur-le-champ, surtout que ce même matin, j’eus été sa cible déjà.

—Ah, c’est bon, arrête d’invoquer le diable dans un monde candide. D’ailleurs, va et honore ta blouse, va t’occuper des patients que de me casser ma bonne humeur !

Je le quittai furtivement. J’entendis des bruissements de rire dans mon dos : le type se moquait de moi. Je ne retournai point et continuai mon chemin, le derrière lourd pour juste vite m’en aller de là.

Je sortis du centre pour enfin rentrer chez moi. A peine mes pieds dehors, je sentis mon portable vibrer dans mon sac. Je le sortis et lis un sms : « tu me ravis, tu me fais sourire, tu m’illumines. Tout de toi me rend heureux. Tu es unique. Repose-toi bien. Je t’aime ! »

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.