chapitre 5
Chapitre 5
Elle avait d’abord cru que ça passerait, qu’il reviendrait. Après tout, Elias avait toujours été prévisible dans ses silences, ses absences. Il reviendrait, comme à chaque fois. Mais il ne l’avait pas fait. Il était parti, et avec lui, une part d’elle qu’elle n’aurait pas voulu admettre être là. Alors elle avait jeté l’alliance dans un tiroir. L’alliée silencieuse de sa faiblesse. Une simple bague, un symbole, un geste de trop.
Il n’était pas revenu. Pas même pour lui dire au revoir.
Et Sophia, cette femme forte, celle qui gérait l’impossible sans sourciller, avait commencé à se dire que peut-être, ce n’était pas si important. Peut-être que finalement, il n’avait été qu’un autre pion dans le grand échiquier de sa vie. Un pion utile, certes. Mais juste un pion.
Elle s’était répétée cela plusieurs fois, jusqu’à ce que le doute la ronge. Pourquoi lui avait-elle dit ça, déjà ? Parce qu’elle avait voulu garder son empire intact ? Parce qu’elle avait cru que c’était ce qu’il fallait faire ? Ou était-ce juste qu’elle avait peur de tout perdre ? La réponse, elle la connaissait. Elle avait toujours eu peur de perdre tout ce qu’elle avait bâti. Elle avait sacrifié des hommes, des relations, des rêves, tout ça pour sa réussite. Mais Elias, lui… Il avait tout changé.
Et voilà qu’il était parti. Et elle ne savait même pas où. Parce que depuis son départ, elle n’avait eu aucune nouvelle. Aucune trace. Pas un message. Pas une annonce dans la presse. Rien. Comme s’il s’était évanoui dans le vent. Il ne l’avait pas appelée. Il n’avait pas cherché à justifier son acte. Rien.
Le lendemain, elle avait réuni ses assistants, ses contacts, ses hommes de confiance. Ils devaient le retrouver. Peu importait comment. Peu importait les moyens. Elle ne voulait pas l’admettre, mais elle avait besoin de savoir où il était. Il avait effacé chaque trace de lui. Plus d’adresse, plus de numéro, rien. Tout ce qu’il avait pu toucher avait disparu comme si cela n’avait jamais existé.
Il avait fait ça délibérément. Il avait pris sa décision et il s’était effacé de sa vie. De manière définitive.
Elle avait dépensé des sommes colossales, engagé des enquêteurs privés, contacté des sources plus ou moins fiables dans le monde des affaires, et même dans celui de la pègre. Chaque piste était morte. Comme si ce n’était pas juste un homme, mais une ombre qui s’était fondue dans la nuit. Et plus elle s’acharnait, plus elle se rendait compte qu’elle le perdait. Et qu’elle ne pourrait pas le retrouver.
Les semaines passèrent, et plus elle cherchait, plus elle ressentait ce vide. Le vide d’avoir perdu quelqu’un qu’elle avait cru connaître, qu’elle avait cru pouvoir garder. Il n’était pas juste un assistant. Il avait été plus que cela. Il avait été là, tout le temps, à sa manière, à ses côtés, dans l’ombre, mais il l’avait toujours soutenue. Et elle avait été trop aveugle pour le voir. Trop concentrée sur son empire, sur son contrôle. Elle n’avait pas vu qu’il en faisait partie. Pas seulement comme une roue dans la machine, mais comme une partie d’elle-même.
Et puis, il y avait eu la rumeur. Une rumeur. D’abord discrète, comme un murmure qu’elle avait voulu ignorer. Mais les murmures s’étaient intensifiés. Elias aurait été aperçu à des réunions secrètes avec l’un de ses plus grands rivaux. Le genre de rivaux avec qui elle ne pouvait pas se permettre de perdre la face. Un empire concurrent. Un homme qui voulait la faire tomber. Elle avait essayé de refouler cette idée, d’en rire, mais le doute, insidieux, avait commencé à la ronger.
Pourquoi serait-il allé là-bas ? Pourquoi avec lui ? Cela n’avait aucun sens. Elias n’était pas un homme de compromis. Pas un homme qui se laisserait acheter par de l’argent ou du pouvoir. Mais si c’était le cas ? Si tout ce qu’il avait dit à propos de son loyalisme n’était qu’un leurre ? Si en réalité, il n’avait jamais été qu’un homme prêt à tout pour sa propre survie ?
Il n’avait pas pris la peine de l’expliquer. Pas un mot. Pas une phrase. Il avait disparu dans la nature, et elle, elle se retrouvait à errer dans un océan de questions sans réponses. L’impensable, la trahison, était devenu un poids qu’elle ne pouvait plus ignorer.
Elle se surprenait à penser à lui, à repenser à leurs moments passés ensemble, à ce qu’il représentait vraiment pour elle. Il n’avait pas été qu’un mari. Il avait été son allié, celui qui lui avait permis de grandir, de se défendre, de repousser les obstacles. Il avait été celui qui croyait en elle quand tout le monde doutait. Et pourtant… elle n’avait pas su le voir.
Elle s’était laissée emporter par ses ambitions, par cette vision de contrôle absolu, et elle l’avait perdu.
Les jours passaient, et les rumeurs devenaient plus insistantes. Elias aurait rejoint un réseau d’investisseurs étrangers. Il aurait commencé à monter sa propre entreprise. Ou peut-être pire encore : il serait devenu l’un des principaux conseillers d’un groupe concurrent. Rien de tout cela ne faisait sens, mais chaque rumeur était un coup de poignard dans son ventre. Il avait pris son indépendance, il avait disparu dans les bras de son ennemi, et elle ne pouvait rien faire. Elle ne savait pas où il était. Ni ce qu’il faisait. Ni même s’il comptait revenir.
L’incertitude était pire que la certitude d’une trahison. Et elle savait que si elle ne le retrouvait pas, si elle ne comprenait pas ce qui s’était passé, elle risquait de perdre bien plus que sa paix intérieure. Elle risquait de perdre son empire.
À chaque heure qui passait, la question devenait de plus en plus claire : qu’est-ce qu’il voulait vraiment ? Pourquoi s’était-il retourné contre elle ? Pourquoi avait-il choisi ce moment-là pour disparaitre ? Pourquoi l’avait-il abandonnée ?
Elle avait tout sacrifié, tout misé sur lui. Et il s’était volatilisé, sans laisser de traces, sans expliquer pourquoi. Elle savait que cette histoire n’était pas encore terminée. Pas tant qu’elle n’aurait pas trouvé la vérité.
