chapitre 7

Chapitre 7

Elle le regarda sans détour, ses yeux noyés dans une froideur qu’il n’avait jamais vue chez elle. La guerre qui faisait rage autour d’eux semblait tout à coup plus lointaine, comme si le silence qu’elle avait instauré entre eux faisait écho à une distance plus grande. La vérité, elle, n’avait jamais été aussi poignante.

Maxime resta silencieux, attendant que ses lèvres se desserrent, que ce fardeau qu’elle portait depuis tant d’années trouve enfin une issue. La colère, la peur et la douleur se mélangeaient dans son regard, comme s’il allait enfin comprendre ce qu’il n’avait jamais voulu admettre. Mais il avait besoin de tout entendre, de tout savoir, pour enfin pouvoir réparer ce qu’il avait brisé.

« Tu veux savoir ce que j’ai vécu après… » Elle s’interrompit, le regard baissé. Elle n’était plus celle qu’il avait aimée. Ce ne pouvait être elle. Trop de jours et de nuits s’étaient écoulés. Trop de changements, trop de souffrances. « Tu veux tout savoir, Maxime ? »

Elle ne le regarda même pas, la gorge serrée. Il n’eût pas la force de répondre, le cœur battant la chamade, partagé entre la culpabilité et le besoin d’entendre. Mais il savait que tout cela n’avait aucune importance à ce moment précis. C’était le moment de tout savoir.

Elle se laissa tomber sur le bord de la table, ses mains tremblant. Les armes étaient posées près d’elle, mais elles semblaient aussi inertes que ses paroles, comme si l’acte de survivre avait été oublié depuis trop longtemps.

« Je suis restée vivante parce que j’ai dû l’être. Pas pour toi, Maxime. » Ses yeux se levèrent enfin, croisant les siens. « Pas pour nous. Je n’avais pas le choix. Il fallait que je survive. »

Maxime se figea, un frisson courant le long de sa colonne vertébrale. « Mais pourquoi ? Pourquoi ne pas m’avoir fait savoir ? Pourquoi tout ce silence, tout ce mensonge ? »

Elle serra les dents, fermant les yeux un instant. Les mots qu’elle avait retenus pendant tant d’années se frayèrent un chemin vers sa bouche. « Ils m’ont prise, Maxime. Emprisonnée. Torturée. Le complot… il est bien plus vaste que tu ne l’imagines. Ceux qui ont orchestré ma « mort » ne voulaient pas simplement m’éliminer. Ils voulaient te briser. »

Maxime fit un pas en avant, mais quelque chose dans son regard l’arrêta. La douleur était tangible, presque insoutenable. « Un complot ? Qui ? » La pensée d’un traître au sein de son propre royaume, de quelqu’un qu’il avait cru digne de confiance, lui serra la gorge. « Parle. »

Elle inspira profondément, comme si elle s’apprêtait à cracher un venin trop longtemps contenu. « Ils ont utilisé des failles, des alliances secrètes. Un traître a infiltré notre propre conseil. Il voulait que tu sois mis à genoux. Qu’on te prive de tout ce que tu aimais. » Un rire amer s’échappa de ses lèvres. « Et moi, j’étais juste un moyen. Un pion sur un échiquier. »

Maxime sentit son sang se glacer dans ses veines. Il n’avait jamais pensé à cela. Jamais imaginé qu’un de ses proches puisse trahir le royaume. Mais la vérité le frappait comme un coup de poignard. Son regard chercha la vérité dans ses yeux, une vérité qu’il n’était pas certain d’accepter.

« Un traître… » répéta-t-il, presque dans un souffle. « Qui ? Dis-moi. »

Elle secoua la tête, un air las sur le visage. « Je ne sais pas. Ils m’ont tout fait oublier. Ils m’ont effacée. La douleur, la peur… Ils m’ont forcée à oublier pour que je survive. » Elle tourna son visage vers lui, ses yeux brûlant d’une rage qu’il ne lui avait jamais vue. « Mais je n’ai pas tout oublié, Maxime. Je sais ce qu’ils ont fait. »

Maxime se baissa, prenant ses mains dans les siennes, cherchant à apaiser la colère qui bouillonnait en elle. Il savait que ce qu’elle vivait n’avait pas été simple, mais il n’avait jamais cru que l’histoire allait aussi loin. « Je vais le trouver. Je vais faire en sorte que justice soit faite. »

« Non, Maxime, » répondit-elle d’une voix basse, presque désespérée. « Ce n’est pas aussi simple. Ce complot est bien plus profond. Ce traître… il est là, parmi nous. Au sein même de ton conseil. Il a les mains dans le sang, tout comme ceux qui m’ont faite disparaître. »

Il écarquilla les yeux, et un frisson d’effroi glissa le long de sa colonne vertébrale. L’idée d’un traître parmi ses plus proches alliés lui semblait inconcevable. C’était comme un coup de massue qu’il ne pouvait pas éviter. Comment pouvait-il être aveugle à ce point ? Il ne voulait pas le croire, mais ses instincts, eux, lui criaient que cette vérité, aussi douloureuse soit-elle, était la seule qui valait la peine d’être entendue.

« Et toi, » dit-il, en serrant plus fort ses mains. « Que feras-tu maintenant ? »

Elle sourit tristement, un sourire fatigué, presque résigné. « Je vais finir ce que j’ai commencé. Si tu es prêt à affronter les ténèbres, alors on pourra y arriver. Mais tu dois comprendre, Maxime… Je ne reviendrai pas à ce que nous étions. Je suis devenue quelqu’un d’autre. Quelqu’un que tu ne reconnaîtras peut-être pas. »

Maxime ressentit un pincement au cœur. Mais au fond de lui, il savait que la personne qui se tenait devant lui n’était pas un spectre du passé. C’était une femme brisée, mais aussi une combattante. « Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je ferai tout pour réparer mes erreurs. »

Elle le regarda avec des yeux qui avaient perdu une partie de leur innocence, mais pas de leur éclat. « Ne fais pas de promesses que tu ne peux pas tenir. »

Maxime se leva lentement, un poids sur les épaules. La guerre qu’il pensait gagner avec l’intelligence et la stratégie se révélerait plus compliquée qu’il n’aurait pu l’imaginer. Il devait non seulement découvrir qui l’avait trahi, mais aussi retrouver la confiance qu’il avait perdue. Et pour cela, il ne savait pas encore s’il était prêt.

« On va démanteler ce complot, » dit-il, sa voix plus dure qu’il ne l’aurait voulu. « Je vais le détruire, pièce par pièce. »

Elle le fixa un instant, comme si elle cherchait à évaluer la sincérité de ses paroles, avant de détourner le regard. « Il faudra plus qu’une simple volonté, Maxime. Ce traître est plus proche de toi que tu ne le penses. »

Les mots résonnèrent dans sa tête comme une alarme silencieuse. Un traître parmi les siens. Un poison insidieux s’immisçant dans les fondations mêmes de son pouvoir.

Il savait maintenant que la route qui s’étendait devant eux serait semée d’embûches. Mais une chose était certaine : il n’abandonnerait pas. Pas avant d’avoir découvert la vérité.