chapitre 6
Chapitre 6
Les bruits de pas se rapprochaient, lourds et menaçants. Maxime se figea, une alerte froide traversant son esprit. Il n’avait pas eu le temps de réfléchir à la situation, pas le temps de chercher des réponses. Une chose était certaine : leur fuite venait de commencer. Leurs ennemis étaient trop proches. Les regards sombres qui les encerclaient étaient porteurs de malheur.
« Tu savais qu’ils viendraient ? » dit-elle d’une voix tendue, comme un fil prêt à casser. Elle avait un couteau dans chaque main, sa posture assurée. Ce n’était pas elle la femme qu’il avait connue. La peur qu’il avait vu dans ses yeux quelques instants auparavant semblait avoir disparu, remplacée par une froideur implacable. Chaque mouvement de ses mains, chaque geste, étaient calculés. Ses talents étaient bien au-delà de ce qu’il avait imaginé.
« Non, » répondit-il, tout en observant les ennemis se rapprocher. « Mais je savais qu’on ne serait jamais laissés en paix. Pas avec ce que tu as été… ce que tu es. »
Elle tourna un bref regard vers lui, une lueur presque indéchiffrable dans ses yeux, avant de faire un geste rapide, balayant l’air d’un coup qui renvoya un homme à terre. Maxime la regarda, pris de court. Elle s’était battue avec cette même fluidité qu’il lui avait connue, mais il y avait quelque chose de plus. Une violence contenue, une maîtrise glacée de son propre corps qui ne correspondait pas à la femme fragile qu’il avait perdue.
« On ne peut pas les arrêter ici, » dit-elle, en frappant un autre attaquant d’un coup précis, avant de se redresser et de lui jeter un regard rapide. « On doit bouger. Maintenant. »
Il hocha la tête, prenant le rôle de guide, s’élançant à travers les ruelles sombres, sachant que la vitesse serait leur meilleure alliée. Mais la réalité de la situation se tordait dans ses entrailles. Elle avait changé. Pas juste dans la manière dont elle se battait. Il la sentait, cette différence, comme une fissure profonde dans la personne qu’il avait aimée.
« Tu étais… différente avant, » dit-il, presque à lui-même. Les mots s’échappèrent de sa bouche sans qu’il ne puisse les retenir, comme un aveu. Il n’avait jamais osé remettre en question l’image qu’il avait d’elle. Mais aujourd’hui, les pièces du puzzle s’assemblant sous ses yeux révélaient une toute autre femme.
Elle esquiva une nouvelle attaque, la lame effleurant son bras sans y laisser de trace. Ses yeux restaient fixés sur l’horizon, déterminés, mais dans son regard, il y avait quelque chose de plus sombre. Quelque chose qu’il n’avait jamais vu chez elle. « Les gens changent, Maxime, » répondit-elle froidement. « Tu n’as pas été là pour le voir. »
Ses mots frappèrent avec la force d’un coup de poing. Il s’arrêta un instant, ses pensées en désordre. Comment avait-il pu être aveugle à ce point ? Il l’avait laissée partir, pensant qu’elle ne reviendrait jamais. Mais maintenant, elle était là, avec lui, et elle n’était plus la même.
« Je n’avais pas le choix, » dit-il, sa voix rauque d’une émotion contenue. « Je n’ai pas eu de choix. Ni toi, ni moi. Il n’y a jamais eu de choix. »
Elle tourna la tête vers lui, une étincelle d’acier dans son regard. « Il y a toujours un choix, Maxime. Même dans les moments les plus sombres. Ce que tu as choisi de faire… C’est ce qui nous a séparés. »
Il la regarda, le cœur lourd. Il avait essayé de tout contrôler, de tout diriger. Mais les choses échappaient à son emprise. Et maintenant, il devait faire face à la vérité : il avait sacrifié trop de choses pour ses ambitions.
Une explosion les fit sursauter, les éclats de bois et de pierre s’éparpillant autour d’eux. Un piège. Des ennemis plus nombreux les attendaient au bout de la rue. Elle réagit d’un mouvement vif, attrapant son bras pour le tirer dans un repli de ruelle.
« Ce n’est pas la première fois qu’on échappe à la mort, Maxime. On a survécu à bien pire, » dit-elle, ses lèvres se serrant sur les mots, mais il sentit une tendresse, presque imperceptible, dans sa voix. Mais la tendresse disparut rapidement, chassée par une dureté qu’il n’aurait jamais cru possible chez elle. « On se bat. On survit. »
Il acquiesça, ressentant l’intensité de ses mots plus que la réalité de la situation. Cette femme, cette combattante à ses côtés, n’était plus celle qu’il avait connue. Elle était une inconnue, mais aussi un mirage du passé qu’il ne pourrait jamais atteindre.
Ils s’élancèrent à travers la ruelle, son corps réagissant avec l’efficacité d’un prédateur. Mais il sentait que, peu à peu, il perdait pied. La réalité de leur situation s’enroulait autour de lui, serrant son cœur de plus en plus fort.
Un autre coup de feu éclata dans l’air. Un cri. Il tourna la tête, cherchant la source de la menace. Mais avant qu’il n’ait pu réagir, elle était déjà en mouvement, se glissant derrière un obstacle, son corps agile et son regard fixé sur l’invisible. Elle anticipait tout, et ses gestes étaient ceux d’une femme forgée dans les batailles, dans les trahisons, dans les pertes.
Elle se retourna un instant, ses yeux croisant les siens, et il y lut une complicité silencieuse. Ils étaient pris au piège, mais ils se battaient. Ensemble. C’était tout ce qu’ils avaient. Maxime sentit une bouffée d’espoir naître en lui. Peut-être que ce n’était pas trop tard. Peut-être qu’il pourrait encore la retrouver.
Elle lança un regard vers la porte, où des ennemis s’approchaient. « Tu veux vraiment savoir ce que je suis devenue, Maxime ? » Sa voix était basse, dangereuse, mais il y avait une étrange douceur dans l’ombre de son regard. « Alors suis-moi. »
Elle disparut dans l’ombre, et Maxime n’eut d’autre choix que de la suivre, avec la certitude que, cette fois, ce ne serait pas la fuite qui les définirait.
