05
______ [Amina]
Je me sentis terriblement mal à l’aise lorsque Tidiane annonça sa décision de prendre une seconde épouse. La surprise et la confusion étaient inscrites sur tous les visages présents. Mon cœur battait à tout rompre, et un silence pesant s’abattit sur la pièce. Je me demandais ce qui avait bien pu pousser Tidiane à faire une telle déclaration si soudainement, surtout juste après notre mariage. Était-ce juste à cause de ce conflit qu'il y a eu entre nous hier ?
Fanta, la mère de Tidiane, se redressa avec une expression de désarroi. Elle regarda son fils avec inquiétude
- « Tidiane, pourquoi fais-tu cela ? Nous venons à peine de célébrer ton mariage avec Amina. »
Tidiane la regarda d’un air déterminé avant de poser ses yeux sur moi puis il prit une profonde inspiration avant de répondre :
- « L'écart d’âge entre Amina et moi est beaucoup trop grand. Elle a peine 19 ans, et moi, j’en ai 29. Je pense qu’elle est encore trop jeune pour pouvoir gérer un foyer. Je ne veux pas la répudier de suite, c’est pourquoi je préfère prendre une seconde épouse surtout que je ne veux pas non plus perturber ses plans de carrière. »
Ces derniers mots furent prononcés en me regardant droit dans les yeux. Mes yeux s’écarquillèrent à l’entente de ces mots, car je savais exactement ce qu’il voulait dire par là. Il se souvenait de la condition que j'avais posée lors de notre rencontre deux jours après l'acceptation de notre alliance chez mes parents. Cette condition était liée à mes plans de carrière, et il me la lançait maintenant en pleine figure. Je me rappelai ce moment sur la terrasse où j'avais exigé qu'il ne laisse pas notre relation entraver mes ambitions professionnelles. Une larme coula de mon œil, que je m’efforçai de sécher rapidement avant que quelqu’un ne remarque.
Les regards se tournèrent ensuite vers moi, et je sentis le poids de la situation me peser davantage. Mon beau-père, Ibrahim, brisa le silence en se tournant vers moi avec une expression neutre mais attentive.
- « Amina, qu’en penses-tu ? » demanda-t-il d'une voix grave mais bienveillante.
Je pris un moment pour composer mes pensées. Il était évident que cette situation était bien plus compliquée que ce que j’avais imaginé. Je respirai profondément avant de répondre :
« Je vais réfléchir à cela et vous donnerai ma réponse sur l’acceptation d’avoir une coépouse après être revenue de chez mes parents dans trois jours. Pour l’instant, j’aimerais avoir la permission de me retirer pour préparer mon départ. Je ne mettrai pas longtemps, car mes affaires ne sont même pas encore défaites. »
Les membres de la famille acquiescèrent silencieusement. Je me levai avec une dignité qu'il m'était difficile de maintenir en ce moment, et je montai les escaliers pour me rendre dans ma chambre. La douleur et la confusion me submergeaient alors que je préparais mes affaires, mes pensées tourbillonnant autour de cette nouvelle réalité qui venait de bouleverser ma vie.
______ [Tidiane]
La nuit était tombée, et le calme enveloppait la maison, brisé seulement par le murmure discret du vent dans les arbres du jardin. J'étais assis sur la terrasse à l'arrière, le regard perdu dans l'obscurité, réfléchissant aux événements de la journée. La décision de prendre une seconde épouse avait jeté une ombre sur ce qui aurait dû être un moment de joie. Mes pensées tournaient en boucle, et je ne trouvais pas le sommeil.
Tout était si compliqué maintenant, et j’avais besoin de réfléchir. La paix que j’espérais en cette nuit paisible était brutalement interrompue par des coups frappés à la porte de la maison, me tirant de ma rêverie. J'entendis le bruit distinct du frappement, insistant et régulier. J'étais certain que quelqu'un devait ouvrir, alors je demandai à Khadija et Aïssatou, mes sœurs, de répondre. Cependant, aucun d'eux ne se manifesta. Les coups continuaient, sans relâche. Frustré, je me levai et me dirigeai vers l'entrée finalement pour ouvrir la porte moi-même. Je la déverrouillai et l’ouvris brusquement.
À ma grande surprise, je découvris Amina, accompagnée d’une autre femme, visiblement ivre. La scène me frappa d'autant plus en raison de l’état dans lequel se trouvait Amina. Elle vacillait tandis que la femme à ses côtés, vêtue d'une longue robe et d’un voile, semblait préoccupée. Elle s’addressa à moi d’une voix calme, malgré la situation chaotique.
- « Elle… elle a bu plus que de raison. Je n’ai pas réussi à la convaincre de s’arrêter. Je suis désolée. »
Je clignai des yeux, déconcerté. Mon esprit était tourmenté alors que je regardais Amina, qui ne semblait même pas réaliser où elle se trouvait. La femme à ses côtés continua de parler, sa voix douce contrastant avec la tension de la situation.
- « Je m’appelle Mallika, je suis une de ses amies. J’ai essayé de l’arrêter, mais elle n’écoutait pas. Je m’excuse profondément de ne pas avoir pu la maîtriser. »
Je ne trouvai pas les mots pour répondre immédiatement. Je regardai autour de moi, remarquant que mes parents, Fanta et Ibrahim, ainsi que ma grand-mère et ma tante, avaient fait leur apparition dans le salon. Leur expression était un mélange de confusion et d'inquiétude. Ils observaient la scène sans dire un mot.
Sans réfléchir davantage, je pris Amina dans mes bras et la soulevai délicatement. Ses yeux étaient mi-clos, et elle était si légère que je me demandai comment elle avait pu se retrouver dans cet état. Je décidai de l’emmener à l’étage. Mes parents me posaient des questions en suivant des yeux, mais je répondis simplement :
- « Je vous expliquerai plus tard. Je dois m’occuper d’elle pour le moment. »
Je montai les marches, Amina reposant faiblement contre mon épaule. Je la déposai doucement sur le lit de notre chambre, la couvrant d’une couverture pour la garder au chaud. Mon esprit était encore agité, le chaos de la situation m’écrasant. Je redescendis au salon pour affronter la fameuse Malika.
Elle était toujours là, attendant patiemment. Sa tranquillité, malgré le désastre apparent, était presque déconcertante. Elle m’accueillit avec une expression de regret qui semblait sincère.
- « Vous devez m'expliquer ce qui s'est passé, demandai-je d'un ton sévère mais mesuré.»
- « J'ai essayé de dissuader Amina de boire, mais elle ne voulait rien entendre. Nous avons été en boîte de nuit, et malgré mes avertissements, elle a continué à boire jusqu'à en perdre le contrôle. Je suis vraiment désolée de ne pas avoir pu l'arrêter, mais je suis venue avec elle pour m'assurer qu'elle soit en sécurité. »
Sa douceur et son calme me déconcertèrent. Je scrutai son visage, remarquant la sérénité dans ses yeux. Elle était vêtue d'une longue robe sobre et d'un voile discret. Tout en écoutant ses excuses, je me demandai comment elle avait pu se retrouver dans une telle situation.
- « Mallika, je ne sais pas quoi dire. Cette situation est complètement inattendue. Je comprends que vous ayez fait de votre mieux, mais je suis encore sous le choc de voir Amina dans cet état. »
Elle baissa les yeux, visiblement touchée par ma réponse.
- « Et je comprends votre colère. Je vais rentrer maintenant, mais avant de partir, je veux juste m’assurer que vous prendrez bien soin d’Amina. Elle est mon amie, et je me sens responsable de ce qui est arrivé. »
Je hochai la tête, reconnaissant la sincérité dans ses paroles.
- « Oui, bien sûr. Je vais m’occuper d’elle. Merci d’être venue la déposer. »
Mallika me fit un sourire triste et se dirigea vers la porte. Je restai là, pensif, regardant son départ. Je ne pouvais m’empêcher de me demander comment une femme aussi tranquille avait pu suivre Amina dans cette aventure nocturne.
Tandis que Mallika sortait, mes parents se rapprochèrent de moi, leur inquiétude palpable. Nous restâmes silencieux un moment, chacun absorbé par ses propres pensées, les événements de la soirée laissant des cicatrices profondes dans nos esprits. Je savais que demain serait un jour difficile, et que beaucoup de questions resteraient sans réponse pour le moment...