Chapitre 6
Je revois encore l’expression du visage de Calvin. Il semblait tellement déçu, même Cora et Mich m’ont regardé comme si c’était moi le monstre, Cora a secoué la tête avant de partir. Et ils ont raison.
Je suis un monstre. Par peur d’assumer cette attirance que je ressens pour lui, j’ai préféré le traiter en paria. Je m’en veux tellement, j’aimerais bien m’excuser. Mais j’ai entendu dire qu'il n’est pas en ville. Même avec Annie, il y’a une certaine tension à la maison. J’ai vraiment fait n’importe quoi. Quelle conne.
Ça fait maintenant trois jours que je demande sans cesse de ses nouvelles, même son portable ne passe pas. Je lui ai écrit des messages, j’ai essayé de l’appeler mais aucune nouvelle. Je pousse un soupir de frustration, la porte de la librairie s’ouvre sur Olivia. Qui comme d’habitude est en retard.
- Désolée…
Je lève une main pour lui signifier de se taire.
- On en a déjà parlé Liv… Si tu es incapable de venir travailler à l’heure tu peux toujours démissionner. J’en ai marre de faire ton travail à ta place. Dis-je en posant violemment un livre sur l’étagère.
- Je suis vraiment désolée, n'arrête t’elle pas de répéter derrière moi.
Je ne suis vraiment pas d’humeur à gérer ses remords maintenant. J’en ai plein la tête pour encore me permettre de gérer des émotions extérieures aux miennes. Je la laisse continuer son travail et je vais à l’arrière boutique.
Je saisis le livre qu’Alex m’a remis sur la généalogie des loups-garous de Lakecity. J’ouvre le livre sur la page qui représente mon bel alpha. Je lui caresse le visage. C’est très dur pour moi de tourner la page, j’aimais Mason de toutes mes forces et admettre que je suis attirée par un autre homme serait comme salir sa mémoire. Je ne suis pas prête à avancer avec quelqu’un d’autre.
J’entends des rires en haut, je me demande avec qui Victoria peut être entrain de rire. Je remonte, je ne me rends même pas compte que j’ai pris le livre avec moi. Olivia rit avec un homme, il lui sourit, mais son sourire semble faux. Il est très grand et blond, avec des yeux bleus, il est très bien foutu, il doit faire beaucoup de sport. Liv a l’air d’être complètement sous son charme. Il est le premier à remarquer ma présence. Il me sourit.
Olivia se retourne aussi, elle a l’air gênée que je l’ai aperçu faire du charme à un client. Il est le premier à rompre le silence.
- Bonjour dit-il en me tendant la main. Je m’appelle Ben.
Je tarde à lui prendre la main.
- Pénélope.
- Enchanté. Vous avez une charmante boutique.
- Merci. Que puis-je pour vous ?
- Je cherche un livre, sur la géographie tu pourrais m’aider. Pardon j’espère que ça ne te dérange pas que je te tutoie.
- Non pas du tout. Un livre sur la géographie locale ? Dis-je en posant le livre sur les loups-garous sur le comptoir.
Je me tourne vers une étagère pour fouiller les livres de géographie.
- C’est un livre très intéressant que vous avez là dis donc ! Combien le vendez-vous ?
Je me retourne pour voir qu’il s’est saisi du livre sur la meute et qu’il est entrain de le feuilleter. J'accourt et le lui prends des mains.
- Ce livre n’est pas à vendre. Dis-je d’un ton agressif.
- Je suis désolé, la curiosité l’a emporté j’aime les histoires paranormales sur les loups-garous et les vampires.
- Oui mais vous auriez pu demander avant de saisir quelque chose dans la boutique.
- Je suis vraiment désolé… je savais pas…
Bon d’accord, j’y vais peut-être un peu fort là aussi. Je prends le livre que je pose à côté de moi et je saisis au passage un livre de géographie.
- Tenez vous payerez chez Olivia.
- D’accord merci et encore désolé.
Je ne répondais rien et je retournais à l’arrière boutique.
Deux jours de plus se succèdent, toujours sans nouvelles de Calvin, son numéro aussi est toujours hors service. Je commence vraiment à m’inquiéter pour lui. Je suis dans la boutique à classer les livres lorsque Olivia vient en courant.
- Pénélope !
- Oui Olivia. Réponds-je sans me retourner.
- Tu croiras jamais à ce qui se passe là dehors.
- Que se passe t’il dehors ?
- C’est Calvin. Tu sais l’alpha.
Je m’arrêtai net et me tournai vers elle.
- Je sais très bien qui est Calvin. Que se passe t’il ?
- Il est dans un sale état.
Mon cœur manqua un battement.
- Comment dans un sale état mais parle bon sang !
- Ils sont rentrés de mission, paraît-il ils y auraient combattu des chasseurs de loups-garous. Calvin a été salement blessé. On lui aurait lancé une flèche qui semble-t-il aurait été trempée dans un liquide qui neutralise les pouvoirs du loup. Ça fait des jours qu’il ne se transforme plus en humain tellement la douleur est insupportable.
Je ne pus retenir le sanglot qui s’échappa de ma bouche à ce moment-là. J’avais très mal au cœur soudainement. Voyant mon malaise, Olivia alla me chercher une chaise.
- Tu vas bien ? Demanda-t-elle. Je ne savais pas qu’il comptait autant pour toi.
Moi non plus je ne le savais pas jusqu’à aujourd’hui.
- Où est-il ?
- Qui ça ?
- Olivia, où est Calvin ?
- Je crois qu’on l’a ramené chez eux dans la montagne.
Sans réfléchir je prends mon sac et mes clés de voiture, je me dirige vers la montagne. Une fois là-bas, je fonce vers la cabane de Calvin où j’y entends des cris. J’entre et ce que j’y découvre me glace le sang.
Calvin est allongé par terre sous forme de loup et n’arrête pas de grogner. Il a le ventre ouvert, je ne sais pas si j’hallucine mais je crois bien voir ses entrailles. Je mets ma main sur ma bouche pour me retenir de vomir. Il grogne empêchant qui que ce soit de s’approcher de lui. Je m’avance vers Cora. Je lui tire le bras.
- Cora que se passe t’il ?
Elle sanglote, dès qu’elle me voit elle s’essuie les yeux.
- Que fais-tu ici ? Me gronde-t-elle.
- Je suis venue voir comment il allait.
- Je ne crois vraiment pas que ce soit une bonne idée.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Demandais-je en essuyant les larmes qui coulaient de mes yeux.
- Une mission qui a mal tourné. Nous devions sauver le petit-fils d’un alpha. C’était un piège, ils nous ont tendu une embuscade. Mich a été pris au piège et Calvin s’est jeté la tête dedans sans réfléchir pour pouvoir le sauver. Il a été gravement blessé.
- Oui mais, il devrait cicatriser n’est-ce pas ? Elle respire un bon coup, je regarde ses mains. Elles sont couvertes de sang, le sang de Calvin.
- Pour qu’il cicatrise, il faudrait qu’il retrouve sa forme humaine. Et le loup a très mal. Il est blessé et affolé, il pense sûrement que pour s’il retrouve sa forme humaine, Calvin souffrira encore plus. L’homme et l’animal sont très différents. Que ce soit dans cette forme ou une autre, il n’est sûrement pas un monstre dit-elle en me regardant méchamment.
J’encaisse la pique sans rien dire. Elle s’essuie le visage. Je remarque qu’elle aussi a pleuré.
- Écoute, dit-elle. Je ne suis pas certaine que ta présence ici arrange les choses. Tu ferais mieux de partir. S’il ne cicatrise pas, il risque de mourir. Tu comprends ?
Je regarde le loup étendu devant moi. Il souffre. Je n’arrête pas de me dire que c’est de ma faute. Si je n’avais pas dis ce que j’ai dis. Je pleure encore plus. Il a mal, mais continue de repousser tous ceux qui essayent de l’aider avec des grognements. Je pose mon sac et je m’avance vers lui, la vie ne peut pas être aussi injuste, être confrontée encore une fois à la mort d’un être cher, je ne peux le supporter. J’écarte tous ceux qui sont autour de lui, ils sont venus soutenir leur alpha. Je n’ai pas le temps de m’émouvoir d’une telle solidarité, je ne m’inquiète que pour lui. Je n’ai le regard fixé que sur lui. Je suis à quelques mètres de lui. Quelqu’un me retient par le bras, je ne vois pas qui, je le vois juste lui.
Mon magnifique loup, qui agonise. Je retire ma main et je continue à avancer vers lui, dès qu’il sent mon odeur, il essaye de redresser mais titube. Alors il grogne de plus en plus dangereusement, de plus en plus fort. Je n’ai pas peur, mais je sens sa peur à lui, la peur de l’animal et celle de l’homme. Je me soumets à son autorité, je me mets à genoux. Je me concentre uniquement sur lui, toutefois je regarde partout sauf dans ses yeux, il pourrait le prendre pour un affront.
Les minutes se succèdent, j’ai l’impression que ça fait une éternité que je suis dans cette position. Ses grognements ont cessé pour laisser place à des gémissements de douleurs, je ferme les yeux pour ne pas voir ça. Puis tout à coup, je sens sa langue chaude sur mes mains. J’ouvre les yeux, je vois qu’il a rampé jusqu’à moi. Il continue de me lécher les mains puis pose sa tête sur mes cuisses. Je pleure tout en lui caressant la fourrure, il continue à gémir, finalement je le regarde dans les yeux, lui aussi me sonde le regard comme pour voir s’il peut me faire confiance se laisser aller à devenir un humain, quelques minutes plus tard, il se transforme en humain. Il tremble de froid et sa plaie est toujours ouverte. Je vois Mich courir avec une couverture. Je me contente de lui caresser les cheveux encore et encore. Et lui continue de trembler sur mes genoux.