Chapitre 1
Jamais de toute ma vie je n’oublierai ce jour, car en cet instant, j’ai vu mes parents, mes héros, ces personnes que je tenais en haute estime, supplier à genoux, les larmes aux yeux, notre propriétaire.
Comme vous l’avez sûrement compris, nous étions en train de nous faire expulser. Notre propriétaire était un homme rondouillard, semblable à un ballon, qui nous fixait de son regard. Il portait une chemise rouge et son éternelle culotte marron. Il avait toujours un cure-dent dans la bouche, comme s’il se préparait à manger partout où il allait. Il était planté devant ce qui n’était plus notre cour à présent, pendant que deux gros bras vidaient sans ménagement notre domicile de tous nos biens.
Ma mère était en larmes, tandis que mon père multipliait les promesses pour éviter que nous soyons jetés à la rue. Pendant ce temps, mes frères et moi étions là, les regardant sans savoir où nous mettre.
J’avais Lisa, ma petite sœur âgée de deux ans, dans les bras. Elle pleurait comme si elle comprenait ce qui se passait. Mais ses pleurs semblaient si lointains pour moi. Mon petit frère, Luc, âgé de sept ans, était pétrifié. Il se grattait la tête d’une main, tandis que de l’autre il agrippait fermement un bout de mon t-shirt. Nous assistions impuissants à ce spectacle.
Vaincus, mon père s’approcha de nous, la tête basse, les yeux humides, n’osant pas nous regarder.
Mon père : Prenez l’essentiel, nous devons partir ! Adrien, essaye de faire un sac avec vos affaires.
Moi : Mais papa, où allons-nous aller ?
Mon père : Contente-toi de le faire !
J’ai posé Lisa sur le sol. Elle s’était calmée et suçait paisiblement le bonbon que je lui avais donné. J’ai pris une grosse valise dans laquelle j’ai rangé nos vêtements, à nous trois. Luc s’était accroupi sur le sol et me regardait faire.
Après avoir laissé libre cours à ses larmes, ma mère se releva et commença à préparer sa valise. Ensuite, elle vérifia ce que je faisais. Quelques minutes plus tard, nous étions prêts à partir. Elle tenait Lisa dans ses bras et avait un gros sac à main. Mon père portait deux valises, et moi, j’en avais une que je traînais derrière moi.
Luc : Maman, où est-ce que nous allons comme ça ? Demanda mon petit frère.
Personne ne lui répondit, nous nous contentâmes de marcher.
Moi je m’appelle Adrien Hinsia, j’ai 15 ans, et voici mon histoire. Pour résumer la situation, il y a quatre mois, mon père a été muté dans le nord du pays pour des raisons professionnelles. Mais pour une raison inconnue, il a été victime de sabotage de la part de ses collègues, ce qui a abouti à son licenciement seulement deux mois après son arrivée.
C’était les grandes vacances, et avec le déménagement et les préparatifs pour la rentrée scolaire à venir, mon père n’avait plus beaucoup d’économies, et les indemnités qui lui étaient dues ne furent jamais versées. Il était impossible de rentrer à Ebolowa, nous n’avions pas de famille sur place, même pas dans les villes voisines. Nous avions accumulé dettes sur dettes, et tous les prêts avaient été utilisés pour financer le procès que mon père avait intenté contre l’entreprise pour licenciement abusif. Procès qu’il a d’ailleurs perdu, et qui s’éternisait. Maintenant, nous n’avions plus rien.
Nous ne pouvions pas récupérer nos affaires, alors nous les avons laissées derrière nous à la merci de tous. Nous avons marché avec nos valises sous le soleil brûlant de Garoua. Je peux vous dire que ce soleil de plomb peut tuer.
On a marché toute l’après-midi sans savoir où aller, pire aucun d’entre nous n’avait mangé depuis la veille.
Luc : J’ai faim ! N’arrêtait-il pas de répéter.
Ma père : Patience Luc on va bientôt trouver.
Nous nous sommes reposé dans un jardin public, fatigué et en sueur nous avons mangé des beignets achetés avec ce qui semblait être nos dernières pièces. Mais après c’était pire car pour ma part, j’avais encore plus faim. C’était la première fois de ma vie que je ressentais une telle famine.
Cette situation était insoutenable, ma mère s’était murée dans un lourd silence alors que mon père lui, réfléchissait tellement qu’il se mettait à parler tout seul. J’étais tellement inquiet la nuit approchait et nous n’avions nulle part où dormir.
Après cette pause, nous avons repris la route, nous nous éloignons de plus en plus du centre ville pour nous rapprocher des quartiers reculés. À présent il faisait sombre, je ne sais combien de kilomètres nous avons marché, mais nous avons atterri dans un quartier peu habité. La plupart des maisons étaient des chantiers en construction. Bien sûr il y avait quelques rare maisons habités.
Quand nous y étions ma mère a ouvert la bouche pour la première fois depuis qu’on a commencé à marcher.
Ma mère : Albert je te préviens, je ne compte pas dormir dans la rue avec mes enfants ! A-t-elle lancé.
Mon père : Tu vois bien que je réfléchis à des solutions.
Ma mère : Quand je pense que l’on en serait pas là si tu ne m’avais pas interdit de travailler, elles sont où tes belles promesses maintenant !?
Mon père : ….
Ma mère : Tu ne parles plus ! A-t-elle craché.
Mon père : ….
Tout à coup, on est arrivé dans une impasse, il n’y avait que des herbes, la route s’arrêtait là, il y avait un immense chantier de construction en face duquel se trouvait une maison aux allures bizarre. C’était une grande maison entourée d’une mini clôture que l’on pourrait facilement enjambé. Il y avait une cour pleine d’herbes sèches, ce fait m’a interpellé car toutes les herbes qui étaient en dehors de la clôture étaient vertes.
Le plus étrange, C’est que la porte de la maison était largement ouverte la lumière qui était à l’intérieur parvenait jusqu’à nous dans l’obscurité de la nuit naissante et une odeur alléchante s’en dégageait.
Luc a couru en vitesse vers la maison.
Luc : Ça sent bon là-bas ! Disait-il en se suçant les doigts.
Mon père l’a suivis pour l’attraper, j’ai fait de même suivi par ma mère. Je me suis arrêtée sur la pas de la porte, mais mon père a dû entrer pour attraper Luc qui était déjà à l’intérieur.
Mon père : Désolé pour cette intrusion ! A-t-il crié en agrippant mon frère.
Mais il n’y a pas eu de réponse.
Mon père : Il y a quelqu’un ? A insisté mon père mais toujours aucune réponse.
Je suis aussi entré par curiosité, nous avons laissé nos valises dans la cour. On était dans le salon, il y avait une petite télé qui reposait sur une commode miniature collée au mur sous l’une des fenêtres du salon. Il y avait un canapé et deux fauteuils orientés vers la télé, sur le sol il y avait un tapis de couleur rouge bordeaux qui encadrait le coin du salon, un ventilateur était fixé au plafond et il y avait dans un coin une étagère pleine de ce qui semblait être des bibelots.
Au fond de la pièce, il y avait une grande table et six chaises disposées tout autour. Et sur cette table il y avait une marmite ouverte. L’endroit était très bien entretenu, les meubles n’était pas neuf mais tout était en bon état.
Ma mère : Il n’y a personne ici ?! demanda-t-elle en entrant à son tour.
Mon père : Apparemment.
Ma mère : Oh, merci mon Dieu ! s’exclama-t-elle.
En voyant la marmite, elle se dirigea vers la table à manger. Ce qui était le plus étonnant, c’est que la table était dressée avec cinq couverts, comme si on nous attendait. Il y avait une nappe, des plats, des fourchettes, des cuillères et tout le nécessaire. Ma mère, mine de rien, prit la louche et commença à remuer la marmite, qui était encore fumante.
Mon père : Mais qu’est-ce que tu fais ? On est chez les gens.
Ma mère : Il n’y a personne on va vite manger et repartir venez les enfants.
Mon père : Sofia, comment tu peux faire ça ?
Ma mère : Chéri ! La famine libère du scrupule !
Elle nous a servi à manger dans les plats qui étaient disposés, c’était un délicieux bouillon de pomme de terre avec de la viande, on ne pouvait pas résisté à la tentation tellement on avait faim, on s’est tous jeté sur la nourriture on se dépêchait de manger quand quelqu’un est arrivé par la porte qui était toujours ouverte.
C’était une Femme vêtue d’une longue robe grise, elle était maigre, très maigre à tel point que ses joues étaient creuses. Elle avait une allure squelettique, des yeux exorbités, des cheveux frisés qui allaient dans tous les sens et une peau noire ébène.
Elle était là, dans l’encadrement de la porte mais n’avait absolument aucune présence. Car nous ne l’avions remarqué que quand elle s’est écrié.
- Que faites-vous chez moi ?