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CHAPITRE 01

CHARLIE

Quelle surprise ! Le dîner avait été rempli de réelles révélations. La capitale avait besoin de son père et du généralissime Yvan et elles seraient du voyage, toutes les trois. Charlie était parfaitement excitée par la situation. Elle avait beau se plaire ici, où le temps passait si lentement qu'elle ne voyait pas son anniversaire se rapprocher, la capitale lui manquait. Certes, elle y avait connu des horreur mais eh ! où n'en n'en voyait-on pas ? Elle était persuadée que ce cours séjour à Ravenwell ne se passerait pas plus mal que celui de l'année dernière, pour l'anniversaire d'Yvan.

Mais quelque chose d'étrange flottait dans l'air et les premiers regards dont Charlie avait été témoins lui avaient semblé lourds de sens. Il se passait quelque chose dont elle n'avait pas été notifiée et elle n'aimait pas ça ! Parce qu'elle était jeune, on lui cachait toujours tout ! Elle n'avait même pas été tenue au courant de l'arrivée d'un nouveau serviteur et lui avait jeté un baquet d'eau chaude au visage quand il était entré dans sa chambre. Bien sûr, elle avait cru à un cambrioleur ou un assassin.

Bien sûr, elle avait été des plus polies et repentante à cause de ce qu'elle avait fait subir à ce pauvre Gédéon et lui avait même apporté des fleurs, en ce jour. Gédéon était poli et, si leur rencontre n'avait pas été violente, elle aurait peut-être pu se prendre à flirter avec lui.

Après le dîner, Yvan et Taesch avait désiré s'entretenir seuls avec Allen et Gédéon et on les avait envoyé chercher du bois dans la réserve, à l'autre bout du jardin, sans doute pour les tenir loin de l'étude de son père, ce qui ne faisait que renforcer sa frustration complète et parfaitement justifiée ! Elle souleva un petit fagot de bois et le chargea dans la brouette terreuse qui portait encore les traces de la récolte de pommes du jour. Quelques feuilles vertes tapissaient son fond.

Elle se tourna alors vers son amie, qui se tenait là, propre et encore gantée. Alianora Fell détonnait dans ce paysage bucolique. Elle représentait la citadine dans toute sa splendeur. Robe aux multiples dentelles, corset bien serré, coiffe couvrant son visage de façon si élégante que Charlie aurait pu en être jalouse, Alianora avait apporté beaucoup de soin à son maquillage. Ses lèvres carmins formaient un sourire doux et ses yeux éclaircis de fards colorés semblaient plus gris que noirs. Elle était une vraie lady.

Isobel et Charlie, à côté d'elle, semblaient n'être que des souillons. Et les marques de saletés apportées par le bois sur leurs manches ne faisait que rajouter à cet effet. Mais Alianora ne se montrait jamais méprisante ou condescendante.

"Parbleu, cela doit être lourd ! N'y a-t-il pas un homme ou deux pour vous aider ?"

Si fragile, si frêle, Alianora semblait avoir oublié qu'elles étaient trois filles dans ce groupe qui avait sauvé l'Empire et l'Empereur. Mais Charlie ne pouvait la juger. La famille Fell avait toujours été si conservatrice et Isobel et elle n'avaient pas été à la capitale pour contrebalancer cette pression terrible que sa mère faisait peser sur ses épaules. Isobel secoua la tête et sourit doucement. A ce rare présent, Alianora rougit un peu et sourit en retour.

"Nous n'avons que deux serviteurs et encore, ils sont de ceux qui ne se mouillent que rarement en dehors de la maison. Ne t'en fais donc ça, nous pouvons soulever un fagot ou deux sans péril. Et puis, nous avons l'habitude !"

Alianora soupira doucement alors qu'Isobel chargeait un plus gros fagot de bois bien sec dans la brouette. Charlie ferma les yeux et respira l'air ambiant. Elle avait appris, ici, à connaître les signes avant coureurs d'une tempête, d'une averse soudaine ou même d'une chute de neige inopinée. Père partait souvent avec elle en forêt pour lui apprendre à chasser. Le sentiment de fierté quand elle savait qu'elle avait ramené de quoi les sustenter pour un temps n'avait pas d'égal. Il arrivait parfois qu'ils restent des semaines, en hiver, sans pouvoir atteindre le village proche et, donc, qu'ils doivent se contenter de sang et de viande d'animaux du bois tout proche. Dans ces cas là, les talents de la jeune fille et de son père étaient fort utiles.

"Nous avons encore un peu de temps avant que l'orage n'éclate."

Alianora cligna des yeux en l'entendant et regarda la ciel, encore bien dégagé et sans nuage. Cela ne durerait pas longtemps. Le vent commençait un peu à se lever.

"Un orage ? Mais je n'en vois aucun signe."

Isobel chargea une souche débitée en trois gros morceaux dans la brouette qu'elle cala entre deux plus petits amas de bois et laissa échapper un petit rire, moqueur mais pas vraiment méprisant.

" Fais donc confiance à Charlette, elle ne manque pas de talent pour décrypter les signes de la nature invisibles aux yeux des personnes comme toi et moi."

Charlie chargea un dernier fagot de petit bois dans la brouette et déglutit un instant en regardant ses mains. Père disait qu'elle avait un don inné ... est-ce que c'était lié à ce qu'elle avait fait à Lucius et Lazarus, un an et demi plus tôt ? Alianora haussa les épaules et hocha la tête.

"Je dois avouer que j'envie parfois votre heureuse petite famille ... Si seulement je pouvais moi aussi connaître une telle quiétude ... Mais cela ne doit pas durer, apparemment, puisque nous devons retourner à la capitale, d'ici à la fin de la semaine."

Charlie sentit que sa chance était maintenant. Elle ne voulait pas paraître trop intéressée ou brusquer Alianora qui avait certainement reçu des instructions claires et précises concernant la lettre. Mais elle était aussi tellement ... curieuse. Aucune rumeur ni aucun ragot ne lui passaient sous le nez.

"Nora, sais-tu ce que contenait cette lettre pour justifier une telle décision ? C'est tout de même étrange."

Alianora sembla surprise mais Charlie n'aurait su dire si elle jouait la comédie. Elle était familière de la Cour et, même si elle restait leur amie, elle avait désormais dix-huit ans et était la fiancée d'un Prince.

"Je ne puis plus cacher la curiosité dont j'ai fait preuve durant le trajet qui m'a menée jusqu'à vous. Mais avant de vous dire ce que contenait la lettre, je suppose que je devrais vous dire ce qui se passa à Ravenwell. Rentrons donc au sec."

L'air était devenu humide et Charlie ne put qu'être d'accord. Elle empoigna la brouette et la poussa en direction de la maison. Un éclair dans le ciel la fit presser le pas.

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