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Chapitre 2

4 mois plus tôt.

— Je savais que je n'aurais jamais dû t'écouter, pas sur ça.

Je tourne la tête dans sa direction en l'entendant enfin arriver derrière-moi, le souffle court. Il me foudroie du regard devant mon sourire moqueur, ayant pour seul effet d'intensifier ce dernier. J'insère la clé dans sa serrure et ne prends pas la peine de lui refaire face pour lui rétorquer :

— Un peu d'exercice te fera le plus grand bien.

— Oh, parce que maintenant c'est pour mon bien ? Quoi, j'ai des kilos en trop aussi ?

Je dépose mon carton dans l'entrée puis me tourne vers lui. Je lui prends le sien des mains avant d'effectuer le même manège, toujours sans un mot mais non sans un sourire. Quand je reviens vers lui, je lui attrape délicatement le visage de part et d'autre pour ensuite venir chastement l'embrasser. Il se laisse faire, les muscles de ses épaules se dénouant dans la seconde. Ne m'éloignant qu'à peine de ses lèvres je chuchote tout contre elles :

— J'aime que l'on soit arrivés à un stade où l'on se comprenne sans avoir besoin de le dire explicitement.

— Qu'est-ce q–

Son visage se referme à la vitesse de la lumière tandis que je fais un bond en arrière, évitant de justesse son poing dans mon bras.

— Ce n'est que trois étages, même toi et tes kilos américains retrouvés devraient pouvoir survivre.

— Quelqu'un peut me rappeler pourquoi je suis amoureux du prochain Usan Bolt...

Il a plus marmonné pour lui-même, se contentant de ramasser un des cartons s'entassant dans l'entrée pour se diriger vers la chambre. Sauf que je suis beaucoup trop heureux aujourd'hui pour le laisser s'en aller sans me moquer encore un peu.

— Tu sais qu'il ne faut pas être un athlète de haut niveau pour y arriver, n'est-ce pas ? Notre voisine approche la cinquantaine.

— Dis-moi Garnier, tu veux tester le canapé dès la première nuit ? Ça peut s'arranger.

Un aboiement sonore retentit dans l'appartement, la tête de Falcon apparaissant au-dessus du dossier du-dit canapé. Il ne m'en faut pas plus pour qu'un grand éclat de rire ne m'échappe, celui-ci ne s'arrêtant plus devant l'évolution de la tête de Malo. Il passe du sursaut à la surprise, puis de la surprise à l'incrédulité avant d'arriver à l'agacement. Je me calme difficilement mais parviens néanmoins à articuler dans sa direction :

— On dirait bien que le canapé est déjà réservé.

— Mon chien et mon mec se liguent contre moi. Génial. Absolument génial.

Je souris toujours du même air idiot en allant caresser avec énergie Falcon, celui-ci se faisant une joie de me lécher le visage en retour. Je vois du coin de l'œil Malo s'appuyer contre le mur pour nous regarder, alors je tourne la tête dans sa direction. Falcon en profite pour réserver le même traitement à mon oreille et un nouveau rire m'échappe. Malo de son côté sourit étrangement, ses yeux ne nous quittant pas.

— T'as avalé quelque chose de travers, Nash ?

— Cette vision était parfaite, puis il a fallu que t'ouvres la bouche...

Sa mine se fait faussement défaitiste, mais il ne me leurra pas, il n'arrive pas à réprimer complètement son sourire. Je ne suis même pas sûr qu'il en ait envie. Je m'apprête à répliquer, étant décidément beaucoup trop de bonne humeur pour me permettre de le laisser remporter cette joute verbale. Mais soudain, en laissant mes yeux s'attarder sur le mur vide derrière-lui, un détail me saute aux yeux. Plutôt une intuition. Celle-ci ne me fait en revanche plus du tout rire.

J'en oublie presque aussitôt nos chamailleries puériles. Je me redresse, laissant le golden retriever. Celui-ci descend du canapé pour laisser sa langue s'attaquer à ma main, or je ne lui accorde plus beaucoup d'attention. À la place mes yeux parcourent chacun des murs à ma portée. Il y a bien quelques cadres et décorations sommaires, mais c'est tout. Je me mets à tourner sur moi-même, sentant la catastrophe se profiler à l'horizon à vitesse grand V.

— On peut savoir ce qu'il t'arrive, mon cœur ? Tu as avalé quelque chose de travers ?

Malo s'approche de moi, les sourcils légèrement froncés mais l'air toujours moqueur. Il tend la main dans ma direction seulement au même moment je me décide à me mettre en action, retournant dans l'entrée. Rien. À l'image d'un ouragan je me rends dans la cuisine, puis la chambre, la salle de bain et même les toilettes en ultime recours. Rien, rien, toujours et désespérément rien.

— Mais ce n'est pas possible ! C'est une catastrophe !

— Rafael, tu veux bien t'arrêter vingt secondes et m'ex–

— Comment j'ai fait pour ne pas le voir à la visite ? Ils ont dit meublé !

— Rafael.

Malo arrive derrière-moi pour venir poser ses mains sur mes épaules, m'obligeant à m'arrêter. Ce que je fais. À l'image d'un pantin dont il aurait le contrôle en tirant sur de simples fils, il me contraint ensuite à me retourner pour lui faire face.

— Bien.

Son visage tente de se reconstruire une mine sérieuse. C'est un lamentable échec.

— Alors maintenant tu vas prendre une grande inspiration, tu vas te calmer, et tu vas m'expliquer pourquoi tu viens de courir partout comme un gamin ne trouvant pas ses Œufs de Pâques.

Je continue de respecter à la lettre ses injonctions et prends une grande inspiration. Puis je me contente d'énoncer, articulant bien distinctement et insistant bien sur chacun de mes mots :

— Il n'y a pas d'horloge.

Il ne me répond pas, se contentant de me fixer. Il n'y a absolument aucune évolution dans ses traits ni dans sa posture. Il attend, simplement. Mais voyant que de mon côté je ne poursuis pas il lève les yeux au ciel, ses mains toujours sur mes épaules alors qu'il me rétorque :

— D'accord. Et ? Tu ne communiques que par bout de phrase maintenant ?

— Et c'est tout ! Il n'y pas d'horloge dans cette appart purée ! Rien, nada ! Qui vit sans horloge ? C'est une catastrophe Malo, comment je vais faire pour être à l'heure à la fac si je n'ai pas d'horloge chez moi ? Imagine mon portable a un problème, je fais comment ? Hein ? Et bah je suis dans la merde, voilà ce qu'il se passe ! Je ne peux pas me permettre d'être en retard. Je ne p–

Je suis interrompu net par un éclat de rire sonore et spontané. Malo devant moi se plie littéralement en deux, les mains sur le ventre. C'est maintenant à mon tour de lever les yeux au ciel, tout simplement parce que je ne suis pas surpris le moins du monde de cette réaction.

— Ouais, je m'en serais douté. J'irai en acheter une tout seul.

— Rafael attends...

Il se relève pour me refaire face, sauf que dans la seconde qui suit monsieur se remet à rire ouvertement. Il va même jusqu'à s'appuyer contre le mur, toujours plié. Falcon arrive en bombe du salon, la queue remuant énergiquement et nous regardant tour à tour, se demandant ce qu'il se passe. Il se passe que son maître est un abruti fini. Je le laisse à son fou-rire, retournant dans l'entrée pour aller chercher un carton. Je prends celui destiné à la cuisine pour ne pas avoir à repasser devant lui, qui se tient toujours dans le couloir menant à la chambre et qui n'est décidément pas prêt de se calmer.

J'espère qu'il en aura des crampes à l'estomac.

J'ai le temps de finir de vider un bon trois quart de mon carton, rangeant son contenu où le cœur m'en dit puisqu'il semblerait que je sois le seul apte à en décider, avant que monsieur ne daigne se calmer. Je laisse ma main en suspend en entendant finalement le silence reprendre ses droits, et surtout en entendant ses stupides gloussements s'estomper. Je me retourne donc, pile pour le voir faire son apparition dans l'encadrement de la porte.

— Je rêve, t'es allé jusqu'à en pleurer de rire ?

Ses yeux sont plus humides que l'éponge de cet évier. Il ne cherche même pas à le cacher. Il arrive alors à grand pas vers moi, et avant que je n'ai pu élaborer un quelconque plan de replis ou de défense, il vient me prendre dans ses bras pour me serrer contre son torse.

— S'il te plaît Rafael, je veux que tu me promettes une chose.

Je suis toujours collé contre son torse. Il ne semble pas se formaliser du fait que je ne lui rends pas le moins du monde son étreinte, tout comme il ne s'attarde pas sur mon grognement agacé et boudeur en guise de réponse.

— Promets de ne jamais changer s'il te plaît. Reste toujours ce Rafael-là, il est bien trop précieux.

Je relève la tête vers lui, m'autorisant finalement à passer mes mains dans son dos pour le serrer à mon tour contre moi. Il baisse la tête dans ma direction et j'en profite alors pour lui embrasser le menton.

— Ça veut dire que j'ai droit à mon horloge ça ?

Ses lèvres s'étirent naturellement puis il m'attire de nouveau contre lui, ses mains se perdant dans mes cheveux tandis qu'il m'embrasse le front.

— Tu ne commences la fac que dans deux semaines. On a tout le temps d'oublier le temps.

— Une semaine et demie en fait.

— D'accord, une semaine et demie. Il me reste une semaine et demie pour t'avoir à moi tout seul, donc absolument aucune horloge ne passera le pas de notre porte durant cette période.

Je relève à nouveau la tête, mais cette fois-ci ce sont directement ses lèvres que je viens chercher. Il se laisse faire, et même avec plaisir si j'en crois le sourire que je le sens arborer. Un aboiement sonore nous interromps néanmoins alors que nous tournons en simultané la tête vers l'encadrement de la porte où se tient Falcon. Malo lève les yeux au ciel, agacé. Je m'apprête à suivre son exemple, quand je vois son chien faire un pas en avant. Je me dégage alors de notre étreinte pour faire les gros yeux à l'animal.

— Non. Tu ne mettras pas une seule patte dans cette cuisine. Allez, oust !

— Laisse, je vais le mettre dehors, ça lui fera du bien.

L'énorme avantage de cet appart, c'est son immense cours intérieure. Plutôt un jardin privatif, se partageant entre les résidents. Tout un pan de cet espace est réservé aux animaux, ce qui est littéralement parfait pour un golden retriever encore en pleine forme et ayant besoin de se dépenser. On peut facilement dire que ce fut l'élément déclencheur pour nous faire choisir cet appart et pour faire accepter les trois étages à Malo.

Je le laisse emmener le monstre dehors, ayant le temps nécessaire pour finir de ranger mon carton et deux autres supplémentaires. Quand Malo revient, les joues légèrement rosies d'un effort aussi dérisoire, il se dirige directement vers la chambre. Je pousse un soupir devant son côté dramatique, laissant le contenu de mon carton pour aller le rejoindre.

Quand je le découvre étendu de tout son long dans le lit, un lit qui n'est même pas encore fait, je ne peux m'empêcher pour la énième fois de la journée de me sentir tout simplement heureux.

Je suis enfin aux États-Unis pour mon semestre Érasmus. Mieux que ça, je m'apprête à emménager officiellement pour les cinq prochains mois avec celui que je considère sincèrement comme l'homme de ma vie. Je ne me fais aucun doute sur le fait qu'une fois de retour en France je recommencerai à déballer des cartons, pour cette fois-ci emménager définitivement avec lui. Et ce coup-ci j'aurai mon horloge, tout sera réellement parfait.

— Je crois qu'on devient un vieux couple Malo. On emménage ensemble, on a même un chien ensemble. Un golden, on ne peut pas faire plus cliché.

Je m'arrête quelques secondes, laissant mes yeux le parcourir une énième fois. Je n'en aurais jamais assez de cette vision, donc pourquoi s'en priver ?

— J'ai rarement été aussi heureux.

Il ne redresse absolument pas la tête pour me faire face en m'entendant, gardant celle-ci enfoncée dans un oreiller. Il prend tout de même la peine de lever un bras, m'invitant de la main à venir le rejoindre. Je ne me fais pas plus prier. Il se décide finalement à bouger, venant à nouveau me serrer dans ses bras alors que sa bouche se pose contre mon oreille.

— Il manque quelque chose pour compléter le cliché. On a la maison, le chien, mais pas le bébé.

Je sais pertinemment qu'il plaisante, or c'est plus fort que je moi, je m'étouffe violemment. Il ricane dans mon dos mais se sert néanmoins un peu plus contre moi alors qu'il reprend, la voix chargée de sous-entendus :

— On peut toujours essayer de te faire tomber enceinte. Je me porte volontaire.

Ses dents s'attaquant à mon cou et ses mains s'infiltrant sous mon t-shirt sont les derniers détails sur lesquels je parviens à m'attarder.

Puis je mets mes pensées sur off.

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