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Samedi 24 décembre

                      

Je tourne dans mon lit de petite fille depuis de longues minutes maintenant, sans parvenir à trouver le sommeil. Cette chambre m'angoisse et je n'arrive plus à fermer les yeux sans revivre la scène qui a brisé mon cœur il y a une semaine. Alors, tous les soirs depuis maintenant sept interminables jours, je tente de m'endormir les yeux ouverts. Mon cerveau me livre une bataille sans merci, il ne cesse de me replonger dans le cauchemar qui a fini de m'anéantir dès que j'ai le malheur de clore mes paupières.

                      

C'est ainsi que depuis la semaine dernière je ne dors plus que quelques minuscules heures chaque nuit. Lorsque je tombe enfin d'épuisement, je dois affronter ma déception quand le visage d'Ethan apparait pour hanter mon somme. Mon sommeil n'est pas réparateur ni reposant, il est simplement agité et douloureux. Mes cernes et mon teint blafard sont là pour vous le prouver !

                      

Je suis arrivée chez mes parents en fin d'après-midi afin de passer le plus hypocrite des Noëls. Chaque année, c'est la même mascarade : je suis tenue d'arriver vers 18h le 24 décembre afin de finir de préparer le frugal repas qui nous attend puis je n'ai pas d'autre choix que d'assister à la messe de minuit qui ne m'intéresse absolument pas. Ensuite, je dors dans la maison de mon enfance et je rassemble toutes mes forces pour affronter la journée sordide qui m'attend.

                      

Tous les Noëls, ma mère revêt ses habits parfaits et son sourire de façade, mon père passe des heures en cuisine pour nous servir son traditionnel chapon aux marrons et ma grand-mère me questionne pendant tout le repas sur mon manque d'ambition et mon inquiétant célibat. Autant vous dire que si je n'arrive pas à trouver le sommeil ce soir, c'est peut-être aussi parce que la journée qui se profile me déprime d'avance.   

                      

Mon ventre vide gronde continuellement depuis que je me suis couchée mais je n'arrive plus à avaler quoi que ce soit depuis la semaine dernière. Trop de souvenirs amers me hantent et ils nouent mon estomac si fort que dès que j'ose porter un aliment à ma bouche, il ressort aussi vite.

                      

Pour essayer de me calmer, je tente des exercices de respiration destinés à m'apaiser, en vain. Il est plus de deux heures du matin, la maison est totalement silencieuse et je ne suis pas du tout à l'aise dans cette petite pièce qui a accueilli mon chagrin de petite fille délaissée toute mon enfance. Depuis que j'ai quitté cette demeure, je fais mon maximum pour me montrer forte et pour prouver à mes parents que je ne suis pas la ratée qu'ils pensent que je suis. Je mène une vie ordinaire, je ne fais pas de vague, je respecte bien sagement toutes leurs exigences pour ne pas ternir leur réputation mais je suis bien contrainte de reconnaitre que jamais je ne lirai de fierté dans leurs yeux. Cette constatation me brise un peu plus chaque année mais je dois me montrer solide, je ne veux pas leur donner raison.

                      

Je baille à m'en décrocher la mâchoire et malgré les tristes pensées qui accaparent mon esprit ce soir, je commence à sombrer dans le sommeil. Malgré moi, mes paupières se ferment doucement et ma respiration se fait plus profonde et régulière. C'est alors que comme tous les soirs depuis samedi dernier, je revis en détails le moment qui m'a mise à terre.

                      

Assise pratiquement nue à califourchon sur Ethan, je me redresse vivement quand mes doigts laissent tomber son alliance accrochée à la chaine autour de son cou. Je me relève, cours dans le couloir récupérer mon legging et sweat extra large. Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine que je peine à réellement prendre conscience de la réalité. Mais lorsqu'Ethan se lève, se rhabille et plante son regard suppliant dans le mien, la vérité me percute de plein fouet.

                      

L'homme qui flirte avec moi depuis plusieurs semaines, l'homme qui m'a ouvert son cœur, l'homme qui a fait tomber mes barrières une à une, l'homme à qui je me suis donnée sans retenue... Cet homme est en réalité marié, engagé dans une vie stable avec une autre femme et il m'a caché la vérité.

                                  

              

                    

Ethan s'approche maintenant de moi et tente de me prendre la main mais j'esquive son geste si violemment qu'il en soupir de désespoir. La douleur qui s'est immiscée dans ma chair au moment où mes doigts se sont posés sur son alliance ne me quitte plus. Je n'arrive plus à me débattre pour garder la tête hors de l'eau, je me noie insidieusement et mon cerveau n'arrive plus à fonctionner correctement. Je n'arrive pas à soutenir son regard, j'ai besoin d'air pour essayer de comprendre ce qui est en train de se passer et je m'éloigne de lui autant que je le peux mais il me suit tout en passant nerveusement la main dans ses cheveux.

-Laisse-moi s'il te plaît.

-Candice...

Il prononce mon nom comme une supplique, ses yeux cherchent désespérément les miens et il ne bouge pas. Il n'a pas l'air décidé à partir et mon cerveau encore sous le choc il y a quelques minutes se réveille instantanément. 

Il me faut des réponses. 

Depuis plus d'un mois, l'homme posté en face de moi ne cesse de se rapprocher de moi, de me tourner autour, de créer des situations équivoques. C'est lui qui m'a embrassé la première fois. Il est à l'origine de tous nos moments intimes et il n'a jamais jugé bon de me prévenir qu'il était marié ! 

Il me doit des réponses.

-Alors explique-moi Ethan, comment se fait-il que tu n'as jamais trouvé cinq minutes pour me prévenir que tu étais marié, hein ? Tu comptais me le dire un jour ou tu pensais que la gentille Candice n'allait rien dire ?

Son regard triste et blessé me transperce mais ses lèvres restent closes. Il reste debout, face à moi, complètement immobile. Seuls ses iris affolés bougent dans tous les sens, comme s'ils m'appelaient à l'aide. Mais je ne peux plus rien pour lui.

-Je vois... c'est bien ce qu'il me semblait... j'ai naïvement cru que toi aussi tu ressentais quelque chose mais en fait, tu cherchais juste une fille pour passer le temps. Tu veux que je te dise ? Tu me dégoûtes !

Mon cœur menace de me lâcher tant il tape fort contre ma cage thoracique. A cet instant, je comprends pourquoi mon organe vital s'est toujours emballé en présence d'Ethan. C'est comme s'il tentait de m'avertir que cet homme est néfaste pour moi, que quoi qu'il arrive il ne pourra que me briser le cœur. Et comme une idiote, j'ai pris ces avertissements pour une excitation partagée. Alors que lui jouait. Pas moi.

-Ne joue pas la sainte-nitouche, je ne t'ai jamais forcée en rien. Tu n'as pas mis longtemps à écarter les cuisses, si tu veux mon avis !

Ses mots acides m'anéantissent à la seconde où il les prononce. J'ai l'impression de m'écraser au sol après une chute de vingt étages. La violence de ses propos ne fait que me confirmer que je me suis totalement fourvoyée. J'avais, d'une certaine manière, confiance en cet homme. Même si je savais qu'il jouait avec moi, je le pensais sincère. J'ai cru qu'il partageait notre attirance et notre complicité mais en réalité, tout cela était faux. Il agissait dans le seul but de me mettre dans son lit. Il aurait agi ainsi avec n'importe qui d'autre mais c'est tombé sur moi.

Et moi, pendant tout ce temps, je me suis dévoilée comme jamais. Je l'ai laissé me mettre dans des situations totalement inédites dans lesquelles je n'avais d'autre choix que de lâcher prise et d'avancer aveuglément. Je lui ai fait suffisamment confiance pour accepter qu'il pose les mains sur moi après mon agression. J'ai accepté de ne plus tout contrôler et de faire tomber mon masque. Maintenant, je me sens trahie et je me dégoûte de m'être fourvoyée de la sorte.

-Je crois qu'on s'est tout dit. Maintenant sors de chez moi.

Mon ton est neutre, froid, presque sans vie. Il contraste totalement avec mon cœur blessé qui hurle dans ma poitrine. Une insidieuse douleur s'est immiscée dans mes veines et elle parcourt maintenant tout mon corps. Mes membres sont ankylosés par le poids de la souffrance qui leste ma chair mais je parviens à garder la tête haute quand je me dirige vers ma porte.

            

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