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Samedi 17 décembre
Je suis assise sur un banc depuis maintenant quatre heures. Je n'ai presque pas bougé, je me suis levée une seule fois pour aller aux toilettes. Le reste du temps, je suis restée sagement assise sur cette chose métallique censée nous faire patienter confortablement. Mes fesses peuvent vous assurer que ce n'est pas le cas !
Notre vol est retardé à cause de la tempête de neige qui s'abat sur Londres depuis plus de trois jours. Les avions restent cloués au sol et moi à mon banc. Nous ne savons pas quand nous décollerons et cette situation est particulièrement inconfortable, surtout après la nuit que nous avons vécue.
Lorsque je me suis réveillée dans les bras d'Ethan ce matin, son regard était illisible. Même s'il me serrait toujours contre lui, ses iris ne se sont pas posés sur mon visage et j'ai immédiatement senti la distance qu'il avait érigée entre nous. Nos corps étaient emmêlés l'un à l'autre mais son esprit vagabondait si loin qu'il n'acceptait aucun compagnon de voyage. Rapidement, nous nous sommes levés et il a regagné sa chambre. Avant de fermer la porte, il m'a simplement demandé comment je me sentais. La sollicitude était telle dans sa voix que j'ai immédiatement compris qu'il avait besoin de savoir que ma souffrance de la veille s'était définitivement envolée. Je l'ai rassuré d'un sourire et il a enfin rejoint sa chambre en libérant un long soupir.
L'attitude d'Ethan ne m'a jamais autant mis mal à l'aise. Hier soir, il s'est montré doux, fort et protecteur. Ma douleur se reflétait dans ses sublimes pupilles marrons et jamais un homme ne m'avait apporté un si grand apaisement. Il a su m'apprivoiser, m'approcher et me faire oublier. Cependant, depuis que le jour s'est levé, il ne m'a pas adressé plus de trois phrases et il se tient le plus loin possible de moi. J'ai l'impression qu'il regrette tout ce qu'il s'est passé. Et cette simple supposition me tord les entrailles car je n'aurais jamais réussi à me relever sans lui.
Mon cerveau est en surchauffe depuis que j'ai ouvert les yeux, beaucoup trop d'interrogations se sont logées dans mon esprit et je ne sais ni quoi dire ni quoi faire. Je reste donc immobile sur mon banc, à regarder l'homme majestueux qui se tient à plusieurs dizaines de mètres de là faire les cents pas en passant nerveusement la main dans ses cheveux. Le tourment qui émane de lui est saisissant. Ses traits sont tendus à l'extrême, son visage reflète une profonde fatigue mêlée a une douloureuse inquiétude qui ne l'a jamais lâché de tout le voyage et son corps tout entier est crispé. Je ne sais absolument pas si je dois le laisser gérer ses turpitudes ou si je peux m'approcher de lui pour simplement poser ma main sur son bras.
En repensant au soulagement qu'il m'a apporté hier, l'évidence me frappe de plein fouet. Je dois essayer de lui faire autant de bien qu'il m'en a fait, je dois être là pour lui s'il m'accepte. Enhardie par cette nouvelle confiance, je me lève et m'apprête à briser la distance nous séparant lorsque mon téléphone sonne dans mon sac. En le prenant en main, je constate que ma meilleure amie souhaite me parler.
Je me rassois pour lui répondre et rapidement elle me demande si je serai présente le soir même pour assister à sa soirée entre amis. Je lui explique que je suis coincée à l'aéroport et le brouhaha qui m'entoure me permet de cacher le trouble qui résonne dans ma voix. Je ne veux pas que Cassiopée m'interroge sur ce qui me tracasse, je ne suis pas encore prête à lui en parler. Nous discutons encore plusieurs minutes pendant lesquelles je parviens à canaliser mon amie puis nous raccrochons.
Cette conversation m'a extirpée de cet aéroport l'espace de quelques minutes mais maintenant que la voix de ma meilleure amie ne résonne plus dans mes oreilles, l'imbroglio de pensées contradictoires qui m'habitait refait surface. Je distingue à plusieurs mètres de là Ethan qui s'est finalement assis sur un banc et qui range son téléphone dans sa poche. La conversation téléphonique qu'il vient d'avoir à l'instant semble l'avoir dérouté puisqu'il se penche en avant, pose ses coudes sur ses genoux et se prend la tête dans les mains.
C'en est trop pour moi. Mon cœur se serre douloureusement quand je le vois souffrir de la sorte et je ne peux plus rester immobile. Je me lève d'un bond et me dirige d'un pas déterminé vers l'homme qui obnubile mes pensées. Quand je m'approche de lui, Ethan relève doucement la tête et ses yeux résignés et rouges se posent sur moi. Mon cœur ne se serre plus douloureusement, il saigne maintenant pour lui. Je perçois tellement de souffrance à travers son regard las que je ne peux que continuer mon chemin et m'assoir près de lui. Il me regarde faire sans prononcer un mot puis repositionne sa tête dans ses paumes. Son parfum viril et suave contente tous mes sens tandis que le long souffle qu'il libère me rappelle à quel point c'était délicieux de le sentir parcourir ma nuque hier soir. Je refoule ces souvenirs exquis et me concentre sur l'homme en souffrance qui se tient à ma droite.
La respiration d'Ethan semble s'accélérer imperceptiblement lorsque je me baisse pour lui murmurer:
-Ethan ? Vous allez bien ?
Ses mains serrent plus fort son visage et au bout de quelques secondes, il finit par hocher doucement la tête tout en conservant sa position. Il ne prononce aucun mot. Il ne tourne pas la tête vers moi. Il ne me regarde pas. Je n'arrive pas à savoir s'il va me laisser l'approcher et lui apporter mon soutien. Mais pour la première fois de ma vie, je ne recule pas. Je n'écoute que mon cœur qui me hurle de l'aider et je ne tergiverse pas pendant des heures.
Délicatement, je pose ma main droite dans son dos et je sens son corps se raidir instantanément. Sa réaction fait immédiatement accélérer mon rythme cardiaque car j'ai peur qu'il me rejette. Mais il ne me repousse pas. Il reste cependant immobile, toujours recroquevillé sur lui-même. Mon approche ne semblant pas le perturber, je ressens un regain de confiance qui fait définitivement taire ma raison. Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine qu'il me fait mal lorsque j'entame un mouvement de va-et-vient avec ma main tremblotante, le bout de mes doigts se promenant malicieusement le long de son dos. Petit à petit, Ethan se détend et je vois ses épaules s'affaisser légèrement. Nous restons ainsi de longues minutes qui passent comme des secondes. Ethan n'esquisse aucun geste pour faire tomber la forteresse derrière laquelle il s'est muré mais il ne me chasse pas. Et cette simple pensée suffit à gonfler mon cœur de courage.
Comme il l'a lui-même fait la nuit dernière, je ne le quitte pas des yeux lorsque je laisse les pleins pouvoir à ma paume. Celle-ci, plus aventureuse que jamais, se dirige sans attendre vers sa nuque qu'elle parsème d'infinis frissons puis se perd dans sa crinière ébouriffée. Je vois les beaux yeux bruns de cet homme papillonner sous ma douce caresse avant de se fermer complètement et d'enchainer de paisibles inspirations. J'ai l'impression qu'une armée de papillons s'envole dans mon ventre quand je réalise qu'à mon tour, je parviens à le soulager. Au moment où mon corps se détend à son tour, je prends conscience que j'ai passé ces dernières minutes en apnée.
Ma discrète étreinte se prolonge et je reste le regard fixé sur l'homme à mes côtés qui semble peu à peu gagner la bataille silencieuse qu'il mène contre ses propres démons. J'aimerais tellement comprendre ce qui le ronge ainsi et pouvoir l'aider à ma manière. Même si je ne connais rien de sa vie, je veux qu'il sache qu'il peut compter sur moi s'il en ressent le besoin, comme moi j'ai pu compter sur lui hier soir alors même que je le repoussais.
-Je suis là si vous avez besoin de moi... je peux peut-être vous aider ?
A l'instant où je murmure ces mots à son oreille, Ethan soupire douloureusement puis tourne enfin la tête vers la gauche. Nos épaules se frôlent et lorsque son regard résigné rencontre le mien, mon cœur souffre avec lui.
-Il n'y a plus rien à faire, malheureusement.
Le ton de sa voix est calme, posé mais surtout abattu. Je ne reconnais pas le dragon qui m'a tant de fois heurté avec ses mots acérés. Il a laissé place à un homme accablé de peine et épuisé par tous ses tourments. Sans réfléchir, ma main quitte alors ses cheveux qu'elle caressait toujours paresseusement pour se poser sur sa joue. La sensation de sa fine barbe rêche contre la douceur de ma peau électrise instantanément mon corps tout entier. Ethan, quant à lui, esquisse un faible sourire quand il laisse sa tête reposer entièrement contre ma main. Mon pouce entame alors une lente valse le long de ses traits fatigués. Je savoure chaque seconde que nous passons collés l'un à l'autre et lorsque la voix d'une hôtesse résonne dans le hall de l'aéroport, je maudis la météo plus clémente de faire voler en éclat ce moment suspendu, nous permettant de quitter Londres.
Lorsque nous pénétrons dans l'avion, Ethan se décale pour me laisser passer et me fait signe de m'installer contre le hublot. Je ne peux retenir un sourire, moi qui déteste voyager côté couloir. Je le remercie à demi-mot et m'assois sur le siège qu'il m'a attribué. Je récupère mon Ipod dans mon sac pendant qu'il s'installe sur le siège à ma gauche. Je ne suis pas très à l'aise, je ne sais pas vraiment comment me comporter avec lui et il ne m'aide pas. Ethan reste silencieux, le regard rivé sur son téléphone. J'allume donc mon MP3 et lance ma playlist dans le seul but d'assourdir mes pensées tandis que mon compagnon de voyage range son smartphone et ferme les yeux.
Au moment où l'appareil se positionne sur la piste de décollage, l'appréhension et la nervosité que je ressens habituellement refont surface. Je me tortille maladroitement sur mon siège et je triture nerveusement mes doigts, priant intérieurement pour que cette désagréable sensation me quitte au plus vite. Même la musique qui résonne dans mes tympans n'arrive pas à calmer mon anxiété et quand l'airbus commence à prendre de la vitesse, je ne maitrise ni ma respiration saccadée, ni mes ongles qui se plantent vigoureusement dans ma chair.
Les yeux toujours clos, Ethan attrape d'un geste vif ma main gauche, la serre précieusement et positionne nos doigts entrelacés sur sa cuisse. Je tourne subitement la tête pour l'observer mais son visage si parfait ne laisse rien transparaitre. Comment a-t-il pu deviner le stress qui commençait à m'envahir ? Mes yeux se baladent sans retenue sur lui mais ne trouvent aucune réponse. Au lieu de me laisser submerger par toutes ces questions, je décide de simplement profiter de ce toucher salutaire. La chaleur de sa paume se répand dans tout mon corps et je rassemble toutes mes forces pour m'empêcher de le parcourir de mes doigts. Mon cœur reprend sa course effrénée et mon ventre se contracte subtilement tandis que je me délecte secrètement de toutes les sensations enivrantes que cet homme fait naitre dans mon corps grâce à un geste simple et si anodin.
Nous conservons cette position un long moment. Ethan s'endort très rapidement et dès que je sens la pression de sa main diminuer, je prends le relai. Mes doigts parcourent maintenant nonchalamment le dos de sa main et dessinent de paisibles caresses sur sa peau rugueuse. Son sommeil est agité, il sursaute de temps à autre et son visage fermé laisse transparaitre que son trouble envahit également ses nuits. Enfermée dans ma bulle où seuls ma musique et mon cœur chamboulés retentissent, ma raison a totalement déserté mon corps lorsque mon bras gauche passe derrière l'épaule d'Ethan. Je le ramène à moi et positionne son visage sur mon épaule. Il me semble que mon initiative le sort de son somme mais lorsque ma main se perd à nouveau dans ses cheveux pour lui offrir de douces caresses, son corps se tranquillise à mon contact et s'apaise enfin totalement.
J'observe son torse se soulever au rythme de ses respirations sereines et les traits de son visage se détendent enfin. Pendant que ma main gauche cajole doucement ses cheveux et sa nuque, ma paume droite ne peut rester immobile. En manque de sa peau, je passe mes doigts sous la manche de son bras droit et j'étreints chaque parcelle de son corps qui m'est accessible. Je prends peu à peu conscience que je ne peux plus me passer de sa peau, de son toucher. Cette constatation me fait autant peur qu'elle m'enivre.
Je ne sais pas combien de temps je passe à caresser, frôler puis taquiner la peau chaude d'Ethan. Tout ce que je sais, c'est que j'ai besoin de le toucher et qu'un profond bien-être s'est installé en moi quand j'ai réalisé que je pouvais l'apaiser à mon tour. Quand Ethan commence à se réveiller et prend conscience de la position dans laquelle nous nous trouvons, il ne se redresse pas. Cependant, sa main capture brusquement la mienne et mon cœur s'arrête une seconde. Je retiens ma respiration, je ne sais pas du tout à quoi m'attendre et je ne veux surtout pas que ce moment se termine. Au bout d'une interminable attente, il pose doucement ma main sur le haut de sa cuisse. Cette position à priori anodine, ne l'est en réalité pas du tout. Ma main est positionnée tout en haut de sa cuisse, à la limite de son entrejambe. Sa paume rugueuse appuie fermement sur le dos de la mienne pour lui ordonner de ne pas bouger. Mon cœur s'affole et ma respiration devient chaotique. La musique qui résonne dans mes oreilles ne suffit plus à assourdir le vacarme qu'Ethan a déclenché dans mon corps avec ce simple geste. Tremblant d'appréhension autant que d'impatience, je lui obéis et plante mes doigts dans la chair de sa cuisse. Je sens sa gorge grogner contre mon épaule et sa main gauche prend alors le pouvoir.
Elle commence tout d'abord par augmenter le volume de mes écouteurs et je ne distingue plus rien d'autre que la mélodie qui prend possession de mes oreilles et de mes pensées. Je n'entends même plus le moteur de l'avion, je ne ressens que ma respiration et les battements affolés de mon organe vital. Langoureusement, Ethan commence à promener angéliquement ses doigts sur mes jambes et ma peau s'embrase instantanément à travers mon jeans. Pantelante, j'attends désespérément de connaitre le sort qu'il me réserve mais l'homme qui se tient à ma gauche est le plus grand joueur que la terre n'ai jamais porté. Il se contente donc d'effleurer sensuellement mes cuisses sans aller plus loin. Mon corps est totalement tendu car je sais que notre rapprochement est tout sauf innocent. Le désir se fraye un chemin dans mes veines à la vitesse de l'éclair et m'engloutit en quelques secondes à peine. Il m'a capturée et m'a emprisonnée dans une bulle électrisante où seules ses caresses existent. Je peine toujours à respirer normalement et je ne peux empêcher ma main de s'enfoncer dans sa cuisse, la lenteur de ses effleurements me rendant totalement folle !
Je distingue les lèvres d'Ethan s'étirer en un sourire satisfait et je le maudis de savoir me mettre dans tous mes états en quelques secondes à peine. Mon corps est tellement réceptif à ses initiatives que je ne peux plus lutter. Petit à petit, sa main remonte imperceptiblement le long de ma cuisse intérieure pour longer innocemment la fermeture éclair de mon pantalon. Un tsunami de décharges électriques me cloue sur place quand ses doigts passent furtivement sur mon intimité pour rejoindre le bas de mon ventre. Le bout de ses doigts soulève habilement le pull fin que je porte et se posent sur ma peau brulante de désir pour lui.
Je ne sais pas si je veux qu'il s'arrête ou qu'il continue, la musique résonne toujours dans ma tête, les sensations qu'il m'offre sont toutes plus incohérentes les unes que les autres et je n'arrive pas à quitter du regard sa main qui vient tout juste de se cacher sous la bordure de mon jeans pour agripper fermement ma hanche. Quand ses doigts s'enfoncent dans ma peau, je remarque que nos respirations saccadées et pleines de désir se répondent. Les souvenirs de notre étreinte du début de semaine refont surface et décuplent mon excitation qui commence à s'affirmer plus que de raison.
Tout en gardant sa main solidement accrochée à ma hanche, Ethan se redresse, sa tête quitte mon épaule et son regard ardent se plante dans le mien. A cet instant, il me semble que mon cœur se décroche de ma poitrine pour se lancer dans une chute libre interminable. Mes yeux émeraude sont incapables de lâcher les siens et j'ai tout à coup la réponse à ma question. Je veux qu'il continue. Je veux qu'il aille plus loin. Je veux lui appartenir. Au moment où son corps reprend une position standard sur son siège, le mouvement de ses jambes rapproche dangereusement ma main de la bosse qui déforme déjà son pantalon. Malgré moi, je lâche un petit cri de surprise et mes yeux s'écarquillent de stupeur. Ethan remarque mon trouble et pour toute réponse, son regard noir de désir se fait plus intense lorsque ses doigts s'enfoncent délicieusement dans ma peau et qu'ils se décalent légèrement, jouant ainsi avec la bordure en dentelle de mon sous-vêtement.
Le désir que je ressens pour cet homme est si fort que je n'arrive plus à respirer correctement, ni à maitriser les tremblements incessants de mon corps et de mon cœur qui me transportent dans une autre dimension où seule sa main sur ma peau n'a d'importance. Il me fait oublier que nous sommes dans un espace réduit et entouré de monde, que cet homme si puissant est mon patron et que je vais bientôt me brûler les ailes à force de jouer avec le feu. Cependant, je n'arrive plus à contrôler mon corps qui ne réclame que celui d'Ethan et je me surprends moi-même à onduler doucement des hanches et à me pencher subtilement vers la gauche pour me rapprocher encore plus de lui. Je veux me fondre en lui, je veux qu'il s'infiltre dans chaque parcelle de mon corps et qu'il me fasse découvrir la jeune femme sauvage qui sommeille en moi.