Prologue
13 mai 2010
Cela va faire presque six mois que nous sommes partis, et le temps nous semble incroyablement long. Ce qui ne devait être qu'une rapide mission, un quasi aller-retour de routine, une simple reconnaissance militaire, s'est transformé en quelque chose de radicalement différent. Je suis soldat, alors des trucs durs, glauques et moches, j'en ai pas mal vu, mais rien ne me préparait à ça... à ce que je vis ici en Afghanistan...
Mes compagnons et moi ne supportons plus cette chaleur harassante. Notre équipement est si lourd et si épais que la sueur perle sur nos corps dès le lever du soleil, collant ainsi nos treillis à la peau du matin au soir. Nous passons notre temps à essuyer nos visages dégoulinants de transpiration et à réajuster nos prises sur nos fusils d'assaut à cause de nos mains moites. Désormais, j'ai en horreur ce casque qui repose tel un poids mort sur le haut de mon crâne. Les sorties, les rondes, les contrôles, les repérages... Tout se fait dans des conditions climatiques extrêmes et à la limite du supportable, puisque la température ici avoisine les quarante degrés. La chaleur est si suffocante qu'elle nous assaille d'une fatigue assommante presque désarmante... Comme si nous avions besoin de ça... Comme si cela n'était pas déjà si dur... Parce que, outre la météo qui n'est pas des plus agréables, il règne ici une atmosphère étrange...
La méfiance est notre maître mot, et nous sommes constamment sur le qui-vive, prêts à subir, prêts à protéger et surtout prêts à nous défendre contre tout et n'importe quoi. Le danger est partout et la menace est bien présente.
Ici, le plus adorable des enfants peut s'avérer être l'arme la plus redoutable utilisée par nos
Onerais
Même le soir, lorsque la nuit tombe, nous n'avons pas le repos et le répit que nous méritons puisque, là encore, la fraîcheur n'est qu'une douce illusion et le danger rôde tout autour de nous. Pour ma part, je n'ai pas peur... Je n'ai plus peur... La mort est une éventualité dans notre métier et j'ai appris à l'accepter. Résignés, nous le sommes tous. C'est le prix à payer pour trouver notre paix intérieure.
Je donnerais cher pour connaître ne serait-ce qu'un peu de sérénité. mais il faut croire que c'est
encore trop demander. Nous agissons par habitude. Nos corps. nos esprits sont comme anesthésiés.
bercés par la souffrance que nous endurons pour notre patrie
Mais aujourd'hui je pense avoir été enfin entendu.
Mes compagnons sont détendus, les sourires naissent et les conversations qui se raréfiaient reprennent. Parce que oui, plus l'environnement est hostile, plus le silence est légion, surtout, quand le moral des hommes est en berne. la discussion n'est alors plus vraiment de mise.
Ce soir, il est en liesse! C'est notre dernière soirée ici, et nous nous envolerons après notre ultime mission demain matin, un retour au bercail bien mérité en somme. C'est pourquoi la bonne humeur règne et les rires fusent pendant le repas, où chacun y va de son commentaire limite ou de sa blague graveleuse. Ouais, un tas de choses nous manquent et le sexe en fait bien évidemment parti !
Un peu à l'écart, assis sur une caisse en bois, je partage une cigarette et un café avec Flynn, mon
meilleur ami.
Nous nous sommes engagés ensemble et, entre lui et moi, c'est un peu à la vie, à la mort. Nous étions deux têtes brûlées, des sales gosses par excellence et l'armée représentait un véritable pied de nez pour nos parents respectifs. Le moven de partir rapidement de chez nous. de quitter le nid pourtant si douillet tout en se rebellant. Une aubaine ! A l'époque, nous étions jeunes, nous nous pensions libres et nous étions en fait terriblement cons. Disons que la vie s'est chargée de nous donner une grande et bonne lecon d'humilité... à nos dépens.
- Putain, ce que j'ai hâte de me faire un steakhouse, de voir les potes et de baiser une belle
nana, me dit-il tandis que je tire sur ma cigarette, l'écoutant débiter tout un tas de conneries.
Entre nous, Flynn est sans conteste le plus bavard, le plus social, le plus extravagant et accessoirement le tombeur de ces dames. Moi, je suis plus silencieux, plus mesuré, moins fou peut-être... Dans notre duo, c'est sans doute moi qui suis le plus raisonné, si tant est qu'il y en ait un de nous deux qui le soit !
- Imagine le topo, une belle paire de fesses, des nichons du tonnerre et une bouche à faire la
plus belle des pipes !
Je souris face à l'enthousiasme de mon ami sans rien ajouter.
- Ca y est, j'ai la gaule ! läche-t-il en soufflant un nuage de fumée.
Je ne peux m'empêcher de ricaner devant son numéro et sa bonne humeur contagieuse.
- Eh, t'en penses quoi, mec ? m'interpelle-t-il alors, me sortant de mon silence.
- Si tu savais à quoi je pense, vieux, je lui fais en le regardant malicieusement avant de m'enfiler
tout mon café noir brûlant, savourant ainsi la douleur au fond de ma gorge.
- Tu fais chier, John. Je t'interdis de penser au cul de ma sœur, tempête-t-il en réponse. C'est
pas cool, mec !
- Trop tard, j'ajoute tout sourire pour l'enrager davantage avant de rejoindre notre escadron un
peu plus loin et de le laisser en plan.
Lui et sa bite !
Voilà à quoi se résume la dernière conversation que l'aie eue avec lui... du cul !
Mais l'ignorais alors que nous échangions là nos derniers mots.
J'aurais tant eu à lui dire..