Prologue
Les yeux rougis par nos pleurs, nous sortons, Susie et moi, d'une séance cinéma que je qualifierais de cataclysmique tant nous sommes chamboulées. Les mots me manquent pour exprimer ce que l'ai ressenti en visionnant le jeu des acteurs et en vivant à travers eux une relation amoureuse magique, tumultueuse et bouleversante.
Entre Nous... Dernier blockbuster avec la célébrité du moment, j'ai nommé : Reese Pierce.
Comment ne pas s'imaginer à la place de l'héroïne, vivre un pareil conte de fées ?!
Ah ce que nous pouvons être naïves parfois... C'est à coup sûr ce à quoi je rêverais encore
si ce salopard ne m'avait pas humiliée de la sorte... Je me suis pourtant promis de ne pas y penser, mais c'est quasiment mission impossible quand le seul type en qui vous aviez une totale confiance vous poignarde dans le dos.
J'essuie rapidement la larme qui menace de couler au coin de mon œil avant que Susie ne
s'apercoive de quoi que ce soit. Cette nana est beaucoup trop perspicace. Elle comprendrait en moins de deux que mon chagrin n'est pas uniquement lié au visionnage de ce film.
À défaut de conte de fées et de prince charmant, nous décidons d'aller boire un verre entre
filles pour terminer la soirée, avec pour mot d'ordre que ces instants soient exclusivement féminins !
Que justifie cette fuite de testostérone, me direz-vous ? J'ai, tout simplement, surpris par
hasard un message sans équivoque sur le téléphone de mon désormais « ex-petit ami » Antoine. Je ne suis pas particulièrement jalouse, mais là, c'était plus que ce que je pouvais encaisser. Ce n'était pas un timide SMS du style : « J'ai beaucoup apprécié notre diner », « J'aimerais te revoir » ou encore « Je t'apprécie énormément ». Déjà, ma patience aurait été mise à rude épreuve... On est plus dans le genre inacceptable et carrément intolérable « Tu as encore été incrovable hier et ton truc avec la langue est juste démentiel... J'ai hâte de recommencer... » bla bla bla... Je fais l'impasse sur les détails les plus salaces et la photo jointe de nibards qui sont d'ailleurs totalement faux ! Pour être tout à fait honnête, j'aimerais bien savoir ce qu'il fait de si sensationnel avec sa langue ce salopard, parce que ie n'ai pas le souvenir d'avoir autant pris mon pied avec lui. Le pire dans tout ça, c'est qu'il n'a même pas cherché à nier, et qu'au contraire, il semblait presque soulagé que je découvre le pot aux roses puisque, sereinement, il a lâché d'une voix nette, sans faille :
« Ema, j'ai rencontré quelqu'un, c'est terminé entre nous ! »
Sans blague, ça, je l'avais deviné toute seule, gros malin !
Je n'ai pas su quoi répliquer. J'aurais pu lui demander qui c'était. Si ie la connaissais.
Depuis quand cela durait. Mais à quoi bon, notre couple n'était pas au beau fixe ces derniers temps, nous ne faisions que nous disputer et ne partagions plus rien. Alors, pourquoi se voiler la face ?
À la place, je lui ai répondu très calmement :
« Très bien, je vois que ta décision est prise », puis devenue totalement incontrôlable, je me
suis mise à lui jeter tout ce qui se trouvait à ma portée, mettant ainsi sens dessus dessous son appartement avant de claquer la porte.
Au-delà de la trahison qui reste pour moi impardonnable, j'aurais préféré qu'il me parle s'il
ne se sentait pas bien avec moi, si notre couple ne le satisfaisait pas au lieu de courir la première greluche venue. Son geste ne peut m'empêcher de penser que le problème vient peut-être de moi, au final.
Qu'ai-je bien pu faire ou non pour le pousser à fuir dans les bras d'une autre ? Parce que
même si nous nous étions éloignés tous les deux, jamais je n'aurais pensé ça de lui... Le pire de tout, c'est qu'il n'a même pas eu l'air de se sentir coupable !
Un an et demi de relation, ce n'est pas rien tout de même et on ne décide pas de tirer un
trait du jour au lendemain sans aucune explication.
J'ai rencontré Antoine lors d'un diner chez des amis. II était drôle et le courant est tout de
suite passé entre nous. C'est lui qui a insisté pour que l'on se revoie. Grand, mince, les cheveux courts châtain foncé, pas un physique d'apollon, mais doté d'un charme de folie. J'ai hésité un moment de par son âge - il approchait la trentaine - et par le fait qu'il était déjà actif, un parfait conseiller bancaire bien sous tout rapport. (Tu parles.) Tout mon contraire. À l'époque, j'avais 23 ans et je commençais seulement mes études de stylisme. Avec du recul, je pense que si cette différence a été décisive au début, elle a aussi causé notre perte. Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde et je ne me sentais tout simplement pas prête à m'engager plus avec lui.
Pour résumé, j'ai accepté ses invitations, flattée qu'il s'ntéresse à moi et c'est ainsi que tout
a commencé. C'était ma première histoire sérieuse, toutefois, nous avons préféré garder notre indépendance en logeant séparément. Enfin, je l'ai convaincu d'habiter chacun de notre côté. Cela faisait un certain temps que ce sujet était une source de disputes, ça et bien d'autres choses. Mais pour ma défense, je n'ai jamais ressenti l'envie de plus. Notre relation me convenait parfaitement comme elle était et je préférais continuer a vivre avec mes amis. Je ne tenais pas particulièrement a bouleverser mon équilibre de la sorte. C'est sans doute à ce moment-là que j'aurais dû m'apercevoir que quelque chose n'allait pas, puisque je fuyais la suite logique de notre aventure.
C'est certain, nous n'avions rien à voir avec Susie et Tom, qui eux passent la majeure partie
de leur temps ensemble. Mais je ne les ai jamais enviés, parce que je considérais juste mon couple différent du leur. Pour moi, ce qui fait que l'amour est incomparable, c'est qu'il existe mille et une façons d'aimer. L'amour se vit et se ressent. Il peut nous inspirer, nous bouleverser, nous transporter, nous habiter... Je vivais mon histoire avec Antoine comme je la ressentais, c'est-à-dire rassurante, confortable et agréable.
Susie et Tom se sont rencontrés il y a quatre ans, lors d'une soirée étudiante. Entre eux, ce
fut comme un coup de foudre. Depuis ils ne se quittent quasiment plus et sont toujours fourrés chez l'un et chez l'autre, sauf en cas d'extrême urgence et apparemment, ces temps-ci, j'en suis un. Tout le contraire d'Antoine et moi qui nous voyions peu ou juste quand nos emplois du temps correspondaient.
Un peu naïvement, je pensais que nous avions tous les deux besoin d'une certaine distance. Enfin, c'était ce à quoi je me raccrochais. Dernièrement, c'était pire, si bien que parfois, la semaine passait sans que l'on se croise.
Avec du recul, je ne peux pas dire si j'étais vraiment amoureuse. Peut-être au début, mais
ensuite, en y réfléchissant, je pense qu'il s'agissait en réalité surtout d'habitude, de confort. Vers la fin, ses absences se répétaient de plus en plus souvent, et je lui pardonnais à chaque fois en lui trouvant des excuses à la noix. Crédulement, je pensais qu'il effectuait des heures supplémentaires à cause de la promotion qu'il venait d'obtenir, alors qu'en réalité, Monsieur se faisait astiquer le manche par Miss gros nibards ! No comment...