Chapitre 4
Shay
Un mois et demi plus tard..
- T'es prête, ma chérie? s'écrie mon père depuis le rez-de-chaussée. Eden est là.
• Oui, c'est bon, l'arrive.
Je contemple un instant mes ballerines de danse que j'ai dans la main, puis les fourre finalement dans ma valise après un long moment d'hésitation. J'ai toujours du mal à m'en séparer. En réalité, elles ne quittent pas souvent mes pieds. C'est un de mes accessoires préférés. Je les adore. La danse est ma passion. Elle raconte mon histoire, ma vie. Dans une atmosphère parfois joyeuse, parfois triste. C'est un moyen d'évacuer tout ce que je ressens, de m'exprimer, de renforcer la confiance que j'ai en moi.
C'est depuis que l'ai cinq ans que je me suis lancée dans cette discipline. J'avais besoin de faire quelque chose pour me sentir mieux afin de chasser les douleurs ancrées en moi. Vivre avec un handicap n'est pas facile. Je suis née avec une agénésie transverse des membres supérieurs, c'est-à-dire sans main droite, une malformation qui touche très peu de personnes. À six ans, j'ai eu la chance d'avoir une prothèse, mais je m'en suis séparée au fil du temps. Bien que j'aie dû souvent affronter des obstacles dans la vie, j'ai toujours réussi jusqu'à présent à les surmonter. J'avais envie de prouver que ie pouvais réussir les choses que ie voulais entreprendre sans aide médicale. Je n'ai plus honte de mon handicap maintenant. Il est toute ma force!
Je ferme ma valise et descends prudemment les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée. Eden est devant la porte d'entrée. Il m'attend avec un grand sourire, vêtu d'un long manteau noir et d'une écharpe grise
autour du cou
- Salut, p'tit monstre... Tu vas bien? me demande-t-il en me débarrassant de ma valise.
Je lui donne un coup de poing dans le bras.
- Je n'aime pas quand tu m'appelles comme ça.
- Je sais... Et c'est d'ailleurs pour ça que je vais continuer, tiens.
II rit tout en me faisant la bise puis ajoute :
- Huit jours, Shay. Tu vas réussir à me supporter?
- Je ferai tout pour t'éviter, le nargué-je avant de lui tirer la langue.
- Je n'sais pas si tu vas y arriver.
- Oh que si! La villa de tes parents est assez grande pour que je puisse me planquer.
Je me mets à rire tout en enfilant mon manteau rouge. En réalité, ça faisait bien longtemps qu'il ne m'avait plus surnommée de cette façon. Je crois bien que ça remonte à plus de cinq ans en arrière. Il avait cessé au moment où sa sœur avait commencé à lui casser les pieds.
Je dis au revoir à mes parents et leur fais un gros câlin avant de sortir de la maison.
C'est le grand jour aujourd'hui. Une semaine de vacances s'offre à moi. Une semaine où je devrais m'éclater comme une petite folle à Southampton, dans la résidence secondaire de mon oncle Emery.
Ça va être chouette, j'en suis certaine. Mais... il y a quelque chose qui me chagrine. Ou du moins...
Quelqu'un. Et ce quelqu'un, c'est tout simplement Avery. Je ne l'ai pas revu depuis le concert, et il ne m'a jamais donné une seule nouvelle de lui. Le soir même, j'étais rentrée chez moi en pleurs. Ma mère avait voulu comprendre pourquoi l'étais dans cet état, mais je n'avais pas voulu me confier. Raconter mes histoires d'amour est quelque chose que je ne fais jamais, je préfère tout garder secret pour moi.
Eden place ma valise dans le coffre de sa Bugatti et ouvre la portière arrière afin que je prenne place.
- Prête à passer des vacances de folie?
Je hoche la tete en lui souriant doucement.
- Parfait alors! Je sens qu'on va s'éclater!
Je lui souris en guise de réponse. Même si j'ai peur de revoir Avery, je dois admettre que j'ai besoin de m'évader ces temps-ci, surtout que je me suis donnée à fond dans mes études. Bien que mon père soit le batteur d'un groupe de rock célèbre et ma mère une chanteuse pop, ce n'est pas pour autant que j'ai voulu faire comme eux. J'ai toujours rêvé de devenir danseuse professionnelle. Mon désir le plus cher est d'avoir ma propre école de danse moderne, afin de faire rêver les personnes qui ont le même genre de handicap que moi.
Eden claque la portière et s'installe au volant, à côté de Lexie. Celle-ci se penche vers moi pour me faire la bise. Puis Noa, sa sœur, assise à ma droite, l'imite. Je lui souris et elle répond à mon sourire.
- Tu vas bien? me demande-t-elle.
- Oui. Et toi?
Elle hoche la tête.
- J'ai trop hâte de visiter Southampton.
Je lui souris de nouveau. Je trouve qu'elle ressemble de plus en plus à sa frangine. C'est une jolie blonde aux yeux d'un bleu comme celui d'un ciel ensoleillé. Elle a le même âge que moi et souffre aussi d'un handicap. Sauf que le sien est invisible. Elle est autiste. Noa plonge son regard vers l'écran de son portable et rigole en regardant une vidéo. En un an, je ne l'ai vue qu'une dizaine de fois, mais je sais qu'elle est une personne adorable. bien que son handicap vienne souvent lui jouer des tours.
Lors du trajet, je me mets à penser à Avery tout en observant le paysage qui défile devant moi. Être en sa compagnie va être compliqué. S'il a décidé de tirer un trait sur moi, ce n'est bien sûr pas ce que ie veux de mon côté. Pour être honnête, l'ai peur de souffrir encore plus de le revoir. Il m'a fait beaucoup de mal lorsqu'il m'a dit que je devais l'oublier. Mais il ne le pensait pas, il était sous l'emprise de l'alcool. Je sais que je devrais passer à autre chose, mais je suis tellement folle amoureuse de lui que je n'y parviens pas. De toute façon, je ne compte bien sûr pas rester dans un coin à me morfondre.
Non! C'est hors de question. Ces vacances sont mon ultime chance pour le reconquérir, et j'ai décidé de mettre le paquet pour le séduire. Et peu importe ce que pourra penser mon cousin! Même s'il n'est pas au courant que j'ai découvert le pacte qu'il a fait avec ses potes, je vais lui prouver que son ami n'est pas un bourreau des cœurs! En espérant qu'Avery me laisse m'approcher de lui maintenant...
Nous sommes arrivés il y a plus d'une demi-heure maintenant à la somptueuse résidence de mon oncle et ma tante. C'est une belle villa entourée de verdure qui en ferait rêver plus d'un avec ses deux étages, ainsi que ses piscines intérieures et extérieures. Elle comprend assez de chambres pour accueillir toute notre petite bande. Une dizaine, il me semble.
Dès que nous avons posé le pied dans la maison, des employés se sont empressés de nous débarrasser de nos valises. Martha, la cuisinière, avait mis des petits fours à notre disposition sur la grande table du salon, ainsi que plusieurs bouteilles de jus de fruits. On devrait être tranquilles ici, contrairement à New York où on se fait souvent harceler par les paparazzi. Plusieurs gardes du corps font le guet dans la cour, et des caméras sont disposées un peu partout dans les différents recoins de la demeure. Mes parents possèdent également une villa du même genre pas très loin de la demeure de mon oncle et ma tante, avec autant de gardes. On s'y rend généralement une fois par an en été C'est une région que j'apprécie énormément, un petit coin de paradis où on peut voir des paysages à couper le souffle. Ce que je préfère, c'est me prélasser sur les plages de sable fin et laisser le soleil rechauffer ma peau. Or, ces vacances-ci seront bien différentes, mais les décors de Noël devraient me séduire tout autant, car j'adore la période des fêtes.
Tandis qu'Eden se dirige à l'étage avec Lexie et Noa, je m'émerveille en contemplant l'espace salon/salle à manger. Rien n'a changé depuis la dernière fois que je suis venue, c'est-à-dire, il y a deux ans. Tout est décoré dans un style luxueux et décontracté, de marron et de blanc. Sièges en lin, poutres rustiques, lustre en cristal, immense télévision accrochée au mur ainsi qu'une cheminée pour égayer la pièce. Un sapin coloré tout en blanc mesurant au moins deux mètres de haut trône dans un coin, près de la grande baie vitrée, et plusieurs décorations de Noël embellissent l'endroit afin de nous en mettre plein la vue.
C'est avec un petit rictus aux lèvres que je me dirige vers l'étage, mais lorsqu'un klaxon de voiture fait vibrer mes oreilles, je décide d'aller voir qui sont les nouveaux arrivants. Je retourne vers le salon et observe par la fenêtre. Je découvre une Ferrari rouge garée dans la cour ainsi qu'une Porche noire.
Mes cousines, Clara et Willow viennent d'arriver. Je suis ravie.
On va bien s'amuser ensemble!
Des frissons m'envahissent de partout tout à coup et mon cœur se met à danser la salsa dans ma poitrine dès que j'aperçois Avery sortir de la Ferrari. Il est accompagné de Love et Ashton.
Je ne peux m'empêcher de détailler Avery de la tête aux pieds. Il est vêtu d'un blouson de cuir, d'un tee-shirt blanc et d'un jean foncé qu'il a accompagné de boots. Je fonds littéralement rien qu'à le regarder. Je ne peux pas nier qu'il me fait toujours cet effet-là, j'en suis raide dingue. Sans mentir, il ressemble aux mannequins qui posent pour les magazines. Il dégage un côté rebelle avec ses piercings aux oreilles, ses nombreux tatouages qui lui recouvrent le corps, ainsi que ses cheveux en bataille et sa barbe naissante.
Je soupire...
Même si je crève d'envie de le voir, je décide de me rendre à l'étage. Je ne suis pas encore prête à l'affronter.
Je repère ma valise tout au bout du couloir devant une porte beige au design italien. Je m'y rends d'un pas rapide, et pénètre dans la chambre où je vais séjourner pendant une semaine. Ma valise en main, je la pose sur le grand lit King-size recouvert d'une housse de couette rose et de nombreux coussins blancs, puis je fais courir mon regard partout autour de moi. L'endroit est superbe. Spacieux et lumineux. Les murs sont peints dans des teintes de gris et de rose, et le sol est recouvert d'un parquet marron clair. Face au lit se trouve un immense dressing, et près de la fenêtre, on peut voir un petit salon composé d'un canapé en cuir, d'une table ronde en verre et d'une télé posée sur un meuble noir.
Il y a également des consoles de jeux et de nombreux livres rangés sur des étagères.
Le kiffe total! Mon oncle et ma tante ont pensé à tout afin qu'on ne s'ennuie pas!
Ravie, je me dirige vers la fenêtre, en zieutant vite fait ma montre qui m'indique qu'il est 17h, puis j'observe la vue qui donne sur le jardin japonais. Je me souviens que j'aimais m'y balader quand j'étais gamine avec Clara et Willow. Nos parents nous prenaient souvent en photo devant ce magnifique décor. On pouvait également s'y reposer pendant de longues heures en admirant le merveilleux bassin rempli de poissons rouges.
Pendant l'heure qui suit, je range méticuleusement mes fringues dans le dressing, puis j'envoie quelques messages à mes parents et à ma meilleure amie Mia avant de me changer. J'opte pour une mini robe à paillettes de couleur rose à manches courtes, et au décolleté bien plongeant, que j'accompagne d'escarpins dorés. Tout ça pour tenter de séduire Avery. Mais va-t-il y prêter attention?
Je me coiffe ensuite d'une queue haute et me maquille de la même couleur que ma robe, sans oublier colliers et bracelets en or pour apporter la touche finale à ma tenue.
Devant le miroir du dressing, je me contemple en souriant. Je me trouve plutôt jolie comme ça. Cette tenue me correspond bien, je brille de partout. Satisfaite du résultat, je sors de ma chambre afin d'aller retrouver tous mes amis, descends prudemment les escaliers et me dirige vers la pièce principale. Je jette un coup d'œil circulaire. Eden embrasse Lexie à pleine bouche devant le splendide sapin. Clara et Willow sirotent un verre de jus d'orange tout en admirant le jardin par la baie vitrée. Ashton et sa copine Love discutent ensemble de je ne sais quoi et rient aux éclats. Noa dessine à la table de la salle à manger tout en mâchouillant un chewing-gum. Et Avery contemple une photo de famille accrochée au mur pas très loin de la cheminée, une canette de bière à la main. Jusqu'à ce qu'il me remarque..
Mes pulsations cardiaques s'accélèrent. Le revoir me rend heureuse, mais ça me fait également de la peine. S'il n'avait pas bu comme un trou il y a un mois et demi de ça, je serais avec lui, dans ses bras en train de l'embrasser et de lui dire que je l'aime.
Tout en prenant un visage impassible, il me jauge ostensiblement de la tête aux pieds en portant sa canette de bière à sa bouche. Sur le moment, je me demande si je dois m'approcher de lui ou si je dois attendre qu'il fasse le premier pas. Je ne sais pas quoi faire. Va-t-il s'excuser? M'ignorer? Me parler comme si de rien n'était? L'angoisse me ronge, mais je décide finalement d'aller vers lui. Rester dans le couloir à attendre comme une conne ne ferait qu'empirer mon stress.
Arrivée près de lui, je déglutis, tandis que mon cœur bat la chamade, et je prends mon courage à deux mains pour engager la conversation :
- Salut... Comment tu vas?
Ses sourcils se froncent.
- Fous-moi la paix, Shay! On n'a rien à se dire.
Mon sang se glace. Pourquoi se comporte-t-il comme ça?
- Qu'est-ce qui te prend de...
- Tais-toi, putain! Je n'ai aucun compte à te rendre, râle-t-il avant de poser sa canette vide sur un gueridon.
Mon cœur se fracasse en mille morceaux, et les larmes viennent envahir mes yeux lorsque je le vois quitter le salon. Je pensais qu'l se serait au moins excusé. Mais je me suis trompée apparemment.