Chapitre 3
Avery
Depuis plus d'une heure maintenant, je m'évade dans le meilleur des mondes, celui de la musique, aux côtés de mes potes. Autour de nous, c'est l'euphorie. Toute la famille d'Eden ici présente dans le restaurant est dans l'ambiance. Les Hot Devils, leurs épouses et leurs enfants sifflent, dansent, applaudissent. Même Shay, qui n'a d'yeux que pour moi, les imite. Ce soir, je la trouve encore plus sexy que d'habitude. Elle s'est fringuée d'un tee-shirt décolleté de couleur argentée, et d'un mini-short gris foncé, qu'elle a accompagné de bottines noires à lacets. Ses cheveux bruns sont relevés en une queue haute avec quelques mèches qui s'en échappent par-ci par-là. Et enfin, de nombreux colliers ornent son cou ainsi que des bracelets à son poignet gauche. Je ne vois que cette nana. Elle m'éblouit.
Impossible de la chasser de ma tête depuis ce qui s'est passé dans la salle de répétes. Pas mal de questions me perturbent cependant. Poursuivre ou m'arrêter là? En parler à Eden au risque de perdre son amitié, mais également mon groupe de musique? Ou bien ne rien lui dire?
Je suis complètement paumé...
Ma basse en main, je me mets face à Eden. Nos instruments vibrent ensemble. Dégoulinants de sueur, nous nous donnons à fond tandis que Lexie émerveille le public de sa voix en or, et qu'Ashton frappe énergiquement sur sa batterie, transpirant comme un bœuf. Nous sommes les «Black Feathers», un groupe qui joue du rock expérimental. La musique, c'est ce qui me plonge dans une autre dimension. J'ai ça dans la peau pratiquement depuis que je suis né. À deux ans, je tenais déjà une gratte dans les mains, et à partir de ce moment-là, j'ai su que j'en ferais mon métier. Dans le groupe, je suis à la basse, celui dont on se contrefout la plupart du temps, celui qui est un peu dans l'ombre à vrai dire. Mais sans moi, le rendu ne serait pas aussi bon.
C'est mon père qui m'a fait aimer ce style de musique. Il en était fan et partait souvent voir des groupes en tournée. Cependant, il en était tellement accro que ma mère a fini par le quitter. Elle avait du mal à accepter qu'il la laisse seule. Et puis un jour, alors que je n'avais que dix ans, il est tombé gravement malade. Un cancer des poumons découvert très tardivement. Mort quelques mois à peine après le diagnostic. Avant qu'il s'en aille, je lui avais promis que je serais moi aussi un musicien célèbre. Je n'ai pas encore honoré ma promesse, mais je sais que je suis sur la bonne voie.
Actuellement, nous jouons dans des premières parties de concert, ou pour mettre l'ambiance dans des pubs, mais je ne doute pas que le succès viendra très bientôt.
Le concert prend fin quinze minutes plus tard. Je pose ma basse sur un stand et quitte la scène tout en remettant mon tee-shirt sur le dos. Je suis félicité par tous les membres des Hot Devils ainsi que par le père de Lexie, qui a toujours des paillettes dans les yeux d'avoir écouté sa fille chanter.
Près de l'entrée, je repère Shay, toute souriante, me faisant signe avec son index de venir vers elle.
M'apercevant qu'aucun regard ne se projette dans ma direction, je la rejoins, le cœur battant, mes doigts enfoncés dans ma tignasse que j'ébouriffe vivement. Quand je ne me retrouve plus qu'à quelques centimètres d'elle, je remarque que son visage scintille. Mes yeux voguent de ses prunelles à sa bouche, que j'ai envie d'attraper pour m'en délecter pendant des heures. De sa bouche à son cou, que j'ai envie de dévorer tel un vampire. De son cou à sa poitrine, que j'ai envie de...
Putain..
- Viens avec moi, me chuchote-t-elle en saisissant mon poignet droit.
- Ой са?
- Loin de tout ce monde, me sourit-elle avant de passer sa langue sur sa lèvre inférieure, tout en m'envoyant une œillade espiègle.
Je me fais violence pour ne pas m'emparer tout de suite de cette bouche délicieuse.
Arrivés dans un bureau, elle enroule rapidement ses bras autour de mon cou. Nous nous contemplons en silence et dès que je vois jaillir cette lueur de bonheur dans ses prunelles, comme ie l'ai vue tout à l'heure dans la salle de répètes, je m'empresse de l'embrasser tout en la faisant reculer vers un mur.
Ma langue force la barrière de ses dents, et je la dévore tel un affamé en me délectant de son parfum à la noix de coco qui s'engouffre rapidement dans mes poumons. Il me donne déjà le tournis. Shay a la même odeur sur elle depuis toute petite, une odeur aphrodisiaque que je pourrais humer sans me lasser une seule seconde.
Je l'embrasse sans me soucier du fait qu'on puisse se faire choper. Ça m'est égal pour être honnête
Shay me fascine avec son côté audacieux qu'elle me montre de plus en plus. Il faut dire aussi que j'ai tellement attendu ce moment que je pourrais lui faire l'amour ici, dans ce bureau.
Sa main s'égare dans mes cheveux alors que mes doigts remontent vers son buste. Je me détache de sa bouche et plonge ma tête dans son cou afin de le goûter. Je le lèche et viens mordiller son oreille, en malaxant son sein droit tandis qu'elle ondule lascivement ses hanches contre les miennes pour me chauffer davantage.
- Je veux que tu m'emmènes chez toi, Avery, me susurre-t-elle.
- T'es sûrede toi?
Elle hoche la tête.
-J'ai envie de te faire l'amour ici... Sur le bureau, lui murmuré-je d'une voix gutturale.
- Non... Je ne veux pas faire ça à la va-vite, rétorque-t-elle en se détachant de moi.
Elle me sourit timidement tout en coinçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille, sans me lâcher des yeux. Bien que je sois déjà chaud bouillant, j'acquiesce d'un mouvement de tête. Elle a raison. On pourra prendre tout notre temps quand on sera chez moi.
-Quelle excuse vas-tu donner à tes parents?
Elle hausse une épaule.
- Je n'sais pas. Je trouverai bien un truc.
Nos regards s'accrochent et s'envoient des flammes d'amour en silence. Avant de partir d'ici, je prends son visage au creux de mes mains et l'embrasse de nouveau avec fougue. Un baiser profond et sauvage qui me procure un énorme frisson le long de ma colonne vertébrale. J'ai embrassé un nombre incalculable de filles, mais je ne me souviens pas avoir connu une telle euphorie. Même avec Ariana, qui pourtant m'en mettait plein les yeux avec toutes les positions du Kamasutra.
Je la lâche et c'est avec un sourire satisfait qu'elle déambule dans le couloir, tout en ondulant du cul comme elle aime tant le faire pour me provoquer ces derniers temps. Elle se met à rigoler comme une sotte. Shay est heureuse. Je ne peux m'empêcher de rire également. Moi aussi je suis heureux. Mais J'ai la frousse maintenant, car je ne sais pas comment va se dérouler la suite des evénements. Enfin, si, je sais
Je pénètre dans la salle principale du restau, attrape mon cuir que j'avais abandonné sur le dossier d'une chaise et me dirige vers l'entrée. Une fois dehors, ¡'allume une clope. Shay me rejoint, elle m'envoie des regards enamoures qui me font fondre sur place. J'ai encore envie de l'embrasser, mais ce serait prendre des risques. Surtout qu'Eden se trouve juste devant moi, accompagné de Lexie.
Celle-ci est accrochée à son cou et lui chuchote quelque chose. Dès qu'Eden m'aperçoit, il m'envoie une œillade noire, qui me fait comprendre que j'ai plutôt intérêt à garder mes mains dans mes poches et ma queue dans mon calbute si je ne veux pas tout foutre en l'air entre nous.
- Tu devrais rentrer, dis-je à Shay lorsque je la vois trembler comme une feuille. Tu vas choper la
creven
- Oui, mais on s'en va quand? s'impatiente-t-elle en se frottant un bras, tandis que Lexie passe devant nous sans nous calculer.
Eden la suit, bouillant de colère. Il serre les poings tout en m'envoyant un regard d'avertissement avant de rentrer à son tour dans le restaurant.
- Après avoir diné, réponds-je tout en balançant ma clope à moitié consumée par terre.
Je l'écrase avec ma basket, puis c'est en plaquant une main au creux de son dos que nous entrons dans le restaurant.
Pendant l'heure qui suit, nous discutons de notre concert avec les Hot Devils et leur manager, ainsi que des prochains prévus après les fêtes de fin d'année, dans une atmosphère chaleureuse et conviviale, tout en dégustant des frites et des burgers. L'alcool coule à flots, ça me détend au fur et à mesure que je vide mon verre. Je ne dirais pas que je suis bourré, mais je suis tellement bien que je ne me gêne pas pour envoyer des clins d'œil complices à Shay de temps à autre, sous le regard incendiaire d'Eden qui est assis à côté d'elle, juste en face de moi. Peu importe ce qu'il en pense, je m'en tape royalement! Il faut qu'il comprenne qu'on n'est plus des gamins!
C'est au moment où je me lève en prenant soin de faire comprendre d'un mouvement de tête à Shay qu'il est temps qu'on parte d'ici, que John, le manager, décide de parler à notre groupe.
- Je suis fier de vous! Vous avez vraiment été au top ce soir! nous annonce-t-il en se levant, un verre de bière à la main.
Il décoche un clin d'œil à Lexie et poursuit :
- C'est pourquoi je vous propose d'enregistrer un album après les fêtes. Il va y avoir du boulot, mais je sens que vous êtes enfin prêts pour monter sur les plus grandes scènes.
Ashton, qui était assis à côté de moi, bondit d'un seul coup et hurle de joie tout en répandant la moitié de son verre de bière sur mon futal.
- Putain, mais merde! Tu ne pouvais pas faire gaffe? grondé-je.
Au lieu de s'excuser, il continue de crier comme un malade, tandis que Love me donne une serviette en papier pour que je m'essuie en m'adressant un regard d'excuse.
- Est-ce qu'à partir du 3 janvier, ça vous conviendrait? nous demande John en nous observant tous un par un. C'est la seule date que je peux vous proposer, sinon faudra attendre le mois de mars
Putain, déjà! Je ne m'attendais pas à ce que ce soit si rapide.
- La question ne se pose même pas, s'écrie Ashton avant de prendre une gorgée de bière. C'est oui bien sûr!
Satisfait, John esquisse un sourire, puis guette ma réponse. Je devrais sauter de joie comme Ashton, mais lorsque mon regard croise celui de Shay, je suis envahi d'un sentiment étrange.
Il faut que j'en touche un mot à Eden. Et ce, dès maintenant. Je ne vais pas avoir le choix. Je ne peux pas choisir entre cette nana et ma carrière de musicien, c'est au-delà de mes forces. Je veux les deux!
- Bah alors... T'en tires, une de ces gueules, me taquine Ashton en me tapotant l'épaule.
Une grimace déforme mes traits lorsque son odeur alcoolisée me parvient aux narines.
- T'es pas content au moins?
Je ne peux m'empêcher de le foudroyer du regard tout en épongeant ma jambe.
- Mais si putain! m'énervé-je d'un ton sec.
J'envoie valser la serviette sur la table.
- C'est juste que je me demande comment je vais faire pour m'organiser avec mon taf.
En réalité, je m'en tape... Mais il va falloir que je m'organise. Quitter mon taf si précipitamment n'est pas si facile. Pour Eden, ce n'est pas un souci puisqu'il donne simplement des cours de gratte de temps en temps dans une ecole de musique, et Ashton trouvera bien un moyen de se faire remplacer pour prendre les commandes de son magasin de musique.
- Oh, c'est bon, tu t'en fous! T'as une carrière assurée là! me rassure-t-il en me secouant l'épaule.
- Ouais tu m'étonnes, intervient Eden en me toisant d'un air suspicieux. On ne va quand même pas passer à côté de ça.
- C'est clair! On est enfin arrivés à notre but. ajoute Ashton.
Alors qu'Eden continue à me fusiller du regard, John lève son verre et boit une gorgée de son liquide blond avant de serrer Lexie dans ses bras. Puis s'ensuivent des félicitations qui fusent dans tous les coins, ainsi que des accolades, tandis que le gérant du restaurant apporte une nouvelle tournée de bières.
Les minutes s'écoulent et je vois de moins en moins clair. J'ai tenté à plusieurs reprises de me confier à Eden, mais sans succès. Il recevait sans arrêt les félicitations d'un des membres des Hot Devils ou de ses tantes.
Assis maintenant au bar, je soupire puis avale d'un trait ma boisson. Je n'arrête pas de penser à Shay et à mon père. Le choix est dur, mais plus l'alcool circule dans mes veines, plus ça devient précis dans
ma tete.
- Tout va bien? s'inquiète soudain Eden, une main sur mon épaule.
Je pose mon verre sur le bar et lève le regard vers lui. Je m'aperçois qu'il a les yeux explosés. Je dois être dans le même état.
Super!
-J'ai trop bu, lui revele-je tout en delogeant mon paquet de cigarettes de mon cuir.
- Moi aussi... J'ai un peu abusé, me répond-il avant de sourire en coin.
ve me leve et glisse une clope ente mes levres tandis qui reste plante devant moi comme une statue, me donnant l'impression qu'il désire me dire quelque chose. En réalité, je sais ce qui le turlupine. Les regards incendiaires qu'il m'a lancés tout le long de la soirée m'ont confirmé que j'avais plutôt intérêt à faire le bon choix. D'ailleurs, je suis même surpris qu'il reste zen, je pensais qu'il allait me faire la peau.
Ça doit être l'alcool ingurgité qui l'empêche de faire ça... Ça le détend.
- Rassure-moi... Il n'y a rien avec ma cousine, hein? m'interroge-t-il en me suivant vers la sortie.
Je me mets à ricaner comme un sot. Nan, je rectifie : comme un mec bourré!
-T'es malade ou quoi! m'écrié-je en poussant la porte du restau. Pourquoi tu m'dis ça?
- Parce que j'ai cru voir un truc entre vous tout à l'heure.
Je pouffe et allume ma clope en chancelant de droite à gauche.
Oh, bordel! Je me demande si c'est une bonne idée que je reparte avec ma caisse. Je ne tiens presque plus debout.
- Tu te fais des films. Il ne s'est rien passé, le rassuré-je. C'est un bébé, ta cousine.
Je tire sur ma clope, crache la fumée vers le ciel obscur et ajoute :
- Franchement? Tu m'as bien regardé? Jamais je ne ferais quoi que ce soit avec Shay. Elle est bien trop coincée pour moi.
Ma réponse a l'air de lui plaire puisqu'un rictus triomphant se dessine sur ses lèvres
- Parfait alors... Ça aurait été dommage de s'engueuler pour une gonzesse.
Sur ce, il me décoche un clin d'œil tout en me tapotant le bras avant de rentrer dans le restau.
Comme si j'allais m'embrouiller avec mon pote franchement! Nan, v'a vraiment pas moven! Il faudrait être con, non? Une gonzesse? Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de cette nana, sérieux? Je l'aime pas. Non, je l'aime pas! Enfin si! Je crois que je l'aime. Mais putain... Qu'est-ce que je raconte, bordel?
Je ne sais plus ce que je dis.
Je tire une nouvelle fois sur ma clope et me retourne au moment même où une claque bien sonore atterrit sur mon visage. Putain! C'est quoi ça? Surpris, je porte ma main à ma joue en lâchant une injure, et plante mes yeux sombres dans ceux de la personne qui a osé m'attaquer. Et cette personne, c'est tout simplement Shay. Oh merde! Qu'est-ce qu'elle fout là, elle ?
- Alors c'est ça que tu penses de moi, Avery? vocifère-t-elle, fulminante. Que je suis coincée?
Je la jauge ostensiblement de la tête aux pieds en souriant d'un air beat.
- Tu sais que t'es bonne, toi? la complimenté-je en m'approchant d'elle.
Pourquoi recule-t-elle? Et pourquoi m'observe-t-elle froidement? Elle veut me faire peur peut-être? Je ne peux m'empêcher de ricaner, ce qui me donne droit à une nouvelle gifle.
- Putain! Mais t'es folle!
- NON, JE NE SUIS PAS FOLLE! hurle-t-elle. Pourquoi t'as bu autant, merde?
Ses iris sont brûlants de colère et sa mâchoire se contracte imperceptiblement. Oh, Shay est en rogne!
- Moi, j'ai bu? demandé-je en pointant du doigt mon torse, tout en vacillant un coup sur ma droite puis sur ma gauche
- Oui... Tu es ivre mort, Avery! Tu me déçois!
Je m'aperçois que ses prunelles s'embuent de gouttes salées. Elle a peut-être bien besoin d'un câlin.
Toutefois, lorsqu'elle me fusille du regard en serrant le poing, je me ravise.
Je n'ai pas envie de me prendre une autre raclée!
- Tu... Tu as pensé à nous? bredouille-t-elle, les larmes se déversant désormais sur ses joues.
Je la scrute perplexe, sourcil releve.
- À nous?
- Oui, à nous, Avery! Tu comptes faire quoi? Tout arrêter?
Mais qu'est-ce qu'elle raconte? C'est elle qui est bourrée.
Je tire une nouvelle fois sur ma clope et approche mon visage du sien tout en la toisant de toute ma hauteur d'un air machiavélique, et je lui lance aprés lui avoir craché ma fumée en pleine tronche
- Je n'suis pas un mec pour toi, Shay... Oublie-moi.
Un sourire arrogant s'étale sur mon visage, et je déguerpis. Je ne sais pas où je vais comme ça, mais peu importe. Je préfère ne plus la voir pour le moment, car je n'ai pas envie de voir sa réaction. Même si je suis bourré, je viens de me rendre compte que je viens de faire une grosse connerie. Je suis minable!