Chapitre 3 : L’époux clandestin
Après le départ de Philippe, jusqu’à la tombée de la nuit, sauf la respiration d’Yves, on n’entend dans toute la villa que la servante Agnès Guillet qui monte et descend les escaliers.
Xavier n’est pas encore revenu de l’aéroport.
Agnès ouvert la porte, met le dîner devant Yves :
— Ne te fais pas d’un zombie tous les jours. Finis ton repas vite, je dois faire la vaisselle après le dîner.
Yves regarde le bol devant lui dont le bord est cassé, et quelque chose de pâteux et noir colle sur la glaçure blanche à l'intérieur, ce sont des vieilles vaisselles moisies. Yves fronce les sourcils, et prend un peu de riz à sa bouche, mais, avant de le manger, il sent une odeur de pourriture. De toute évidence, c’est le riz qu’Agnès lui a donné et qu’il ne l’a pas mangé la dernière fois.
Yves pose ses baguettes, repousse le bol et dit :
— Je n’ai pas faim.
— Comme tu veux. De toute façon, c’est la même chose que tu vas manger pour le prochain repas. Je verrai si tu le mangeras ou non.
Agnès ferme la porte en maudissant, avant de partir, elle n'oublie pas de donner un coup de pied à Yves.
— Quelle malchance ! Chaque fois que tu mets en colère M. Leroy, tu me compromets et il me punit aussi.
Yves ignore ses vilaines paroles, il a tellement faim qu’il ne peut pas rester assis. Il se penche sur le côté, puis s’allonge directement sur le sol, la tête posée sur les chaînes en fer, regardant vers le grand lustre suspendu au plafond.
Le lustre orné reflète une lumière de sept couleurs qui éclaire ses pupilles ternes. En transe, il semble voir le visage parfait de Xavier dans la lumière.
Alors, quand est-il tombé amoureux d’Xavier ?
C’est le moment où Xavier est venu comme un dieu quand il est bloqué dans la ruelle il y a trois ans ? Ou bien à l’occasion de son anniversaire, au moment où il annonçait en public qu’il l’épouserait ? Ou encore plus tôt ? Quand Xavier a tendu la main pour frôler les feuilles tombées sur sa tête et l’a appelé doucement Yves ?
Les jours pénibles et difficiles arrivent trop vite, à tel point que Yves a tendance à oublier qu’il a à la fois l’amour et la haine pour Xavier. Il a tout abandonné pour lui, même sa vie libre et reste volontairement derrière lui, comme son époux clandestin.
Yves cligne des yeux, essayant de chasser le visage de Xavier qui se reflète dans la lumière, mais peu importe combien de fois Yves cligne des yeux, le visage reste toujours là, on peut même y trouver un sourit inconscient.
— Cela me rend fou ! se dit Yves en couvrant ses yeux.
Il ne peut rien faire et c’est qu’il déteste le plus. Il hait Xavier à mort, mais celui-ci apparaît chaque nuit dans ses rêves !
— On dirait que tu ne veux même pas me voir maintenant.
Une voix indifférente passe au-dessus de la tête d’Yves. Puis, les chaînes en fer qui attachent ses mains et ses pieds sont détachées, et Yves a été ramassé par quelqu’un.
Yves enlève la main et tourne légèrement les yeux, il voit Xavier, qui est déjà rentré à la villa depuis un certain temps et qui le dépose doucement sur le lit. Puis Xavier continue ses paroles :
— Mais que dois-je faire, avant le retour de Roland, toi et moi, on continuera à s’entendre ensemble en endurant le dégoût l’un et l’autre.
Roland, Roland, Roland...
Dans ses yeux, son cœur et son esprit, il n’y a que Roland ! Même si la personne qui l’accompagne jour et nuit pendant les trois dernières années, est moi, Yves ! se dit Yves.
— A quoi penses-tu, tu as l’air perdu ? Xavier caresse le menton d’Yves.
— Je me demande quand tu pourras libérer mon frère, répond Yves.
— Ça dépend de toi.
Xavier se tient près du lit et commence à déboucler sa ceinture :
— Sers-moi bien, j’envisagerais de l’envoyer à l’hôpital.