Chapitre 2 : Dans l’attente de la mort
Une fois de plus, Yves a été rattrapé.
Oui, une fois de plus.
Depuis qu’il a su pourquoi Xavier l'avait épousé, il comptait de s’enfuir. Mais à chaque fois, il y a échoué et a subi une punition beaucoup plus dure que la précédente.
La première fois qu’il s’est enfui de la villa, Xavier l'a enfermé dans le grenier et l'a fouetté pendant trois jours ; puis pour la deuxième fois, Xavier a pris des mesures répressives à la famille de Samson, et en trois jours, le cours des actions de Samson s’est effondré, jusqu’ au bord de la faillite. Le père Samson s’est mis à genoux pour le supplier de revenir à la villa et a annoncé qu’il avait rompu la relation père-fils avec lui.
Et voilà la troisième...
Il a fait casser une des jambes de son frère cadet, Thierry.
Xavier sait clairement que de dans toute la famille de Samson, Thierry est la seule préoccupation d’Yves. S’il blesse Thierry, Yves serait complètement fou, mais il l’a fait quand même.
Après trois ans avec Yves, Xavier doit avoir quelques sentiments pour lui, même si c’est un chien...
Mais Yves sait qu’il est dans son cœur, encore pire qu’un chien.
Il est tout simplement un conteneur où est mis le cœur transplantable pour Roland Gaultier, l’amour de Xavier.
Sans larmes dans ses yeux tout rouges et gonflés, Yves est assis sur le sol. Il a des chaînes autour des poignets et des chevilles, et le moindre mouvement fera tinter les cloches qui feront un chant funèbre dans un salon mortuaire.
La porte de la chambre s’ouvre en grinçant. Phillipe s’approche avec les papiers et s’accroupit devant lui, il les étale en disant :
— Signez ici, M. Samson.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Formulaire de consentement pour le don d’organes.
Phillipe regarde ce garçon pitoyable, il est un peu hésitant. Enfin, il décide de lui dire d’une meilleure façon :
— Ce n’est qu’une formalité, probablement on ne va pas si loin, M. Leroy attache beaucoup d’attention au cœur transplantable plus adapté pour Madame, peut-être que nous en trouverons un dans quelques jours ?
— Madame ? Yves se moque en riant, et focalise sur autre point, Xavier t’a fait appeler Roland comme ça ?
Depuis leur mariage il y a trois ans, que ce soit en public ou en privé, Phillipe l’appelle toujours le jeune M. Samson. Au début, Yves pensait que c’était pour son sexe, mais il se rend enfin compte que le titre de Mme Leroy, est toujours réservé pour quelqu’un d’autre.
Phillipe arrête de parler et puis pousse le document vers Yves.
Yves feuillète les fiches, et lorsqu’il voit le nom du destinataire sur la dernière page, sa vue reste immobile.
Ce qui était écrit là, c’était le nom de Roland, mais Yves sait que ce n’est pas Roland qui a mis son nom ici.
Il connaît si bien cette signature, avec un trait majestueux, ne traînant jamais entre les coups.
Tout comme lui.
Le cœur commence à se contracter, Yves fronce les sourcils, et les larmes qu’il vient de retenir coulent à nouveau. Pour ne pas faire mouiller les papiers, Yves a penché la tête, mais il éclate soudainement de rire tout en pleurant. Puis il signe son nom.
Il mène une belle calligraphie, mais cette fois-ci, sa signature est inesthétique, voire difficile à distinguer.
Phillipe arrange les fiches, et sur le point de partir, il ne s’empêche pas de rappeler à Yves :
— Vous savez bien que vous n’êtes pas capable de vous échapper, soyez sage ! Ainsi, quand M. Leroy sera en bonne humeur, il vous traitera aussi bien qu’avant.
Yves ne lui répond pas et le regarde en souriant :
— Phillipe, tu sais ce que c’est l’attente pour la mort ?
Jour après jour, vivre pour attendre la mort !
Depuis qu’il a appris l’existence de Roland, chaque jour qu’il a vécu était difficile. C’est peut-être demain que l’on l’amènera sur la table d’opération et qu’on lui arrache le cœur vivant ; la solitude lui fait peur, et même s’il meurt, il n’y aura personne pour le pleurer ; après tout, il craint qu’en un clin d’œil, c’est déjà quelqu’un d’autres qui tient compagnie à Xavier.
Il a peur, il n’est pas encore mort, mais il vaut mieux de mourir que de vivre.