Les poids du passé et de l'avenir
**Chapitre 8 : Les Poids du Passé et de l'Avenir**
Le vent soufflait fort ce matin-là, emportant les feuilles mortes dans une danse frénétique le long du trottoir. Emma enroula son écharpe autour de son cou, tentant de se protéger de la fraîcheur de l’automne. Elle était debout devant l’immeuble du tribunal, un bâtiment imposant et froid, qui semblait figé dans le temps. Elle n’avait jamais imaginé se retrouver dans un endroit comme celui-ci pour la garde de ses enfants. Il y avait quelque chose de glaçant dans l’idée d’affronter son ex-mari dans une salle d’audience, de se retrouver face à des juges qui décideraient de l’avenir de sa famille. Mais elle n’avait plus le choix. Elle était prête à tout pour récupérer ses enfants.
Les mois passés à se reconstruire n’avaient pas été faciles, mais ils l’avaient préparée à ce moment. L’amour, l’affection qu’elle commençait à ressentir pour Gabriel, avaient apporté une chaleur nouvelle dans son cœur, mais cela n’effaçait pas la douleur et les cicatrices laissées par son mariage. Chaque étape qu’elle franchissait pour aller de l’avant, chaque petit progrès qu’elle faisait, lui rappelait que la route vers la guérison n’était jamais linéaire. Elle avait des jours de doute, des jours où tout semblait insurmontable. Mais aujourd’hui, elle n’avait pas le droit de se laisser envahir par la peur ou le doute. Ses enfants étaient la priorité. Elle devait être forte, pour eux.
Elle entra dans le hall du tribunal, l’air calme mais les nerfs tendus. Le bruit des pas résonnait dans l’atrium désert, seul le cliquetis des talons sur le sol froid accompagnait sa marche. Elle se dirigea vers le comptoir où une réceptionniste lui donna les dernières instructions. Une fois installée dans la salle d’attente, Emma se laissa tomber dans une chaise en cuir usée, le dos droit, les mains serrées sur ses genoux. Elle avait pris soin de s’habiller sobrement pour l’occasion, un tailleur noir simple, mais élégant, qui témoignait de son sérieux. Cependant, derrière cette apparence calme se cachait une tempête. L’angoisse montait peu à peu en elle. Elle n’avait aucune idée de ce que lui réservait cette audience, mais elle savait que chaque parole, chaque argument allait peser lourd dans la balance.
Les minutes semblaient se transformer en heures. Chaque tic-tac de l’horloge murale résonnait dans son esprit. Elle avait l’impression que tout allait se jouer là, dans cette salle. Elle se concentrait sur sa respiration, essayant de garder son calme. Mais quand l’avocate de son mari entra dans la pièce, son regard froid comme la glace, Emma sentit la tension monter d’un cran.
La pièce se vida bientôt de ses occupants, et l’audience débuta. Emma entra dans la salle, son cœur battant dans sa poitrine. Le juge la regarda un instant, ses yeux sévères, avant de lui indiquer de prendre place. Son ex-mari, Marc, était déjà installé de l’autre côté de la pièce, son visage figé, comme une façade qu’il voulait imposer à la situation. Il avait un costume sombre, impeccable, qui contrastait avec l’état d’esprit dans lequel il se trouvait. À ses côtés, l’avocate, une femme au regard acéré, semblait prête à tout pour défendre son client, peu importe les moyens.
L’avocate de Marc prit la parole en premier, abordant la question de la garde des enfants avec un ton formel et agressif. « Votre Honneur, comme vous le savez, la situation de madame a été marquée par plusieurs instabilités émotionnelles. Elle a quitté son mari sous la pression, sans considération pour le bien-être de ses enfants. Il est impératif que la stabilité familiale soit préservée pour les enfants, et il est évident que leur père, Marc, leur offre un environnement bien plus sûr et équilibré. »
Emma sentit une bouffée de colère monter en elle. C’était une accusation qu’elle redoutait, mais qui n’était pas inattendue. Elle savait que Marc allait essayer de la peindre comme une mère irresponsable, incapable de subvenir aux besoins de ses enfants. Mais il y avait une différence fondamentale entre la réalité et le tableau qu’il voulait peindre.
Elle tourna les yeux vers l’avocate, se forçant à rester calme, puis tourna son regard vers le juge. C’était à elle maintenant de se défendre. Il était temps de faire entendre sa version des faits.
Le juge lui donna la parole. Emma se leva lentement, son regard se posant un instant sur ses enfants, qui étaient en train de jouer dans la salle d’attente, au loin. Cela la calma un peu. Elle se tourna ensuite vers le juge, se forçant à ne pas laisser la panique envahir son esprit.
« Votre Honneur, » commença-t-elle d’une voix assurée, bien que son cœur batte la chamade. « Je comprends que mon mari cherche à obtenir la garde exclusive des enfants. Mais je tiens à vous assurer que ce n’est pas dans l’intérêt de mes enfants. Ce que j’ai vécu avec lui n’était pas un mariage, c’était une prison. » Elle s’arrêta un instant, le regard fixé sur le juge. « La violence émotionnelle et physique qu’il m’a infligée pendant des années a détruit ma capacité à croire en moi-même. Et il a détruit l’équilibre familial. Mais je me suis battue pour eux. Depuis que je les ai perdus, j’ai travaillé dur pour leur offrir une vie meilleure. J’ai trouvé un travail stable, un environnement sûr, et plus important encore, j’ai reconstruit ma vie autour de l’amour et de la stabilité. »
Elle marqua une pause, se redressant légèrement, fière d’avoir trouvé la force de parler ainsi. Ses enfants n’étaient pas des objets à vendre. Ils étaient la clé de son existence.
« Je ne dis pas que tout est parfait. Je suis encore en reconstruction. Mais je suis une mère. Et je suis prête à me battre pour eux, pour leur bien-être. Je suis prête à tout pour leur offrir un avenir loin de la peur et de la violence qu’ils ont vécues. »
Elle se tut, espérant que ses mots atteindraient leur cible. Le juge resta silencieux un moment, prenant des notes, puis il se tourna vers l’avocate de Marc.
La tension dans la salle monta d’un cran. L’avocate de Marc, un sourire ironique sur les lèvres, répondit : « Votre Honneur, ces paroles sont touchantes, mais elles sont loin de refléter la réalité. Il est évident qu’elle ne peut offrir un environnement stable à ses enfants. Elle est instable émotionnellement, et son passé parle de lui-même. »
Emma se sentit attaquée, mais elle garda son calme. Elle n’allait pas se laisser déstabiliser. Elle savait que cette guerre allait être longue, mais elle était prête à la mener.
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L’audience dura des heures, chaque partie essayant de plaider sa cause. Mais au fur et à mesure que la journée avançait, Emma commençait à perdre ses repères. La pression était insupportable. Elle se sentait à la fois forte et fragile, prête à tomber en morceaux à tout instant. Le juge posa des questions précises, cherchant à évaluer ses capacités de mère, mais Emma répondait avec assurance, en faisant valoir qu’elle avait changé, qu’elle avait fait des efforts pour se reconstruire. Mais les doutes s’immisçaient dans son esprit, chaque question, chaque accusation venait ébranler son sentiment de légitimité.
Lorsqu’ils furent enfin autorisés à quitter la salle, le juge annonça qu’il rendrait son verdict dans les jours à venir. Emma se sentit épuisée, comme si un poids énorme venait de lui être enlevé, mais elle savait que le plus dur restait à venir.
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Le soir, lorsqu’elle retrouva Gabriel pour discuter de l’audience, elle se laissa tomber dans ses bras, les larmes coulant sur ses joues. « J’ai peur, Gabriel. Et je n’arrive pas à m’empêcher de douter. Et si tout cela ne suffisait pas ? Et si je n’étais pas assez forte pour les récupérer ? »
Gabriel la serra dans ses bras, sans rien dire, juste lui offrant la tranquillité qu’elle cherchait. « Tu es plus forte que tu ne le crois, Emma. »
Elle se laissa aller contre lui, son cœur battant contre le sien. Il n’avait pas besoin de dire plus. Dans ce silence, elle trouvait une forme de réconfort qu’elle n’avait pas connue depuis longtemps. La bataille pour ses enfants n’était pas terminée, mais elle n’était plus seule dans cette guerre.