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Chapitre 02

Chapitre II :

« Donc vous vivez ensemble ?

- Non, on vit sous le même toit, c'est différent, le corrigeai-je en coupant ma viande.

- Roland…

- Charlie…

- Laisse-là partir chez sa sœur pour ton bien, pour ta sérénité d'esprit. Tonya, c'est une sirène ! Elle est magnifique, te fais miroiter un bel avenir à ses côtés puis te massacre sans rien laisser. Elle te bouffera comme une mante-religieuse. Et ne pense pas que tu t'en tireras mieux que tous les hommes qu'elle a côtoyé dans le passé parce que tu la connais depuis votre enfance. Il y a un côté d'elle que tu n'as jamais vu et que tu ne voudrais pas rencontrer.

- T'as fini ?

- Non, j'ai pas fini. Gars, t'es plus qu’un ami, t’es mon frère et je t'apprécie, j'ai pas envie que tu finisses comme un fou. Dem send her (les démons l'ont envoyée) !

- Tu exagères et je te rappelle que c’est grâce à elle qu’on s’est connus.

- Alors premièrement, je n’exagères pas et tu le sais, deuxièmement, il faut te rappeler que dans tout malheur, il y a un bonheur, ici le bonheur c’est moi et tu le sais et troisièmement Tonya, c'est pas le genre de morceau qu’un puritain comme toi peu gérer. »

Je ne l’écoutais plus vraiment parler et me contentais de manger. Ce genre de phrase, je l’entendais constamment dès que mon prénom et celui de Tonya se trouvait dans la même phrase. J’étais épuisée d’expliquer qu’entre Tonya et moi, c’était différent, que personne ne pouvait la comprendre si ce n’était moi parce que je la connaissais, elle et toute l’histoire qui l’entourait. Dans les moindres détails. Qu’elle ait évolué c’était une chose, mais sa nature était la même, et un jour, bien plus proche que le monde s’évertuait à le penser, elle referait surface. Ce n’était qu’une question de temps.

« Et si on parlait d’autre chose ? Genre Angie ? ça en est où ?

- On divorce, mais ça tu le sais déjà. Et je disais par rapport à Tonya…

- Vous divorcez ? Vraiment ? C'est réellement ce que tu veux ?

- Arrête de vouloir changer de sujet.

- Je ne change pas de sujet, c'est toi qui donnes les informations au compte goute. Tu m'as dit que tu discutais avec Angie mais à aucun moment tu ne m'as parlé de divorce et là, tu m'annonces que vous allez divorcer ? Je pensais que tu l'aimais et que tu allais vous accorder une seconde chance.

- Il n'a jamais été question d'une seconde chance avec elle. Entre elle et moi, ça s'est définitivement arrêté lorsque j'ai découvert son business, répondit-il irrité. Qu'est-ce que je n'ai pas fait pour la rendre heureuse ? Qu'est-ce que je ne lui ai pas donné ? Qu'est-ce qu'elle m'a demandé et que j'ai refusé ? Rien, absolument rien ! Et pour découvrir quoi ? Un truc aussi sale ? »

L'irritation dont il faisait encore preuve en me racontant cette histoire me montrait combien il l'aimait encore, combien il était affecté. Je le connaissais assez aujourd'hui pour affirmer que sa fierté l'empêcherait de poser réellement les cartes sur table avec Angie et de déballer tout ce qu'il avait sur le cœur.

« C'est dommage que ça se termine comme ça entre vous mais soit.

- De la même façon que je prends mes distances avec Angie, tu devrais prendre les tiennes avec Tonya.

- Ok, je vais réfléchir à tout ce que tu viens de me dire et je reviendrai vers toi quand j'aurai pris une décision, dis-je en me levant.

- Prends-moi pour un con, en tout cas, je t'aurai prévenu. Et j'espère pour toi que tu te lèves pas pour aller la rejoindre parce qu'elle t'attend ?

- Non, j'ai une amie qui doit passer et si je veux pas la louper, je ferai mieux de partir maintenant.

- Une amie ?

- Charlotte.

- Ah. Rencontre là ailleurs que chez toi dans ce cas. Tonya pourrait la faire fuir."

Je levai les yeux au ciel en déposant le montant de l’addition et un pourboire puis remis ma veste.

« C'est moi qui offre.

- T'avais plutôt intérêt avec les conseils judicieux que je viens de te donner et que tu comptes mettre à la poubelle. »

Je m'abstins de répondre quoique ce soit et me contentai de sourire avant de quitter les lieux.

La réputation de Tonya n'était plus à faire, pire, elle la précédait et de loin. Sans même réellement la connaitre, les gens l'avait stigmatisé et classé dans la case de femme aux mœurs légères prête à tout pour obtenir ce qu'elle souhaitait. Ce n'était pas non plus une définition fausse d'elle, mais elle était beaucoup plus que ça et j'étais l'une de rares personnes à le savoir.

Que je tenais à elle et éprouvais des sentiments à son égard était un secret de polichinelle pour tous ceux nous ayons connu dans notre jeunesse. Je ne lui ai jamais fait de déclaration ou proposition parce que je connaissais la réponse, qu'elle soit tacite ou explicite, elle était toujours identique. La raison, elle n'était pas prête tout comme moi je ne l'étais pas. Il y a ces moments où l'on sait, avec conviction qu'une chose, une relation, nous est destinée, qu'elle est faite pour nous, mais souvent, on oublie d'écouter le temps, d'attendre le bon moment. On se précipite et on finit par se retrouver dans une situation où rien ne va, ou on ne peut pas profiter de la chose ou même de la relation et on se questionne. Pourquoi ? La réponse est certes courte mais tellement profonde ; ce n'était pas le bon moment.

Avec Tonya, ce n'était pas le bon moment dans le passé, aujourd'hui, c'est différent, ça l'est. Je savais que le moment où j’irai vers elle, lui faire part de mes sentiments et lui proposer une relation serait le bon. J'en avais la conviction.

Pour l'heure, je me dépêchai de rentrer à la maison et préparer la venue de Charlotte. J'avais un cadeau pour elle que j'avais soigneusement rangé au-dessus d'un des placards de ma penderie et qu'il fallait que je descende.

J'arrivai à la maison une demi-heure plus tard et trouvai Tonya installée dans le canapé, les jambes repliées sur elle-même et le regard fixé sur le téléviseur. Cela faisait maintenant trois semaines qu’elle était à la maison et qu’elle paraissait aller mieux. C’était vrai qu’il était difficile de la faire respecter la prise de son traitement et les règles établies par son médecin, mais j’y parvenais. Elle boitait encore un peu mais cela était dû à sa têtutesse. J’avais beau lui repérer qu’il fallait qu’elle se ménage et réduise ses mouvements, elle passait son temps à sautiller d’un point à un autre. C’était d’ailleurs étrange de la voir là, assise totalement prise par le film qu'elle était en train de voir qu'elle ne me vit pas m'installer sur l'extrémité du canapé qu'elle occupait.

« Non mais ne te montre pas plus stupide que tu ne l'es ! Ne rentre pas dedans, ne rentre pas dedans, ne rentre …. Ah ! Idiote ! »

Elle portait un foulard négligemment noué sur la tête, un t-shirt gris foncé bien trop grand pour elle et que je soupçonnais m'appartenir ainsi qu'un large bas de jogging clair qui avec certitude m'appartenait. Elle était belle, même quand elle ne cherchait pas à l'être.

« T'es consciente que ça ne sert à rien de crier, que le film est déjà tourné ?

- T'es là depuis quand ? demanda-t-elle en prenant enfin conscience de ma présence.

- Assez longtemps pour t'entendre crier contre un écran de TV.

- Je criais pas, je la prévenais mais elle ne voulait pas m'écou…. oh la la, il va la tuer là. Aie ! »

Elle mit ses mains sur son visage et détourna la tête.

« Il l'a tué ? me demanda-t-elle d'une petite voix ?

- Je crois. »

Elle retira ses mains de son visage et reporta son attention sur l'écran. C'est le moment que choisît le meurtrier pour égorger la jeune femme et faire sortir le contenu de sa gorge.

« Ahhhh ! La binocle ! Maintenant t'es un menteur ?

- J'ai dit que je croyais qu'il l'avait tué, me justifiai-je en me levant, le sourire aux lèvres. Puis arrête de regarder ce genre de film, tu ne le supportes pas.

- Pas quand je le regarde en plein jour.

- C'est vrai qu'il fait encore très jour à 19h.

- 19 quoi ?! »

Elle se précipita vers la fenêtre avant de crier un juron et repartir péniblement s'asseoir en trottant. Je n'avais qu'une seule envie, d'aller vers elle et l'aider, mais c'était le genre de comportement à ne pas avoir avec elle. Se montrer trop prévenant. Elle pouvait assimiler ça à une forme d'aide dans sa faiblesse et même si c'était exactement ça, elle ne le supporterait pas. Elle aimait à croire qu'elle était assez forte pour que même dans ses moments de faiblesses, jamais elle ne soit vue les épaules affaissées et la tête baissée. Certains jugeraient sa réaction, moi je serai plus enclin à l'accepter parce que j'en connais les raisons.

« Aie ! Mais ça va s'arrêter quand cette merde ?!

- Quand tu prendras plus au sérieux ton entorse et que tu te ménageras vraiment. T'es sortie de l'hôpital, tu t'es mise à courir, tu passes ton temps à parler au téléphone en faisant les cent pas et tu sautilles partout comme une puce ! Comment tu veux guérir ?

- Déjà, je tiens à te rappeler que si j'ai couru à ma sortie d'hôpital, c'est parce que tu t'amusais à jouer avec ma valise ! trouva-t-elle comme seul argument, la mine bouteuse tel un enfant."

Lorsqu’elle mentionna sa valise, je me rappelai la visite que j’attendais et rejoignis ma chambre pour y prendre une douche rapide. J’enfilai un boxer lorsque j’entendis des coups frappés à la porte, très vite suivi par des voix féminines. J’en déduisis que Tonya venait d’ouvrir la porte à Charlotte.

Je me doutais qu'avec le discours que je venais d'avoir concernant sa guérison, Tonya n'allait faire aucun effort pour accueillir avec bienveillance Charlotte et je ne pouvais compter sur personne d’autre pour le faire. Etant vendredi soir, il n'y avait à la maison aucun employé par le faire. J'aimais à leur laisser leur Week-end afin qu'ils puissent en profiter autant, voire plus que moi. Je me hâtais une tenue et de les rejoindre au salon.

Je trouvai Charlotte debout, l’air un peu perdu et Tonya assise dans le canapé, les yeux rivés sur Charlotte.

« Hey ! Charlotte ! Je suis content de te voir ! Prends place, je t’en prie, l'invitai-je en lui suggérant un fauteuil. J'espère que ça n'a pas été trop compliqué de venir avec les embouteillages.

- Je t'avoue que si ! avoua-t-elle en s’asseyant. A un moment, j'ai même voulu annuler mais je me suis rappelée que c'était moi qui t'avais dit que je passerai. Donc me voilà !

- Les mains chargées en plus, constatai-je en remarquant le grand sac qu’elle tenait.

- Oui. C’est également, voire surtout, la raison pour laquelle je suis venue. Tu me disais il y a quelques jours que tu avais eu beaucoup de boulot cette semaine et comme on est vendredi, je crois bien me souvenir que ta cuisinière n'est pas là, alors je t'ai préparé de quoi tenir durant le Week-end, m'expliqua-t-elle en me tendant le sac. Mais je ne savais pas que… »

Elle ne termina pas sa phrase, mais porta son regard sur Tonya, qui continuait de la dévisager. Je compris ce qu’elle sous entendait et rectifiai rapidement son erreur.

« Tonya est une amie ! annonçai-je. Elle est en convalescence et ces quelques mets que tu as préparés vont nous faire le plus grand bien à tous.

- Oh ! D’accord. Et bien enchantée Tonya !

- De même… Enfin, je crois. »

Par sa dernière phrase, je savais maintenant que Tonya n’appréciait pas Charlotte. Je décidai de reprendre le contrôle de la conversation en examinant le contenu du sac et en émettant des commentaires sur les effluves qui en émanaient.

« Ca sent extrêmement bon ! Fallait pas te donner autant de peine.

- ça m'a fait plaisir de le faire. Du coup je vais partir et vous laisser.

- Non ! Pourquoi tu veux partir ? Tu es pressée ?

- Je ne suis pas venue en voiture et…. »

Alors qu’elle parlait, la porte d’entrée s’ouvrit étonnamment sur maman et Sophia qui souriait en coin.

J’observais ce changement depuis quelques jours maintenant et je m’en réjouissais. Je me doutais que la présence de Tonya allait jouer de façon positive sur elle et j’avais bien vu.

« Bonsoir papa, bonsoir maman.

- Coucou.

- Salut princesse, bonsoir maman, les saluai-je avant de leur demander. Mais qu’est-ce que vous faites ici ?

- Je te rappelle que ce week-end vous gardez votre fille parce que j’ai ma réunion mensuelle avec les femmes de mon association.

- Ah oui c’est vrai. Ça m’était sorti de la tête.

- Je vois ça. Bon, je dois aller préparer pour demain. Tu peux me déposer ?

- Excusez-moi, nous interrompit Charlotte, je vais vous laisser… en famille.

- Ce serait sympa, lança Tonya.

- Ne fais pas attention à ses propos, elle a un humour particulier qu'il faut prendre le temps de digérer.

- Oooh, d'accord. C'est bon à savoir. Je vais donc y aller et vous souhaitez une bonne soirée.

- Non, non ! Attends. »

Je n'étais absolument pas surpris de la façon dont Tonya se comportait avec Charlotte. Elle le faisait toujours, avec toutes les femmes qu'elle rencontrait chez moi ou que je lui présentais, amie ou pas. Elle disait que c'était sa façon à elle de tester les femmes que je côtoyais et de voir jusqu'où ça pouvait aller. Si elles réagissaient assez vite, c'est qu'elles étaient franches et si elles réagissaient plus tardivement ou pas du tout c'est qu'elles étaient hypocrites et dans ce cas, il fallait que je tourne mon regard ailleurs. Mais là, il n’était pas question de la laisser tester Charlotte pour la simple et bonne raison que je n’envisageais rien avec elle et qu’elle était une bonne amie que je souhaitais garder.

J’analysai donc rapidement la situation et d’y remettre de l’ordre. Je présentai à maman Charlotte puis après qu’elles se furent saluées, je proposai à Charlotte de m’accompagner déposer ma maman puis d’ensuite la déposer avant de rentrer. Ce qu’elle accepta.

« Géniale. Je vais récupérer ton cadeau et je reviens, l’informai-je.

- Mon cadeau ? l’entendis-je répéter derrière moi. »

Je rejoignis rapidement ma chambre et récupérai mon présent, qui ne tarda pas à faire son effet.

« Oh ! Mais … C'est vraiment pour moi ? s'exclama-t-elle.

- Oui !

- Oh ! Je ne sais pas quoi dire, c'est tellement gentil et attentionné ! "

J'étais content de pouvoir lire une réelle joie dans ses yeux, qui me confortait dans l'idée que j'avais fait le bon choix de cadeau. Charlotte était, comme elle venait encore de le montrer quelques heures plus tôt, très serviable à l'écoute de son prochain et je voulais pour une fois lui rendre ce bien qu'elle faisait autour d'elle.

« Ca va, ce ne sont que des valises. Se réjouir autant, ce n'est pas un peu trop exagéré ? intervins Tonya accompagnée de son cynisme légendaire.

- C’est ce qu’on pourrait croire, mais c’est bien plus que ça. Je te remercie Roland.

- Vraiment ? Pour des valises ? répéta Tonya.

- Il y a trois semaines, j'étais de retour d'un voyage et une des valises de mon set, la plus grosse s'est cassé alors que j'arrivais à l'aéroport. A mon retour, c'est la poignée de ma valise de cabine qui s'est cassé et j'en avais parlé à Roland, mais plus parce que j'avais besoin d'évacuer, jamais je n'aurais pensé qu'il allait me prendre un set de valises !

- Celles-ci sont extrêmement souples et malléables. Je les ai commandées aux Galeries Lafayette puis les ai fait venir via un ami qui a monté sa boite. Ce sont des Lipault donc d'excellente qualité selon les conseils avisés d'une amie.

- Je te le confirme !

- Il te plait, le set ? La couleur ?

- Oui ! Je ne les changerais pas si je devais les prendre par moi-même ! Je te remercie. Souriait-elle.

- Top. Bon, je mets mes chaussures et je vous dépose mesdames. »

Comme convenu, je déposai maman en premier puis repris la route pour déposer Charlotte. J’appréciai le temps qu’elle avait pris pour préparer tous ces petits plats et ne manquai pas de le lui dire tout en lui présentant mes excuses pour l’accueil plus que froid de Tonya.

« Encore une fois, c’était avec grand plaisir et pour ce qui était de l’accueil… ça allait, ajouta-t-elle avant d’éclater de rire.

- Tonya peut se montrer quelques peu désinvolte mais, dans le fond, elle est sympa.

- Je veux bien le croire. Après tout, elle vit chez toi pendant sa convalescence et vous avez un enfant ensemble, ça en dit long. En règle générale, les ex ne s’entends pas si bien. ça fait longtemps que vous n’êtes plus ensemble ? Pardonne-moi si tu trouves que c’est indiscret.

- Non, ce n’est pas indiscret, c’est ….compliqué. »

Et tellement long à expliquer que je ne savais jamais par où commencer.

« Je vois. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu te dis célibataire.

- Non, ça n’a rien à voir. C’est vraiment compliqué mais pour faire court, si seulement on pouvait faire cours, je dirais que ça n’a jamais commencé entre Tonya et moi.

- Oh ! Donc Sophia…. Est le fruit… d’une…nuit ? tenta-t-elle de demander. Je sais que mes questions sont assez déplacées et que… Tu sais quoi ? Laisse tomber. Je sens que t’es fatigué, ta journée n’a pas dû être de tout repos alors je vais te laisser rentrer et…et merci encore pour les valises. »

J’aurais pu essayer de lui expliquer toute cette histoire, comment Tonya et moi en étions arrivés là, comment nous avions fini par être parents alors qu’elle me détestait, comment il était compliqué de définir notre relation, mais je ne fis rien. Pourquoi ? Parce que je la savais intéressée et moi incapable de lui donner ce qu’elle pouvait valablement mériter. Il y avait bien longtemps que j’avais laissé mon cœur se faire broyer entre les mains de Tonya.

Je l’aidai simplement à descendre son nouveau set puis les déposai devant son entrée avant de prendre congé d’elle.

En remontant dans la voiture, je constatai que maman avait oublié sa pochette contenant son listing pour demain. J’étais poli lorsque je parlai d’oubli car je savais pertinemment qu’elle l’avait fait exprès. Elle souhaitait me parler.

J’en ai eu la confirmation lorsqu’une vingtaine de minutes plus tard. Je me retrouvai avec elle, dans sa cuisine l’écoutant me faire la leçon sur ma vie et mes choix amoureux.

« Roland.

- Maman.

- Tu vois, depuis que la petite impolie est chez toi, tu me parles mal.

- Maman, je ne te parle pas mal et tu le sais. Je te demande simplement de me faire confiance et de me laisser gérer comme je l’ai toujours fait.

- Et je veux te laisser gérer parce que je te fais confiance mon fils, mais il faut que je te rappelle certains faits, que tu sembles oublier, afin que tu aies toutes les cartes en main. Tonya, je l’aime comme ma fille et tu le sais, je serais la femme la plus heureuse si vous finissiez par être ensemble, mais il faut voir la réalité en face. Les femmes sont par nature faites pour être des mères, que ce soit biologique par filiation ou même par adoption, elles sont faites pour ça, la preuve, elles naissent toutes avec une matrice. Mais certaines vont développer un caractère en désaccord avec cette nature et vont vivre selon leur caractère et non pas selon leur nature. On ne peut pas les forcer et on ne peut encore moins leur en vouloir. C’est leur choix, il faut le respecter ou être Dieu pour parvenir à le changer et aux dernières nouvelles, tu n’es pas le petit frère de Jésus.

- Maman s’il te plaît…

- Laisse-la partir Roland. Laisse-la partir. »

Comment lui faire comprendre que j’ai essayé, vraiment essayé sans jamais y parvenir. Comment lui faire comprendre que ça ne dépendait plus de moi depuis bien longtemps. Tonya, je l’ai bien malgré moi dans la peau et il est fort probable que je finisse seul, si je ne finis pas avec elle. Non pas par envie, mais pour éviter de faire souffrir une autre : celle qui demanderait tout ce que je n’avais plus.

« Je vais réfléchir à tout ça.

- Okay. Tu manges avec moi ou tu repars.

- Quelle question. Je reste ici. »

Je Pris mon téléphone pour envoyer un message à Tonya et l’informer que je passais la soirée chez maman.

A mon retour à la maison, vers vingt-trois heures, l’ensemble des lumières étaient étrangement éteintes et je trouvai Sophia et Tonya dans le lit de cette dernière.

Je m’approchai pour repositionner la couette qu’elles utilisaient, lorsque Tonya se mit à gémir puis ouvrit les yeux.

« Hey. Pourquoi vous dormez aussi tôt ?

- Elle était fatiguée et je ne me sentais pas bien. Et ça ne va toujours pas, ajouta-t-elle après avoir eu ce qui ressemblait à un haut-le cœur.

- Qu’est-ce que tu as ? Tu semblais bien aller tout à l’heure. Ce ne serait pas une diversion pour éviter de m’entendre parler sur la manière peu chaleureuse avec laquelle tu as accueilli Charlotte ? »

Elle eut un petit sourire rapidement effacé par un spasme.

Je m’approchai un peu plus d’elle et touchai son front brulant. Je restai à ses côtés durant la nuit pour veiller sur elle et m’assurer qu’elle irait mieux, mais ce ne fut pas le cas. Au petit matin, je contactai un ami médecin qui après l’avoir ausculté, nous informa qu’elle souffrait probablement d’intoxication alimentaire.

« Tu vas bien ? demanda Sophia l’air inquiet.

- Oui, ne t’en fais pas ma puce, essaya-t-elle de la rassurer. Tu veux bien aller dans ta chambre et faire un dessin pour moi s’il te plaît ? ça me ferait très plaisir.

- D’accord. »

Elle venait de trouver le moyen d’éloigner et occuper Sophia tout en la rassurant en une simple phrase. C’était fou de constater l’effet qu’avait sa présence sur Sophia. Elle si timide et réservée, peu encline à discuter et à se rapprocher des gens, était loin d’être une grosse pipelette mais s’investissait plus dans les discussions et ne se contentait plus d’être simple observatrice. Le son de son rire raisonnait également plus fort dans la maison et on ne pouvait que s’en réjouir.

On pouvait tout lui reprocher, mais il fallait avouer que sa présence savait redonner la vie.

Je passai tout le week-end à son chevet et me retrouvai complètement éreinté le lundi matin. J’attendis la venue de maman afin qu’elle puisse continuer de veiller sur Tonya, qui ne montrait aucun signe de guérison, avant de pouvoir aller déposer Sophia à l’école.

Je priai intérieurement pour ne pas entendre la sonnerie de mon téléphone mais il semblait que mes prières ces derniers temps ne trouvaient pas d’écho là-haut.

« Bonjour Roland, je te rappelle que nous avons une réunion importante ce matin, pesta Samuel.

- Mais tu n’as pas écouté la note vocale que je t’ai faite ? Tonya est malade depuis vendredi soir et elle ne va toujours pas bien. J’attends ma mère afin qu’elle reste avec elle pour emmener Sophia qui, elle, ne veut pas laisser sa mère seule.

- Donc si je résume bien, ta femme est malade, ta fille s’inquiète et ta mère arrive à la rescousse. Je suppose que tu n’as pas eu le temps de finir ta présentation ? »

A quoi jouait-il ? pensai-je en regardant mon téléphone. Il m’avait contacté samedi matin en me mettant la pression pour finir ma présentation et m’avait harcelé de mails tout au long du week-end pour s’assurer que je l’avais fait. C’était à n’y rien comprendre. Il devait avoir des trous de mémoire.

« Si je l’ai fait, soupirai-je simplement. J’essaie de faire au mieux et d’être présent d’ici une vingtaine de minutes.

- Très bien. A tout à l’heure. »

Je regardai de nouveau mon téléphone et me demandai ce qui n’allait pas avec ce type. Cela faisait trois ans que l’on travaillait ensemble et qu’on s’était plutôt bien trouvé professionnellement et amicalement. Il avait sans aucun mal réussi à intégrer la bande que l’on formait avec David et Charly. Son côté « j’aime quand un plan se déroule sans accro » avait trouvé écho en chacun de nous, même s’il estimait que nous n’avions pas le même degré de perfectionnisme et de « niaque » comme il aimait à le dire.

La sonnerie à la porte d’entrée me fit sortir de mes pensés et reprendre ma progression là où je l’avais laissé.

Avec l’aide de maman, je réussis à convaincre Sophia de laisser sa mère et d’aller à l’école, puis je rejoignis en deux temps trois mouvements la salle de réunion où les actionnaires et Samuel, qui arborait un méga-sourire aux lèvres, m’attendaient et je me lançai dans ma présentation.

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