chapitre 6
Chapitre 6
Le brouhaha des conversations s’effaçait par vagues à mesure qu’elle avançait, accrochant involontairement les regards. Une présence imposée dans un monde où elle n’avait rien demandé. La salle était immense, saturée de rires polis et de sourires mesquins. Des silhouettes impeccablement habillées, comme des fauves apprêtés pour une chasse.
Xander la précéda, son pas calculé, sa posture glaciale. Il ne regardait jamais en arrière, pas même pour vérifier si elle le suivait. Un chef de meute qui n’avait pas besoin de ses subordonnés pour exister. Elle, en revanche, pouvait sentir les murmures lui érafler la peau, des mots soufflés à mi-voix, des rires étouffés.
— C’est elle ? La fiancée ? murmurait une femme à un groupe.
— Un arrangement, rien de plus. Une parvenue, visiblement.
Irina serra les dents, mais conserva sa démarche droite. Pas question de leur montrer qu’ils l’atteignaient. Un verre de champagne lui fut tendu, mais sa main trembla légèrement en le saisissant. Elle se força à sourire, même si chaque fibre de son être criait de tout envoyer valser.
Plus loin, Xander discutait avec un groupe d’hommes en costume sombre, son visage aussi impassible qu’une statue. Pas un regard dans sa direction, pas un signe qu’il l’avait remarquée. Pourtant, elle sentait son influence, une ombre qui planait sur elle et sur cette soirée.
— Alors, c’est toi, la petite protégée de Draymore ? lança une voix féminine derrière elle.
Irina se retourna lentement, découvrant une femme d’une beauté froide, le genre de perfection qui brûle plus qu’elle n’attire.
— Oui, répondit-elle simplement, son ton neutre.
La femme la dévisagea, un sourire cruel effleurant ses lèvres.
— Intéressant. Dis-moi, combien il t’a payé pour jouer ce rôle ?
Le sang d’Irina bouillonna, mais elle resta figée. Elle inspira lentement, cherchant ses mots.
— Et toi, combien pour jouer celle qui fait semblant de s’intéresser ?
Un murmure d’amusement parcourut le cercle autour d’elles. La femme perdit brièvement son sourire, mais se reprit rapidement, son regard s’aiguisant.
— On verra combien de temps tu tiens ici. Ce monde n’est pas pour les faibles.
— Je suppose que ça explique pourquoi tu as l’air si à l’aise, répliqua Irina avant de s’éloigner, son cœur battant à tout rompre.
Mais les regards la poursuivaient, les mots aussi. Une autre femme, quelque part derrière elle, lâcha une remarque en ricanant :
— Pauvre fille. Elle ne sait probablement même pas dans quoi elle s’est embarquée.
Chaque insulte était une lame, chaque sourire moqueur une épine dans sa chair. Elle voulait partir, mais les portes semblaient si loin. Et puis il y avait lui, toujours là, quelque part, imposant sa présence sans lever le petit doigt.
— C’est quoi cette mascarade ? lança soudain une voix grave, tranchant à travers le bruit comme un coup de fouet.
Les conversations s’arrêtèrent presque instantanément. Xander. Il s’approcha, sa silhouette imposante dominant l’espace. Son regard balayait la foule, glacé, calculateur. Il s’arrêta sur Irina, puis sur le cercle autour d’elle.
— Est-ce qu’on s’amuse à humilier ma fiancée ? demanda-t-il, chaque mot glissant avec une précision chirurgicale.
La femme qui l’avait confrontée plus tôt recula légèrement, mais tenta de garder la face.
— Ce n’était qu’une plaisanterie, Xander. Rien de sérieux.
Il ne bougea pas, son regard planté dans le sien comme une lame.
— Rien de sérieux ? répéta-t-il, sa voix plus basse, plus dangereuse. Tu crois que je plaisante, moi ?
Un silence lourd s’abattit sur la pièce. Irina observait, immobile, ses émotions mêlant colère et humiliation. Elle aurait voulu dire quelque chose, mais Xander semblait avoir pris le contrôle.
— Je n’ai pas l’habitude de tolérer ce genre de comportement, continua-t-il. Vous pouvez rire entre vous autant que vous voulez, mais si quelqu’un ici manque encore une fois de respect à ma fiancée, je m’assurerai personnellement que cette personne ne remette jamais les pieds dans une de mes soirées.
Les visages se figèrent, certains rougissant de honte, d’autres blanchissant de peur. Xander tourna la tête vers Irina, son expression toujours aussi froide.
— Ça va ?
Elle hocha la tête, incapable de répondre. Il la scruta un instant, puis se tourna vers la foule.
— Alors, profitez de la soirée.
Il s’éloigna, comme si rien ne s’était passé, laissant derrière lui un silence gênant. Irina, quant à elle, se sentait tiraillée entre gratitude et colère. Gratitude pour son intervention, colère pour son ton distant, presque condescendant.
Elle le rejoignit un peu plus tard, trouvant le courage de briser la glace.
— Merci, je suppose.
Il haussa un sourcil, posant son verre sur une table à côté.
— Merci ? Pour quoi ?
— Pour m’avoir défendue, même si ton ton laissait à désirer.
Un sourire amusé effleura ses lèvres.
— Ce n’était pas pour toi. C’était pour moi. Personne ne manque de respect à quelqu’un qui porte mon nom, même si c’est temporaire.
Sa réponse lui coupa le souffle, mais elle refusa de baisser les yeux.
— Bien sûr, dit-elle, le ton acide. Parce que tout tourne toujours autour de toi.
Il haussa les épaules, indifférent.
— C’est comme ça que ça marche dans ce monde. Tu ferais bien de t’y habituer.
Elle tourna les talons, le laissant derrière elle. Mais cette fois, elle sentait son regard la suivre, une ombre plus lourde que la précédente.
