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Chapitre 18 : Double-Date

- Une partie de ma bêtise, seulement ? Je suis la seule fautive je te signale.

- Disons que le coup de la cuisine flambé n’est pas entièrement de ton fait. J’ai, donc, moi aussi une part à réparer.

- Je ne comprends pas…

- Oui, le feu d’artifice c’est toi, me coupa-t-il, mais celui qui t’a permis d’approcher la cuisine sans avoir tenu compte de ta personnalité douteuse, c’est moi.

- Comment ça ? M’indignais-je avec force.

- Allons, allons, nous arrêta Michiko en ouvrant la porte. Pourquoi vous vous chamaillez encore ?

- Ah ! Je suppose que tu es la pyrotechnicienne, me lança un jeune homme ressemblant étrangement à Ren mais plus jeune de quelques années.

- Pourquoi ? Bredouillais-je devant ce mot qui m’était inconnu.

- Hana je te présente Keito, mon second petit-fils, il est aussi le frère cadet de Ren.

- Oh, enchantée ! Je m'appelle Yamamoto Hana.

- Oui je sais qui tu es, répondit le garçon avec malice, Michiko me l’as dit. Alors comme ça tu es aussi dans la même fac que mon frère ?

- Keito. L’interrompit Ren. On a pas le temps de discuter, alors dépêche-toi de te mettre en tenue.

- Bien, bien, soupira le jeune homme en s’excusant auprès de moi et en retournant à sa tâche.

- Qu’est-ce que je peux faire ? Demandais-je penaude.

- Tu as eu une matinée chargée, fit ma logeuse, tu peux aller te restaurer un peu avant de…

- Tu peux lessiver le carrelage de la crédence, intervint Ren. Avec Keito, on s’occupe de repeindre la cuisine.

- Bien, j’y vais de suite.

Michiko tenta de dire quelque chose mais son petit-fils l’arrêta.

Il lui conseilla de nous laisser travailler et de revenir qu’une fois que tout serait fini.

Je me mis à l’œuvre, sans attendre.

Tout en frottant comme une forcené les joints, je repensais à ce jour fatidique.

Il s’en était vraiment fallu de peu.

Comment avais-je pu être aussi distraite et oublier de l’huile sur le feu. Moi qui avait pour projet de me marier et de m’installer rapidement, je n’étais clairement pas prête à assumer un foyer.

Pourquoi je m'étais défilé quand grand-mère avait tenté de m’apprendre les bases ? Et tous les cours de cuisine que je snobais, quand je ne les sécherais pas.

Pauvre de moi et de ma bêtise…

- Ce n’est pas le moment de rêvasser, me reprit Ren tandis que je le regardais perdue dans mes pensées.

- Pardon, fis-je en me reprenant ma tâche.

- Tu pourrais la laisser souffler un peu, intercéda Keito en ma faveur. Elle doit avoir mal aux bras à force de récurer.

- Ça va aller, ne t’inquiète pas, le rassurais-je d’un sourire reconnaissant.

Keito avait une personnalité intelligente et perspicace, tout comme son frère.

Il avait aussi un sens pointu de l’observation, qui m'avait très vite mis à nu. Loin de se moquer de mes prétentions, il s’employait autant que possible à détendre l’atmosphère que son ainée rendait délibérément pesante.

J’étais persuadée que l’attitude de Ren était dû à ma présence. Il m’exécrait à un tel point, qu’il ne faisait même pas d’efforts envers son petit frère, qui était pourtant là pour nous aider.

Les seules fois où il lui adressait la parole, c’était pour le reprendre tandis qu’il m’aidait ou qu’il me parlait.

J’avais de la peine pour Keito. Il passait un moment désagréable par ma faute et ce même s’il n’en laissait rien paraître.

- Vous avez fait du très bon travail, lança Michiko en arrivant dans la pièce que nous étions en train de finir. Je vais sortir les bentos, ainsi nous pourrons déjeuner tous ensembles. Qu’en dites-vous ?

- Nous ne resterons pas, annonça Ren en déboitant le rouleau à peinture de son manche.

- Il en est hors de question, vous avez travaillé dur, alors je peux au moins vous garder à manger. De plus il reste le tiramisu que Hana à confectionné l’autre soir, je l’ai décongelé ce matin.

- Un tiramisu ? Releva Keito soudain intéressé.

- On a pas le temps, intervint son frère, nous avons des choses à faire.

- Mais quelles choses ? Depuis tout à l’heure tu me répète que l’on est pressé, mais il ne me semble pas que nous ayons prévu quoi que ce soit.

- Je dois encore t’emmener acheter des vêtements pour…

- Mes bagages sont faits, je te signale. Et puis, si quelque chose me manque, je l'achèterai directement à Séoul.

Michiko ne laissa pas son petit-fils répliquer, et saisit l’occasion donné par Keito pour insister de plus belle :

- Tu voudrais me priver d’un moment avec ton frère alors qu’il part bientôt. Et rappelle-moi la dernière fois que je vous ai eu à manger tous les deux ?

Les yeux de Ren changèrent rapidement d’expression. Son air renfrogné se mua en culpabilité.

Lui qui était si hermétique, en devenait presque humain.

- Bien, se résigna-t-il, si ça peut te faire plaisir...

Michiko, satisfaite de sa victoire, ne cacha pas sa joie et monta à l’étage pour se pouponner. Elle voulait des photos en souvenirs et comptait bien profiter de ce moment.

Alors que j’allais finir de nettoyer le plan de travail, Ren me fixa d’un air suffisant. Comme si c’était de ma faute s’ils étaient obligés de rester déjeuner.

- Je sais que ma présence ne t’enchante pas. Mais pas d’inquiétude, le rassurais-je, je ne compte pas perturber votre repas de famille.

- Merci pour ta délicatesse, mais il est hors de question que nous prenions le risque de manger un dessert de ta confection sans que tu l’ai gouté avant.

- Qu’est-ce que tu insinues ?! Que je tente de vous empoisonner ?

- Disons que, vu tes aptitudes à la catastrophe, je préfère rester sur mes gardes.

- Hé ! Intervint Keito faussement mal à l’aise, vous pouvez reprendre vos querelles d’amoureux quand je serais parti ?

- Amoureux ?! Se moqua Ren, qui peut bien tomber amoureux de ce phénomène ?

« Qui pourrait bien tomber amoureux de ce phénomène ? »

Il avait osé me vilipender de la sorte.

D’accord, il était beau, populaire, intelligent, bien bâti, courtisé et que sais-je encore, mais toutes ces qualités ne lui donnaient pas le droit de présumer de la vie des autres ! Ni de les blesser par ce genre de phrases méchantes et gratuites.

- Et bien il faut croire que qu’une personne aime ce genre, puisqu’il sort avec moi !

- Dans ton imagination peut-être ?

- Il est bien réel ! Et lui au moins, il sait se montrer gentil et prévenant.

- Voyez-vous ça ? S’amusa-t-il des propos mensongers qui avaient quitté ma bouche sans que ma raison ne puisse rien y faire.

Et ce garçon en question a déjà vu tes exploits et catastrophes ?

- Arrêtez tous les deux, nous raisonna Keito qui trouvait qu’on allait un peu loin.

- Il trouve mon côté maladroit très mignon…

- Je suis curieux de voir cette perle et de lui décerner la médaille du petit ami du siècle. Que dirais-tu d’un Double Dating.

Le mot était lancé « Double Dating ».

Je ne savais plus trop pour laquelle des deux situations j’avais le plus envie de pleurer.

Était-ce pour mon mensonge éhonté et qui allait me faire passer pour une véritable conteuse de mythes et légendes, ou pour le fait que dans « Double Dating », il y a le mot double et que ça insinuait qu’il avait quelqu’un.

- Alors ? Insista-t-il amusé par ma tête déconfite. Tu ne veux pas que je rencontre ce grand exemple de patience et d’ouverture d’esprit ?

- Qui as dit que je ne voulais pas ? Enchéris-je par pur esprit de contradiction et surtout par agacement. Je vais lui en parler. Je te laisserai organiser l’événement, en revanche. Comme je suis pas du coin…

- Ça marche.

- Et c’est moi qu’on traite de gamin ? Soupira Keito incrédule devant la tournure qu’avait pris notre litige.

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