Chapitre 1
Dorothy Lent se tenait devant la fenêtre sale de sa chambre à l’hôpital psychiatrique, observant le soleil se lever sur un nouveau jour. Le bâtiment délabré semblait étouffer la lumière naturelle, et l’air de la pièce était lourd, chargé d’une odeur de désinfectant et de médicaments. Elle soupira, résignée à une autre journée monotone et sans espoir. Quatre ans. Quatre ans passés dans cet enfer, internée pour des raisons qu’elle connaissait maintenant comme étant des mensonges orchestrés par sa propre famille.
Dorothy passa une main lasse dans ses cheveux courts, coupés sans soin par les infirmières de l’hôpital. Elle se souvenait encore de ses longues mèches soyeuses d’autrefois, et de la façon dont elles dansaient autour de son visage lorsqu’elle riait. Cette personne semblait être une étrangère, une image floue dans un miroir brisé.
Son regard se perdit dans le vide tandis qu’elle réfléchissait à la nuit qui avait changé sa vie. Une nuit où elle avait été dupée par sa sœur Diane et leur mère. Elles l’avaient poussée dans les bras d’un inconnu, une nuit de passion volée qui avait abouti à une grossesse. Mais ce n’était que le début de son cauchemar. Près de neuf mois plus tard, alors qu’elle pensait donner naissance à son enfant, elle avait été informée que le bébé était mort-né. Une fausse couche, disaient-ils. Mais les doutes ne l’avaient jamais quittée. Pourquoi ce sentiment persistant qu’on lui mentait ?
Ses pensées furent interrompues par le bruit sec de la serrure. La porte de sa chambre s’ouvrit, laissant entrer sa mère, Margaret Lent, suivie de près par Diane. Leur présence, toujours impeccablement présentées et arrogantes, contrastait violemment avec la décrépitude de l’endroit.
« Dorothy », dit Margaret d’un ton sec, « nous avons quelque chose à te dire. »
Dorothy se tourna lentement vers elles, ses yeux brillant d’une lueur de défi. « Qu’est-ce que vous faites ici ? »
Diane prit la parole, un sourire glacial sur les lèvres. « Nous avons trouvé une solution à ta situation, Dorothy. Tu vas sortir d’ici. »
Un éclat d’espoir traversa les yeux de Dorothy, mais elle le réprima rapidement. « Pourquoi maintenant ? Pourquoi après tout ce temps ? »
Margaret soupira avec exaspération. « Parce que Diane va se marier. »
« Se marier ? » La surprise était évidente dans la voix de Dorothy. « Avec qui ? »
« Tu te souviens de la famille Donte ? » demanda Margaret.
Dorothy hocha la tête. Les Donte étaient l’une des familles les plus riches et les plus influentes de la ville. « Oui, bien sûr. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec moi ? »
Diane éclata de rire. « Tu vas prendre ma place, Dorothy. Tu vas épouser Carlos Donte. »
Le silence qui suivit fut palpable. Dorothy ne pouvait pas croire ce qu’elle entendait. « Quoi ? Vous voulez que j’épouse quelqu’un à votre place ? »
Margaret s’avança, son regard perçant fixé sur Dorothy. « Carlos Donte est gravement malade. Il n’a plus longtemps à vivre, et il est désespéré. C’est une opportunité en or pour nous, mais je ne peux pas laisser Diane gâcher sa vie pour cela. Toi, en revanche… »
« Moi, quoi ? » Dorothy serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans sa paume. « Vous pensez que je ne vaux rien, n’est-ce pas ? Que je suis juste un pion à utiliser à votre convenance ? »
Margaret soupira. « Dorothy, tu devrais être reconnaissante. Nous te donnons une chance de sortir d’ici, de te marier dans une famille prestigieuse. C’est plus que ce que tu mérites après ce que tu as fait. »
La rage bouillonnait en Dorothy. « Après ce que j’ai fait ? Vous m’avez trahie, vous m’avez menti et vous m’avez enfermée ici ! »
« Tu étais instable, Dorothy », répondit Diane avec un sourire condescendant. « Nous avons fait ce qui était nécessaire pour protéger la famille. »
Dorothy prit une profonde inspiration, essayant de calmer la tempête en elle. « Et qu’est-ce qui se passera si je refuse ? »
Margaret plissa les yeux. « Si tu refuses, tu restes ici pour le reste de tes jours. C’est aussi simple que cela. »
Dorothy resta silencieuse pendant un moment, ses pensées tourbillonnant. Elle avait toujours su que sa famille la considérait comme un fardeau, mais entendre leurs mots cruels confirmés était un coup dur. Pourtant, elle savait que cette proposition, aussi tordue soit-elle, était une opportunité. Une opportunité de sortir d’ici, de se venger, et de récupérer ce qu’on lui avait pris.
« Très bien », dit-elle enfin, sa voix ferme. « Je vais épouser Carlos Donte. Mais ne vous méprenez pas, ce n’est pas pour vous. C’est pour moi. »
Un sourire triomphant se dessina sur le visage de Diane. « Excellent. Nous te ferons sortir d’ici demain. »
Alors qu’elles tournaient les talons pour partir, Dorothy les regarda s’éloigner, une détermination froide se cristallisant en elle. Elles pensaient l’utiliser encore une fois, mais cette fois-ci, elle serait celle qui tirerait les ficelles. Elle se vengerait, et elles regretteraient amèrement de l’avoir sous-estimée.
Le lendemain matin, Dorothy fut libérée de l’hôpital psychiatrique. Elle quitta l’établissement avec un sac en toile contenant ses quelques affaires. Margaret et Diane l’attendaient dans une voiture luxueuse, prêtes à l’emmener dans ce qui serait sa nouvelle prison. Mais pour Dorothy, c’était le début d’un nouveau chapitre, un chapitre où elle écrirait sa propre histoire.
Assise à l’arrière de la voiture, Dorothy observa les rues défiler, ses pensées tournées vers Carlos Donte. Elle avait entendu parler de lui, bien sûr. Connu pour sa laideur et sa maladie incurable, il était souvent considéré comme un reclus par la société. Mais Dorothy savait que les apparences pouvaient être trompeuses. Si elle avait appris quelque chose de ses années de captivité, c’était bien cela.
« Nous y sommes », annonça Margaret alors que la voiture s’arrêtait devant une somptueuse demeure.
Dorothy descendit de la voiture, levant les yeux vers la maison imposante. Elle inspira profondément, ses doigts se crispant autour de la poignée de son sac. C’était ici que tout allait commencer. Elle suivit Margaret et Diane jusqu’à l’entrée, ses talons claquant contre le sol en marbre.
Un majordome les accueillit, les guidant à travers les couloirs opulents jusqu’à un grand salon où Carlos Donte les attendait. Dorothy fut surprise de voir un homme plus jeune qu’elle ne l’avait imaginé. Bien qu’affaibli par la maladie, il dégageait une certaine aura de force et de résilience.
« Carlos, voici Dorothy », dit Margaret avec un sourire forcé.
Carlos leva les yeux vers elle, ses traits marqués par la douleur mais aussi par une curiosité intense. « Dorothy. C’est un plaisir de vous rencontrer. »
Dorothy s’avança, tendant la main. « Le plaisir est partagé, Carlos. »
Ils se regardèrent un moment, chacun évaluant l’autre. Dorothy savait que ce mariage serait difficile, mais elle voyait en Carlos un allié potentiel, quelqu’un qui pourrait comprendre ses propres souffrances.
« Je sais que cette situation est inhabituelle », commença Carlos, sa voix rauque. « Mais je suis reconnaissant que vous soyez ici. »
Dorothy hocha la tête. « Nous avons tous les deux été poussés dans cette situation. Mais je crois que nous pouvons en tirer quelque chose de positif. »
Carlos esquissa un léger sourire. « Je l’espère. »
Les jours qui suivirent furent un tourbillon de préparatifs. Dorothy et Carlos passèrent beaucoup de temps ensemble, apprenant à se connaître. Malgré ses réticences initiales, Dorothy se rendit compte que Carlos était un homme bon, piégé par les attentes de sa famille tout comme elle. Ils partageaient des moments de sincérité et de vulnérabilité, créant lentement un lien fragile mais réel.
La veille de leur mariage, Dorothy se tenait devant le miroir de sa chambre, observant sa réflexion. La robe de mariée qu’elle portait était magnifique, mais elle ne pouvait s’empêcher de se sentir comme un agneau sacrificiel. Cependant, elle se rappela ses propres paroles : ce mariage n’était pas pour sa famille, mais pour elle. Pour sa liberté, pour sa vengeance, et pour son avenir.
Elle prit une profonde inspiration et se dirigea vers la porte. À partir de demain, elle serait Dorothy Donte. Et elle était déterminée à faire en sorte que ce nom signifie quelque chose de puissant et d’inflexible.
Le jour du mariage, le manoir des Donte était décoré de fleurs et de lumières scintillantes. Les invités affluent, curieux de voir la femme qui avait accepté d’épouser Carlos. Dorothy se tenait à l’entrée, son cœur battant à tout rompre. Elle vit Carlos de l’autre côté de la pièce, vêtu d’un costume élégant, mais
Visiblement épuisé.
Alors qu’elle s’avançait vers lui, elle sentit un mélange de peur et de détermination. Ce mariage était le début de sa nouvelle vie, et elle était prête à affronter tous les défis qui se présenteraient. En croisant le regard de Carlos, elle vit la même résolution dans ses yeux.
Ils échangèrent leurs vœux sous les regards attentifs de leurs familles et amis. Chaque mot prononcé résonnait comme une promesse non seulement de survie, mais de revanche et de renouveau. Quand Carlos glissa l’anneau à son doigt, Dorothy sentit un poids se libérer de ses épaules. Elle était libre, du moins en partie.
Cette nuit-là, alors qu’ils se retrouvaient seuls dans leur chambre nuptiale, Dorothy et Carlos parlèrent longuement. Ils partagèrent leurs espoirs, leurs peurs, et leurs plans pour l’avenir. Pour la première fois depuis des années, Dorothy se sentait comprise et acceptée.
« Nous sommes dans ce bateau ensemble », murmura Carlos en lui prenant la main. « Peu importe ce que les autres pensent, nous avons le pouvoir de changer notre destin. »
Dorothy serra sa main en retour, sentant une chaleur réconfortante se propager en elle. « Oui, Carlos. Ensemble, nous sommes plus forts. »
Ainsi commença leur nouvelle vie, pleine de défis et de promesses. Dorothy savait que la route serait longue et difficile, mais elle était prête. Avec Carlos à ses côtés, elle avait enfin trouvé une lueur d’espoir dans les ténèbres. Et elle était déterminée à saisir cette chance, à se venger de ceux qui l’avaient trahie, et à construire un avenir digne de son nom.