Un crime presque parfait - Chapitre 3
Patrice était loin de se douter que sa première enquête se déroulerait dans une si mauvaise ambiance. Arrivant dans le parking, direction qu'a prise Cassandre, il cherche sa collègue du regard quand il la voit passer devant lui au volant d’une voiture. Pensant qu'elle allait le quitter sur place, il la regarde s'éloigner avant qu’elle ne s’arrête quelques mètres plus loin. Vu qu’elle l'attend, il court pour la rattraper et, en entrant dans la voiture, il constate qu'elle le fusille du regard avant de remettre ses lunettes de soleil. Aussitôt qu'il referme la portière, l'Agent Monteiro redémarre. Il y a un silence d'enterrement durant tout le voyage, ce qui déçoit Patrice. Après quelques minutes de routes, ils arrivent sur les lieux.
- Quelles sont les directives Agent Monteiro ? s'enquiert le nouveau pendant que Cassandre sort sa boîte à outils du coffre de sa voiture avant qu'ils n'avancent vers le hall.
- Les directives ? On m'a dit que vous aviez dix ans d'expérience. Montrez que c'est le cas, lui répond-elle simplement sans même le regarder.
Continuant à avancer, les Agents passent en-dessous de la rubalise jaune pour entrer dans la cour du Havana House. Une fois qu'ils sont dans le hall, ils voient les filles éparpillées en groupe pour certaines et solitaires pour d'autres. Des officiers de police surveillent les entrées afin que personne ne puisse sortir alors qu'un autre s'assure que toutes les personnes qui sont sur la fiche de présence sont là physiquement. Continuant à avancer, ils arrivent sur la scène de crime où Eric Flores, le médecin légiste, est déjà sur place, examinant le corps.
- Salut Eric ! lance Cassandre avec enthousiasme en entrant dans la pièce.
- « Donc, ce n'est qu'avec moi qu'elle est aussi désagréable, » comprend Patrice.
- Cassandre ! lance joyeusement le légiste. Je suis content de voir que tu as repris du service ! Comment tu te portes ?
- Ça va. Je te présente mon nouvel… équipier…
- Patrice Perez, continue-t-il en s'efforçant de sourire pour ne pas montrer son malaise.
- Content de faire ta connaissance et bienvenue parmi nous, le salue Eric en lui serrant la main.
- Qu’as-tu pour moi Eric ? le questionne l'Agent Monteiro pour couper court à la conversation.
- Notre victime s’appelle Stacey Varela. Elle est âgée de vingt ans et elle habite à Melbourne. Elle travaille depuis trois ans pour l’agence Fleur de Lys. Ma première analyse démontre qu’elle est morte par strangulation. Les traces qui se trouvent sur son cou laissent présager qu’elle a été étranglée avec un objet fin et tranchant, mais je n’ai pas encore découvert quoi. Elle est complètement nue sous le peignoir qui a été jeté sur elle. Quand j’aurai fini de l’examiner, je saurai s’il y a eu viole ou pas. La police a ramassé les effets personnels de la victime dans cette boîte.
Eric tend la boîte en question à Cassandre.
- Super ! Merci Eric, lui dit-elle avant d’y jeter un rapide coup d’œil pour voir ce qui s’y trouve. Je passerai te voir plus tard.
- Je laisse le corps là pour que tu puisses travailler et quand tu auras terminé mon assistant l’emmènera à la morgue. Je n’ai rien bougé non plus, l’informe Eric avant de rassembler ses affaires et de quitter la pièce.
- Vous faites quoi Patrice ? lui demande subitement Cassandre. Vous avez l'intention de rester planter là sans rien faire ? Si c'est le cas, vous n'auriez pas dû venir ! Allez interroger les filles pour voir ce que vous pouvez en tirer !
- On ne les embarque pas toutes au poste pour les interroger ?
- Non, on le fait ici.
- Mais en général…
- Oh ! Quoi en général ? l’arrête-t-elle en haussant le ton de sa voix. Là, vous travaillez avec moi. Ça veut donc dire que vous suivez mes règles. Est-ce que je suis assez claire ?
- Très claire… répond-il simplement. Pouvez-vous me passer votre calepin, votre plume et des gants ?
A cette demande, Cassandre soupire, mais elle préfère ne rien dire. Elle sort son calepin et sa plume de la poche arrière de son jeans avant de retirer une paire de gant et quelques scellés de sa boîte à outils. Pour éviter d'entendre d'autres remarques désagréables, Patrice prend le tout et il se dirige vers le hall. Dès qu'elle se retrouve seule, Cassandre examine le corps dans tous les angles. Puis, allumant son appareil photo, elle prend des clichés du visage et du corps de la victime avant de prendre des photos du vestiaire dans son ensemble. En même temps, elle met sous scellé les quelques objets qu'elle trouve suspects, mais que les officiers de police n'ont pas jugé utile de ramasser. Elle récolte également des empreintes quand son regard est attiré par une fenêtre ouverte. Réalisant que l'assassin a pu prendre la fuite par cette fenêtre, elle prend des photos additionnelles avant de récolter les empreintes qui se trouvent sur le poignet. Pendant ce temps dans le hall, Patrice tente de repérer un mannequin isolé à interroger quand son regard se pose sur une demoiselle qui est assise toute seule dans un coin. Avant de l'approcher, il se dirige vers un officier de police qui donne des directives avec l'idée de prendre note de ce qu'ils savent déjà.
- Bonjour Inspecteur Campbell, lit-il sur le badge. Je suis l'Agent Perez de la Force Spéciale. Qu'avez-vous comme informations à m’apprendre ?
- Bonjour Agent Perez. La victime faisait partie de l’agence Fleur de Lys depuis trois ans. Elle était âgée de vingt ans et elle faisait partie des mannequins les plus prisés de l’agence. D’après nos renseignements, elle a été prise d’un malaise avant qu’on ne la retrouve morte. Elle s’était rendue dans le vestiaire pour se reposer. Apparemment, elle a eu une altercation avec sa sœur hier, mais celle-ci n’est pas venue aujourd’hui. D’ailleurs, elle ne figure pas sur la fiche de présence. Elle a également eu une dispute avec la responsable des répétitions un peu plus tôt aujourd’hui. Tous ceux qui sont supposés être présents sont dans cette salle et personne n'a obtenu l'autorisation de sortir. Pour faciliter votre tâche, nous avons déjà récolté les empreintes et la salive de tout le monde. Deux personnes se sont montrées récalcitrantes, mais elles ont fini par coopérer.
- Qui sont ces deux personnes ?
- Mademoiselle Charlotte Evans et Madame Noémie Miller, la responsable des répètes.
- Comme par hasard… Vous m’avez été d’une grande aide, le remercie Patrice avec le sourire avant de lui taper l'épaule et de s'éloigner pour réfléchir. « Si notre victime faisait partie des mannequins les plus demandées, ça pourrait être une histoire de jalousie. En revanche, ça n’explique pas pourquoi elle était nue. Il se pourrait que nous ayons affaire à une histoire de sexe qui a mal tourné en fin de compte. J'en saurai peut-être un peu plus après avoir interrogé un mannequin. »
Patrice est conscient que ce cas sera plus complexe que ce qu’il n'y paraît aux premiers abords. Préférant attendre d’avoir les résultats des analyses pour se faire une réelle idée, l'Agent Perez s'approche de celle qu'il a repérée plus tôt avec l’espérance qu’elle lui apprendra de nouvelles choses sur l’enquête.
- Bonjour, commence-t-il tout en lui montrant sa plaque une fois arrivé en face d’elle. Je suis l'Agent Patrice Perez de la Force Spéciale et j’aimerais vous poser quelques questions.
- Vous voulez m'interroger ? s'inquiète-t-elle. Vous croyez que je suis coupable ?
- Calmez-vous Mademoiselle. Je veux simplement vous poser quelques questions pour comprendre ce qui s'est passé.
- Je vous écoute… répond-elle finalement alors qu'elle a les yeux tous rouges.
- Vous êtes mannequin ?
- Effectivement. Je m’appelle Katie Russell, répond-elle pendant que Patrice écrit dans le calepin.
- Pouvez-vous me raconter ce qui s’est passé ?
- Pour vous dire franchement, je crois que personne n’a compris ce qui s’est passé… Nous répétions tranquillement quand Stacey a été prise d’un malaise. Du coup, Noémie, celle qui s'occupe des répétitions, nous a donné une pause d’une heure. Quand nous avons repris, Iris Ford a remarqué son absence ; Stacey marchait devant elle. C’est en allant la chercher dans le vestiaire qu’elle a découvert le corps.
- Qui est Iris Ford ?
- C'est celle qui est assise là-bas avec le bikini rouge. Katie lui montre la personne en question du doigt. Elle pleure depuis qu'elle a trouvé le corps. Elle est traumatisée, la pauvre… Nous le sommes toutes…
- Y a-t-il eu des disfonctionnements dans le groupe ? Des disputes impliquant la victime ?
- Oui. Il y a eu une violente dispute entre Noémie et Stacey presque une heure avant sa mort. Stacey n’a pas apprécié la manière dont Noémie nous parlait et elle le lui a bien fait comprendre. Stacey lui a même montré un doigt d’honneur devant toutes les filles, sans parler des insultes qu’elles se sont échangées.
- Vous avez remarqué autre chose ?
- J’ai remarqué que le vigile a mis un peu de temps avant de nous rejoindre dans le vestiaire après qu’Iris ait crié. En générale, il est supposé être constamment derrière la porte principale et celle-ci est toujours ouverte. Je ne comprends pas comment ça se fait qu'il nous ait rejoint presque deux minutes plus tard.
Patrice note ce point fort intéressant.
- Durant la pause, avez-vous remarqué si quelqu’un s’est dirigé vers le vestiaire ?
- Malheureusement, non. Cela s'est produit durant notre pause déjeuner. A ce moment-là, nous étions presque toutes dans la cafète. En général, personne ne peut se rendre dans le vestiaire parce que nous y gardons nos effets personnels. Par contre, dans le cas de Stacey, vu qu'elle était malade, elle n'avait pas d'autres choix que d'y aller pour se reposer. C'est le seul endroit où il y a un sofa pour s'allonger.
- Y a-t-il une possibilité d’avoir accès dans le bâtiment en passant ailleurs que par la porte principale ?
- Pas à ma connaissance. Vous savez, nous n'avons pas le temps d'entrer dans une cabine pour nous changer. Pour le défilé de demain, il y a quarante bikinis à porter et nous ne sommes que douze. Nous avons trois passages à faire pour la plupart. Dès que le premier passage est terminé, nous devons nous changer en l'espace de quelques secondes et nous remettre en place pour notre prochain passage. Nous sommes toutes nues quand nous nous changeons et il n'y a que quelques personnes avec nous pour nous aider à nous habiller le plus vite possible. Du coup, notre sécurité repose sur le vigile. A ma connaissance, toutes les autres portes sont fermées à clé et les fenêtres sans barreaux ne peuvent s'ouvrir.
- Est-ce que vous étiez proche de la victime ?
- Proche… Je ne sais pas si on peut le dire ainsi, mais nous avions une bonne relation. Stacey était une fille adorable qui avait toujours le sourire. Elle était parmi la plus ancienne, avec sa sœur, Rachel, et Charlotte, dans l’agence. Les sœurs étaient les seules à pouvoir supporter le sale caractère de Noémie.
- Y avait-il une parmi vous qui la jalousait ?
- On avait une bonne relation avec elle. Je vois mal qui voudrait la tuer à l'exception de cette peste de Noémie. Il se peut que je me fasse des idées, mais j'ai comme l'impression que Charlotte paraissait très furieuse quand nous sommes remontées sur scène avant qu'Iris ne découvre le corps. D'ailleurs, même quand le corps a été découvert, elle n’a pas eu une réaction qu’une meilleure amie devrait avoir, en mon sens, surtout qu'elles étaient inséparables…
- Qui est Charlotte ? s'enquiert Patrice.
- Il s'agit de la demoiselle qui est assise là-bas. Katie lui désigne un autre mannequin du doigt.
- Celle qui porte le bikini noir ?
- Oui, c'est elle.
- « C'est vrai qu'elle n'est pas si affectée. Au contraire, elle semble agacée. C'est très étrange. Si elles étaient inséparables, la mort de son amie aurait dû l'attrister. Je vais creuser un peu de ce côté-là et voir ce que ça donne. » Très bien… Merci beaucoup de m'avoir accordé un peu de votre temps Katie. Si quelque chose de nouveau vous revient, n’hésitez pas à me contacter. Je vous laisse mon numéro.
- Comptez sur moi, lui dit le mannequin en prenant la carte.