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Chapitre 5

Je me gare à l'angle de la rue où se trouve l'académie de musique de Los Angeles. Julian et moi avons convenu de ce subterfuge, pour éviter tout drame à propos de notre collaboration. Il doit me faire écouter la musique qu'il a préparé pour le film. J'ai entendu quelques bribes, qu'il m'a envoyé sur un fichier mais jamais l'enregistrement finale. Je ne sais d'ailleurs pas ce que ça va donner avec les images que j'ai tourné. Il n'a lui-même eu que le scénario. Ça va être aussi l'occasion de lui montrer quelques scènes...

À 19h pile, il arrive dans ma direction, d'un pas déterminé. Il porte à une main un grand étui noire rectangulaire, qu'il dépose dans mon coffre, avant de rapidement ouvrir la portière de ma voiture pour s'asseoir à mes côtés.

Julian : " Je t'avais dit à l'angle opposé! " dit-il avec fébrilité.

Nathan : " Bonsoir Julian. Je vais très bien, merci. Si ça m'a dérangé de venir te récupéré à ton école de danse? Non pas du tout, ce fut un plaisir... " dis-je, ignorant sa mauvaise humeur.

Julian : " Bon on y vas? Je veux pas qu'on me voit avec toi. " dit-il, se cachant presque derrière la vitre. " ... et ce n'est pas un école de danse mais une académie de musique! " dit-il agacé.

Je souris, amusé par sa susceptibilité, puis démarre. Nous nous rendons à une demie-heure d'ici, à Pasadena chez Timothy, afin d'être au calme et de ne pas risquer d'être surpris, vu que nous travaillons dans une certaine clandestinité... C'est une maison de plein pied avec trois chambres. L'une d'elles a été aménagée en bureau par mon frère et c'est là que j'ai installé mon matériel de montage... mes deux ordinateurs portables, plutôt. J'ai aussi donné rendez-vous à Stan et Sam, qui me donne un coup de main pour cette partie délicate de la construction de mon film.

...

Quand nous arrivons, la maison est calme. Il n'y a que Timothy qui regarde la télé. Il se lève à notre arrivée.

Nathan : " Salut! " lui dis-je en m'approchant de lui. " Voici Julian. Le compositeur dont je t'ai parlé. "

Timothy : " Enchanté, Julian. Timothy. " dit-il, en lui tendant la main.

Julian : " Bonsoir. Vous avez une super maison. " dit-il, regardant autour de lui.

Timothy : " Merci. "

Nathan : " Éléonore n'est pas là? "

Timothy : " Elle est allée acheter de quoi manger, elle ne se sentais pas d'attaque à faire la cuisine pour autant de garçons. "

Julian : " Ne vous donnez pas autant de mal, je ne compte pas rester longtemps.... " dit-il poliment.

Nathan : " Éléonore n'a pas à faire ça, on peut se débrouiller... " le coupais-je.

Timothy : " Elle a insisté. Elle était toute existé à l'idée de recevoir des "artistes" sous son toit... pourtant je lui ai dit qu'elle se trompait, qu'il ne s'agissait que d'un de tes courts-métrages sans intérêts... " dit-il avec ironie.

Julian rie joyeusement à sa remarque désobligeante, lui permettant de retirer de la fierté à sa provocation.

Nathan : " Bon on y va... " dis-je, nous dirigeant dans le bureau.

Julian : " J'adore ton frère... tu es sûr de ne pas être adopté ? "

Nathan : " La ferme! " dis-je en continuant à marcher dans le couloir.

Sam, Stan et moi, observons Julian brancher sa machine à l'un de mes ordinateur. Nous sommes à la fois intrigués et épatés par sa technicité. Il semble savoir ce qu'il fait. Il tape quelque chose sur le clavier et au bout d'une dizaine de minutes, tout est fin prêt.

Julian : " C'est bon. Vous pouvez envoyer les images, et je mettrai la musique dessus afin que cela correspondent. J'ai fait deux thèmes comme je t'ai expliqué. Il y a une musique lancinante au début et au milieu puis je reprends la même base de mélodie en la poussant à son paroxysme pour la fin, la transformant en générique. "

Stan : " Je vais lancer le film monté sur écran de gauche, et je mettrais la musique sur l'écran de droite. " dit-il, s'asseyant au bureau.

Stan est celui qui est le plus coutumier du logiciel de montage. Il n'a aucun problème pour faire basculer le matériel de Julian sur ses arrangements à lui. Alors que j'essaye de comprendre cette habilité toute particulière, Timothy fait irruption dans le bureau.

Timothy : " Il y a des lasagnes et de la salade dans la cuisine! Éléonore est passé à Olive Garden." dit-il avec excitation.

Nathan : " Pas maintenant! Et tu pourrais frapper, on est occupé! "

Timothy : " Frapper dans mon bureau? Tu plaisantes ! Vous faites quoi? " dit-il s'installant sur le canapé à côté de nous.

Nathan : " On essayait d'écouter la musique de Julian avec les images qu'on a tourné, avant que tu ne viennes nous emmerder... " dis-je avec aigreur.

Timothy : " Ok... ben allez-y. "

Nathan : " Tu restes? "

Timothy : " Je ne compte aller nulle part... " dit-il, avec une lueur de défit.

Comprenant que je n'aurais pas gain de cause, vu que je suis chez lui... j'abdique rapidement. Je fais signe à Stan de commencer. Il appuie sur une touche, et alors que les premières images du film commencent, les premières notes de musiques se diffusent dans la pièce. C'est du violon, plusieurs violons qui s'accordent, donnant l'impression de suspense... je vois Stan et Sam esquisser de léger sourire. Au fur et à mesure que le film avance, les violons sont rejoint par des notes de piano, apportant de la mélancolie. Tout colle parfaitement bien ensemble. J'en suis moi-même surpris. Il a réussi sans voir une seul image à retranscrire parfaitement ce que je voulais. C'est comme-ci il était rentré dans ma tête. Je me recule un peu de l'ordinateur, impressionné par la dimension supplémentaire que la bande son de Julian donne au court-métrage. Quand l'histoire se termine, nous n'entendons plus que les notes de piano, elles ne sont plus soutenu par aucun autre instrument. Le générique apparait, avec les noms des différents protagonistes, et nous restons là, à regarder les crédits jusqu'à la fin, voulant écouter cette musique jusqu'au bout!

Ce n'est que quand le silence se fait que nous réalisons que nous avons été silencieux tout ce temps... Je n'ose briser cette harmonie.

Timothy : " Putain! C'est toi qui a fait ça Nate?" dit-il, d'une voix que je ne lui connaissais pas.

Nous nous retournons tous vers lui.

Nathan : " Non. C'est nous. " rectifie-ai-je.

Timothy : " Je n'avais jamais vu un de tes films avant... enfin,à part les merdes dans lesquels tu m'a fait jouer quand tu étais au lycée... On dirait... on dirait... c'est un vrai film! Je veux dire, c'est vraiment bien. Il faut qu'Eléonore le voit... " dit-il, déterminé.

Nathan : " Non! Pas Éléonore! S'il te plait. J'ai déjà accepté que tu restes alors ne rends pas les choses plus pénibles. "

Timothy : " Ély! " crie-t-il violemment.

Je baisse les bras de désespoir, pendant que Stan et Julian retiennent un rire. Éléonore arrive et je comprends que je vais devoir rediffuser le film pour son plus grand plaisir...

...

Après la seconde projection, Timothy a insisté pour que nous restions dîner, à présent nous nous délectons des lasagnes et du pain à l'ail servit par ma chère belle soeur... Je vais réfléchir à deux fois avant de lui demander un service, je ne crois pas que je referais ce genre de réunion ici, à l'avenir... ils sont bien trop envahissant.

Éléonore : " Tu vas le présenter au concours? " demande-t-elle, intéressée.

Nathan : " Non. Plus de concours pour moi. Seulement des festivals. Je pense qu'avec ce film on peut contourner les bonnes vieilles institutions de la fac! L'expérience que j'en ai eu, ne m'a pas plus. " dis-je, sans regrets.

Sam : " Si ça pouvait lancer ma carrière en tant que chef-op, ça m'arrangerai... travailler pour une boite d'aménagement territorial... merci mais j'ai donner! "

Stan : " T'avais qu'à pas choisir économie à la fac! " lui répondit-il, avec dédain.

Sam : " Je croyais que j'allais être repéré au foot! J'ai choisi pour choisir, sans penser que je serai diplômer sans être la star des quaterbacks que j'aurai dû être! " dit-il, avec amertume.

Julian : " Si tu avais tout de suite réussi dans la branche que tu voulais, peut-être que tu n'aurais jamais su, chef-opérateur était une vraie passion. Tu aurais eu une carrière médiocre au foot, alors que tu excelles dans lumière... il ne faut jamais voir le verre à moitié vide. Avant de faire la musique pour Nathan, je ne savais pas si j'en étais capable... et je me suis dis : si je rate tant pis, je peux pas le blairer, j'obtiendrai au moins la satisfaction d'avoir pourri son film."

Éléonore manque de s'étouffer tant elle rit bruyamment. Quant à Tim, c'est tout à fait son genre d'humour, il est donc extatique! Il n'y a que moi qui ne rie pas bêtement à ces bêtises.

Nathan : " C'est super, tout le monde se révèle être mieux que ce qu'il ne pensait... surtout lorsqu'il s'agit de se foutre de ma gueule... j'en suis ravis... " dis-je, prenant une gorgée d'eau.

Timothy : " Nathan m'a dit que tu étais à LACM? " demande-t-il, en se tournant vers Julian.

Julian : " Oui. Je suis diplômée à la fin de l'année. "

Éléonore : " Tu vas faire quoi après? La musique de film c'est un bon tremplin, à ce que j'ai pu entendre... "

Julian : " Je ne sais pas. Je suis sur plusieurs projets, mais ce que je préfère: c'est produire. Je n'aime pas trop les spotlight... créé l'univers d'un artiste ou d'un film, c'est vraiment motivant. "

Éléonore : " Je te souhaite de réussir car tu as un talent particulier pour ça. "

Julian : " Merci. "

Nathan : " Peut-être qu'on se battra pour toi quand mon film sera projeté... tu l'auras finalement ta vie de rock star... " dis-je avec ironie.

Nous quittons la maison de mon frère après minuit. Stan et Sam partent ensemble et je dépose Julian à Sherman Oaks, avant de me rendre à la fraternité. À ma grand surprise, la demi-heure de route se passe rapidement, tant Julian et moi avons des choses à vous dire. Il m'explique les différentes phases qui l'ont poussé à aller vers ce choix de musique et pas un autre pour le film. J'écoute religieusement son procédé, essayant de comprendre son mécanisme. Je ne m'étais pas trompé, en lui demandant de faire cela pour moi... il est vraiment doué...

Quand nous arrivons à son adresse, je me gare une rue plus loin pour ne pas le mettre dans une situation délicate avec sa colocataire. Il sort de la voiture pour récupérer son matériel dans mon coffre. Alors qu'il me fait signe avant de partir, je baisse la vitre pour l'interpeller.

Nathan : " Attends, Julian! " dis-je, voulant le retenir. Il s'immobilise dans la rue et me regarde. "Merci. Ce que tu as fait... c'était génial. " dis-je, avec reconnaissance.

Il m'offre un sourire franc et me fait un signe de la tête, avant de se diriger chez lui. Je reste un moment, le regardant dans mon rétro, pénétrer l'appartement dont j'avais mes habitudes, du temps où j'étais avec Rose.

Je secoue la tête pour changer de pensée, avant de redémarrer.

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