Nuit cinquième
Nuit cinquième
Strigoï
_ Puisque tout le monde est là, on va pouvoir commencer, déclara Moncef leur chef de secteur qui préparait son rétroprojecteur. Aujourd’hui, on ne va pas s’attarder sur les évènements mineurs de la veille, continua-t-il quand toute la salle eut son attention. On a plus important à gérer que de simples stryges...
A ces mots, Elena chercha dans l’attitude des patrouilleurs les plus anciens, un quelconque signe d’inquiétude. Ou même de l'étonnement.
Leurs visages restaient concentrés mais cela ne la rassurait qu’à moitié.
Leur district, le plus pauvre et le plus délabré du pays, était un lieu commun pour la vermine suceuse de sang et mangeuse de chair.
Les gardiens préposés à sa protection y étaient plus aguerris qu’ailleurs. Pas étonnant, donc, qu’ils arborent tous, cet air impassible.
_ Cette nuit, on a eu à faire à deux Moroïs dans le secteur de Blackpool-Road, expliqua Mo d’un ton modulé et sérieux. Un homme et une femme. Visiblement, ils ont été transformés depuis peu, et leur soif de sang les a rendus particulièrement difficile à gérer. L’équipe de Rica aidée par celle de Marc, a réussi à neutraliser la femme, mais l’homme à prit la fuite. Une heure plus tard, une patrouille de police subissait une attaque à l’angle de Blenheim Grove.
_ Il s’en est pris à la police ? Releva une autre bleusaille, qui avait bien appris que ces vampires de bas étages n’étaient pas censés attirer l’attention.
_ Comme je l’ai dit précédemment, rappela le chef en s’approchant de la carte qu’il venait de projeter sur le mur, ces créatures ont été transformés depuis peu.
_ Et la patrouille ? Demanda Zack curieux. On a réussi à faire quelque chose pour eux ?
_ Malheureusement, répondit Mo en secouant la tête, à notre arrivée, il ne restait que les vestiges de leurs transformations. Leurs corps étaient trop fragiles pour résister au poison.
A l’évocation de ce dernier mot, Elena, et sûrement tous les nouveaux, se rappelèrent cette douleur insoutenable à laquelle ils ont dû faire face récemment.
Contrairement à beaucoup d'autres, ils avaient eu une chance incroyable de survivre assez longtemps pour être sauvés.
Avec les sceaux des initiés sur l’épaule, ils ne se transformeraient plus en bête féroce, mais ils gardaient la force et l’agilité de cette dernière, durant la nuit.
_ Mon binôme a abattu une stryge quasiment à l’aube, continua Zack qui se balançait nonchalamment sur sa chaise tout en décortiquant ses graines de tournesol. Il pourrait s’agir de l’un des deux policiers.
_ Très probablement, fit Mo en hochant la tête. Tout comme les moroïs fraichement mués, ces créatures ont un appétit incontrôlable le premier jour. L’aube devient le cadet de leurs soucis dans ce cas.
_ Les traités disent quelque chose sur des stryges tuées par le lever du jour ? Demanda Leo, un jeune garçon qui semblait avoir l’âge d’Elena et qui était plus ancien à la Guilde.
_ Ça ne m’étonnerait pas que ces balourds se soient laissé avoir quelques fois, fit Rica, une grande rousse aux allures de guerrière. Hé, Zack ! Interpella-t-elle le coéquipier d'Elena. On peut savoir pourquoi c’est la bleue qui a réglé le compte du crève la dalle ? Ne me dit pas que t’étais encore sur les toits à mater les filles à leurs fenêtres ?
_ Qu’est-ce que tu racontes la sauvage ? J’étais à côté de mon binôme et j’évaluais ses progrès.
Prince un bel homme à la peau ebéne et qui se trouvait aussi être le partenaire de Rica, intervint :
_ Laisse-le tranquille, tu veux. Puis en se tournant vers Elena. Dans tous les cas la petite s’en est très bien sortie. Bon boulot, Elena.
_ Merci, Prince. Ça n'a pas été une mince affaire, mais la bestiole ne semblait pas rompue au combat, non plus.
_ Tu vas encore devoir t'entraîner plus sérieusement, ma fille, lui conseilla Rica en utilisant sa main pour éventer l'air devant son nez. Tu chlingues la dégobille de stryges à des lieues.
_ J'essaierai de faire mieux la prochaine fois, lui répondit Elena, gênée.
Comme souvent, le débriefing servait aussi à faire retomber la pression de la nuit.
L'émulation entre équipes donnait lieu à quelques taquineries, et le ton de certains pouvait paraître acerbes, mais c'était toujours bon enfant.
Leur chef faisait preuve d'indulgence avec ses hommes dans ces moments-là.
Il préférait leur laisser cette petite soupape pour décompresser, plutôt que de les voir accumuler trop de tension.
Après, pour ce qui était du boulot, il restait très exigeant et attentif au moindre écart.
_ Bien, pour en revenir à nos moroïs, les arrêta l’homme au bout de quelques minutes, on est quasiment sûr qu’ils ont été transformés dans la nuit, ou la veille.
_ Tu veux dire qu’on a un strigoï qui fait des siennes dans le coin ? Demanda Marc, un type dans la force de l’âge et à la carrure de lutteur.
_ C’est très précisément ce qui m’inquiète, fit Mo d’un air pensif. Si c’est vraiment le cas, on n’est pas sorti de l’auberge. Dans le doute, je vais demander du renfort pour cette nuit et je patrouillerais avec vous, exceptionnellement.