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02

Dès que je finis de dire ça, je tourne mes talons et contourne la maison pour aller déposer mes affaires dans la petite douche faite en tôles pour les quatre murs et un vieux tapis bleu au sol pour que nos pieds ne soient pas en contact avec la terre. Je ressors et retourne dans la maison récupérer mon seau d'eau pour me laver. Je me lave et m'habille sur place avant de revenir à la maison. Je la trouve en train de balayer maintenant devant la maison avec un balai en tiges de bambou. Je lui ai déjà dit d'arrêter de le faire parce qu'après elle va crier le mal de dos, mais la femme là ne m'écoute pas. J'avais acheté un balai droit, spécialement pour la cour mais elle ne l'utilise pas et dit que ça ne balaie pas bien. Heureusement même que ce sont ses petits enfants qui la massent quand elle crie. J'avance et je viens m'arrêter devant elle.

Moi: Mam tu ne comprends pas avec l'affaire du balai là ?

Maman Jeanne : (frappant le bout du balai sur la paume de sa main pour réajuster les tiges) Mimi pardon, je tire seulement vite en haut en haut là, pardon maman, il ne faut pas te fâcher. C'est la vieillesse oh, je suis déjà une vieille femme.

Moi : Hum.

Une petite fille du quartier est venue nous trouver devant la porte et après nous avoir salué, elle nous a demandé s'il y avait du piment.

Maman Jeanne : Oui poupy, y en a. Tu veux pour combien ?

Poupy: pour 200 avec l'oseille de 300.

Elle a tendu un billet de 500 que maman a pris avant de rentrer dans la maison et de ressortir quelques minutes avec les articles dans un sachet et remettre à la petite.

Maman : Qui mange l'oseille avec le piment le matin comme ça ?

Poupy: (prenant) C'est ya Jérémie, il est rentré bourré la nuit.

Maman Jeanne : L'enfant qu'on appelle Jérémie là je ne sais pas s'il comprend les choses. On lui dit d'arrêter de boire parce que le vin là ne passe pas avec lui, mais non, lui que boire- boire-boire jusqu'à il ressemble même déjà à la boisson. Je ne sais même pas ce qu'il trouve dans la boisson là. C'est quel exemple qu'il vous donne en tant qu'aîné ? En tout cas, je vais prier pour lui. Il faut saluer tes parents et tu me dis à ce Jérémie là que je ne suis pas contente de lui.

Poupy: D'accord maman Jeanne.

Elle est partie. J'ai regardé maman pendant un moment.

Maman Jeanne : Y a quoi ?

Moi : Non rien.

Je suis rentrée dans la maison. La femme là voici son défaut, elle aime mettre sa bouche dans les affaires d'autrui, c'est la mairesse du quartier. Tout le monde la connaît. Elle ne peut jamais dire bonjour et passer sa route comme moi, non, elle s'arrête au moins 10 minutes pour prendre toutes les nouvelles, conseillée ici, réprimandé là-bas. Rire et pleurer avec les voisins. C'est une chose que je ne n'aime pas faire. Mais elle dit que c'est comme ça le bon voisinage, si quelque chose de mal nous arrive ici, ce sont eux qui vont nous aider et cela, elle l'a aussi inculqué à ses petits fils qui, tout comme elle, font des tournées quotidiennes dans le quartier pour aller saluer tout le monde.

Lorsque j'arrive devant la porte de ma chambre j'entends la voix des enfants et je décide de m'arrêter pour écouter.

Kilian: Tu dis que l'homme là nous ressemblait ?

Ethan : Oui. Il nous ressemblait beaucoup mais il était seulement grand.

Lilian : Donc notre père est pasteur ?

Ethan : Je ne sais pas, je sais juste qu'il était en train de prêcher.

Kilian: Et tu as dit aussi que l'homme qui te parlait a dit qu'il était venu ?

Ethan : Oui.

Kilian: J'espère que c'est la vérité. J'ai aussi envie d'avoir un père comme les autres.

Lilian : Moi aussi.

Ethan : Venez on va encore dire à Dieu d'exaucer notre prière et si ce qu'il m'a montré est vrai, que notre père arrive jusqu'à nous.

Les deux autres : D'accord

Eux: (ensemble) Papa c'est encore nous, Kilian, Ethan et Lillian, les trois enfants de Myrna NZAOU. On sait qu'on t'a déjà beaucoup fatigué avec le sujet là, mais c'est toi même qui a dit qu'il faut prier sans jamais nous relâcher jusqu'à obtenir la victoire. Tu as aussi dit que le royaume des cieux est forcé et ce sont les violents qui s'en emparent. Oui papa, c'est toi qui l'a dit dans ta parole et tu as dit à mamie Jeanne de nous répéter ça. Alors nous sommes encore là aujourd'hui, violents dans la prière pour te parler de notre père. Papa, nous savons que c'est toi notre vrai père qui veille et prend soin de nous mais tu as aussi voulu nous donner une image de toi sur la terre alors nous te prions pour lui. Là où il se trouve en ce moment, papa, conduit le jusqu'à nous. Nous voulons le voir avec nos yeux et le toucher avec nos mains. Si tu as déjà commencé à nous le montrer dans les rêves, c'est parce que qu'il est déjà tout proche alors ouvre nos yeux pour que nous le voyons et ouvre ses yeux pour qu'il nous voit.

Lilian : Papa apaise aussi le cœur de maman pour qu'elle ne soit plus fâchée contre lui stp.

Les deux autres : Oui papa, touche aussi son cœur, nous te supplions.

Eux: (ensemble) Oui papa. Nous savons que c'est une bonne personne et c'est aussi une bonne mère mais comme dit souvent mamie, son cœur est blessé et fermé, mamie dit que c'est toi le réparateur des brèches et celui qui pense toutes les plaies alors nous comptons sur toi pour notre maman que nous aimons de tout notre cœur. Merci papa parce que nous savons que tu vas nous exaucer au nom de Jésus. Amen !

Je suis restée devant la porte à pleurer en silence avant de mettre ma main sur ma poitrine et exercé une petite pression dessus pour calmer la douleur que je ressens au fond de mon cœur. Ce n'est pas la première fois que mes enfants prient pour moi ou pour leur père, je sais qu'ils le font tous les jours entre eux et avec leur grand-mère mais à chaque fois que je les surprends, c'est cette réaction que j'ai en retour. Il y a toujours cette douleur et cette lutte à l'intérieur de mon cœur qui me poussent à pleurer. Il y a comme une main qui essaie d'arracher toute la colère que je ressens dans mon cœur et cette autre main qui refuse de lâcher prise et cette lutte provoque une forte douleur en moi.

J'entends des pas se rapprocher derrière moi et j'essuie rapidement mes larmes et mon visage. Je trempe ma main dans un seau qui est non loin et me la frotte sur le visage pour effacer toute trace de larmes.

Maman Jeanne : (surprise de me voir là) Oh, tu fais quoi debout là ? Il est presque 7h 30, tu es déjà en retard.

Moi: (me raclant légèrement la gorge avant de parler) Hum Hum. J'étais en train de déposer le seau, je pars déjà.

Aussitôt dit, je pousse la porte et j'entre dans la chambre où je trouve les trois enfants là assis sur le lit.

Moi: Allez aider mamie à mettre les choses du commerce dehors après vous partez prendre votre bain.

Eux: D'accord.

Ils se sont levés et sont partis. J'ai rangé mes choses, pris mon sac banane que j'ai accroché autour de mes hanches et je suis sortie de la chambre et les ai trouvés dehors en train d'installer la marchandise sur la table.

Moi: Maman vous avez encore les choses du petit déjeuner non ?

Maman Jeanne : Oui, ça peut encore faire deux jours.

Moi : D'accord. Bon moi je m'en vais.

Les trois anges sont venus me faire un câlin avant de me dire qu'ils m'aimaient et que j'allais passer une bonne journée.

Moi: Je vous aime aussi mes amours.

Maman Jeanne : Dieu te protège Mimi, passe une bonne journée.

Moi : Amen maman. Vous aussi.

J'ai esquissé un faible sourire à leur endroit avant de me retourner pour partir. Dès que je me suis éloignée de la maison, j'ai tout de suite refermé mon visage de sorte à ce que personne ne me parle. Je suis arrivée jusqu'à la route où j'ai pris mon taxi pour le marché où je vends. Je suis une commerçante qui vend au marché de Mont bouet (marché central de Libreville). Je vends de la sardine fumée, des fruits et des légumes depuis presque 9 ans maintenant. Au début, j'assistais juste maman Jeanne ici avec les garçons, mais comme, ils tombaient trop malade à cause du mauvais vent du marché et la poussière, maman a décidé qu'ils ne pouvaient plus venir et que je devais rester avec eux à la maison, on avait alors installé une petite table devant la maison de sorte à ce que je puisse vendre là-bas. Seulement un jour, une des femmes du marché qui avait mon numéro de téléphone m'avait appelé pour me dire que ma mère était tombée au marché, s'était évanouie et qu'ils l' avaient emmenée au dispensaire de la Peyrie (quartier) J'avais eu la peur de ma vie ce jour. Sur place, on nous avait dit qu'elle avait le palu et qu'elle ne devait plus vendre au soleil comme elle le faisait tous les jours. Malgré ses protestations, j'avais réussi à la faire rester à la maison et on avait dû échanger les rôles. Elle restait à la maison avec les enfants et vendait depuis la maison et moi, j'allais au marché. Depuis 5 ans maintenant, c'est comme ça. Dieu nous a fait grâce et au marché, j'ai pu avoir un box dans lequel j'expose la marchandise pour ne plus être au soleil et tout va pour le mieux…

Je rentre à la maison ce soir complètement épuisée et je trouve mes enfants à la maison qui après m'avoir salué et fait des câlins, me rappellent que leur grand-mère a dit que je dois faire l'effort aujourd'hui d'aller à l'église. Franchement je n'ai pas envie d'y aller car je suis épuisée. Je n'ai qu'une seule envie, c'est de me laver et me mettre au lit. Mais je me fais violence. Après mon bain, je décide d'aller à l'église. Je dis aux enfants qu'ils doivent rester à la maison comme c'est la nuit. De toutes les façons, demain c'est dimanche et ils iront à l'église. Je pars donc toute seule. Quand j'arrive devant la porte, je fouille mon petit techno chinois qui me sert de téléphone, ce n'est pas un Android, mais plutôt un âllo-âllo comme on dit chez nous. Je regarde l'heure et me rends compte qu'il est déjà 20h20. Je suis vraiment en retard. C'est sûr même que le service est déjà fini. Mais bon, je suis déjà là, je vais rentrer et m'asseoir même au fond pour ne pas me faire remarquer. L'église là est quand même assez grande, c'est une église de 200 membres à peu près. Je connais presque tous les visages des gens à l'intérieur même si je ne parle pas vraiment avec eux. Dès que l'hôtesse d'accueil qui après m'avoir salué a ouvert la porte pour que j'entre, mon cœur s'est mis à battre à un rythme effréné sans que je ne sache pourquoi et mes jambes ont commencé à s'alourdir.

Moi: (Dans ma tête) Qu'est-ce qui m'arrive Seigneur ?

Je me suis arrêtée un moment et j'ai regardé la jeune sœur qui me souriait toujours avant de me décider à rentrer dans la salle où j'ai juste entendu la voix de quelqu'un qui disait au micro "Je lui ai fait beaucoup de mal". Là j'ai eu le frisson et la chair de poule m'a saisie tout le corps. Comme si les gens s'étaient passés le mot, toute la salle s'est retournée pour me regarder. Le prédicateur a levé ses yeux pour me regarder et j'en ai fait de même, nos regards se sont accrochés. Mon corps s'est figé et j'ai senti mes jambes me lâcher. Je me suis retrouvée au sol. J'ai juste eu le temps de l'entendre crier au micro.

Ethan: Myrna??

Et ce fut le trou noir…

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