CHAPITRE 03
Puis-je même encore être considéré comme un loup-garou si je ne peux plus lasentir ?
Le point de vue d’Ivy
“Ivy, ça va ?” Geneviève me demande alors que nous sommes assis à la table de lacuisine avec Kane. L’odeur du petit-déjeuner est incroyable, mais je n’arrive toutsimplement pas à trouver l’appétit. Je pousse ma nourriture dans mon assiette avant dela regarder.
“Ouais, j’ai juste mal dormi, c’est tout.”
“Tu devrais manger,” dit-elle, inquiète, et je ne peux pas lui en vouloir. Je devrais mangerpour garder mes forces, surtout que je ne sais jamais ce qu’on va me demander de faireou ce à quoi je vais être soumis. Chaque jour ici, à Red Moon, est totalementimprévisible pour moi. Depuis que j’ai été dépouillée de tout et jugée responsable de lamort de l’Alpha et de Luna, la meute n’a pas accepté que je ne sois pas condamnée àmort, et ils n’hésitent pas à me montrer exactement ce qu’ils ressentent. C’est pareilpour Cole.
Honnêtement, c’est une question que je me pose tous les jours. Pourquoi Cole ne m’a-til pas envoyée au Haut Conseil du Règne et accusée de leur mort ? Ensuite, il n’auraitplus à s’occuper de moi ni à me supporter dans les parages. Ce n’est pas comme si jepouvais aller lui poser la question, de toute façon. Il m’a interdit de le regarder dans lesyeux.
D’habitude, on ne regarde jamais un Alpha dans les yeux à moins qu’il ne le demande,mais pour moi, c’est encore plus risqué. Je suis considérée comme de la vermine, etCole n’hésite pas à me remettre à ma place. Il m’a déjà battue pour avoir simplementjeté un coup d’œil dans sa direction. S’il y a une chose que j’ai apprise ces six dernièresannées, c’est de choisir mes batailles. Je me suis battue contre Cole, contre sontraitement et ses punitions pendant les deux premières années, mais après plusieurspassages à tabac et sans personne pour m’aider à part Kane et Geneviève, j’ai fini parcéder. J’ai appris à faire semblant. Je ne suis pas une fille faible, loin de là, mais si jemontre que je ne suis pas les ordres, ça finit mal pour moi.
J’espère juste qu’un jour je pourrai m’en libérer et vivre la vie que je devrais vivre.
Je soupire et pousse la nourriture dans ma bouche, sans vraiment la goûter, mais enespérant qu’elle me permette de tenir au moins jusqu’à la fin de la matinée. Je prendsune gorgée d’eau et regarde Kane.
“Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui ?” J’aime toujours entendre parler de leursjournées et de leurs projets, car ça m’aide à faire face à ma propre situation. Je suiscontente qu’il n’y ait que nous trois qui vivions ensemble dans cette petite maison surles terres de la meute. C’est l’un des rares avantages d’être la paria de la meute :personne ne veut être vu avec moi ou vivre avec moi, donc j’ai un endroit où m’échapper.Kane et Geneviève ne sont pas aussi rejetés que moi, mais ils ont choisi de rester avecmoi, alors ils ne sont pas non plus très appréciés par la meute. Cela ne les dérange pas.Ils sont la vraie définition d’amis. Ils me défendent et n’hésitent pas à remettre lesautres à leur place quand c’est nécessaire.
“Je travaille avec les guérisseurs de la meute aujourd’hui, on va aller cueillir des herbespour préparer des pommades et des remèdes. J’ai hâte d’y être,” dit Geneviève en seservant un autre verre de jus d’orange avant d’en boire une gorgée.