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Lundi 14 novembre

Je tourne et retourne sur moi même pour la millième fois environ depuis 15 minutes. Je suis face à mon miroir et j'observe mon allure pour mon premier jour de travail. Je ne suis absolument pas sûre de la tenue que j'ai choisie et j'angoisse littéralement. Je porte les nouveaux vêtements que j'ai achetés la semaine dernière et qui ont été validés par ma meilleure amie. Pour cette plongée dans le grand bain j'ai choisi un jean slim brut qui dessine voluptueusement mes jambes et un chemisier blanc cassé cintré orné d'un empiècement en dentelle juste au dessus de ma poitrine et tout le long de mes bras. "En apparence sage mais seulement en apparence" comme dirait Cassiopée. J'ai agrémenté ma tenue d'un blazer en cuir rose poudré et de mes nouveaux escarpins que mon amie m'a offerts. Elle est passée hier soir pour me souhaiter une bonne première journée et quand elle est partie, j'ai découvert sur mon lit un paquet avec un petit mot dans une enveloppe qui disait: "Ces petits bijoux sont ton nouveau porte bonheur, pense à moi à chaque fois que tu les porteras et je t'enverrai tout mon courage. Je t'aime ma Can-can." J'en ai les larmes aux yeux rien qu'en repensant à ce moment. Stop Candice, ne gâche pas ton maquillage ! Malgré mon habitude de ne porter que très peu de make-up, j'ai souligné mes yeux verts émeraude d'un léger trait d'eye-liner gris anthracite et de mascara et j'ai sublimé mes lèvres pulpeuses avec un rouge à lèvre rose nude très légèrement corail. J'ai volontairement choisi de laisser mes cheveux sécher naturellement et ma crinière parfaitement domptée dessine de sublimes boucles brunes qui encadrent mon visage.

Lorsque je me regarde dans le miroir, je ne me reconnais pas tout de suite. Je ne me trouve plus lisse et quelconque, non pas cette fois. Aujourd'hui, je me trouve classe mais pas guindée, féminine et légèrement sexy mais pas vulgaire et surtout, mon regard est éclatant. Un brin de malice et d'envie ont fait leur apparition et je suis ravie de les retrouver, moi qui les avais perdus depuis bien trop longtemps. Ce matin, j'ai envie de croquer la vie à pleine dent et de plaire.

Les très nombreux messages échangés avec mon mystérieux Grand ours brun tout le week-end n'y sont peut être pas pour rien. J'ai l'impression d'être revenue à l'époque des mes quinze ans, quand j'attendais fébrilement que le garçon que j'aimais secrètement me réponde. Sauf que je ne suis pas amoureuse de Grand ours brun bien sûr. Si je dois vous faire une confidence, j'avoue qu'il me plait bien. Il est drôle, vraiment très drôle et il a l'air d'être quelqu'un de simple et décontracté. Avec lui, je peux dire tout ce qui me passe par la tête et le fait d'être protégée derrière mon écran m'aide beaucoup. Comme je me l'étais promis vendredi soir, je lui ai demandé plus d'informations le concernant et surtout une photo avant de poursuivre nos échanges. Je lui ai expliqué mon raisonnement et il a très bien compris. Il a donc répondu à pratiquement toutes mes questions indiscrètes et nous avons discuté jusqu'à tard dans la nuit. Ce soir là, je me suis endormie le sourire aux lèvres et le cœur gonflé.

J'ai donc appris qu'il a 31 ans, qu'il habite à une vingtaine de kilomètres de chez moi, qu'il est électricien, qu'il est né en Italie car son père est italien mais qu'il n'y a pratiquement jamais vécu, qu'il déteste regarder du sport à la télévision et que la seule activité sportive qu'il pratique c'est le tennis. Le dernier mystère qui plane au dessus de lui, c'est son prénom. Il n'a pas voulu me le révéler et il m'a défié de le deviner au fur et à mesure de nos échanges. J'ai proposé plusieurs prénoms français classiques comme Paul, Pierre ou François et dieu merci, ce n'était pas la bonne réponse. Non pas que j'ai quelque chose contre les Paul, les Pierre ou les François mais je ne trouve pas ces prénoms très... excitants ! Je me suis alors lancée dans une recherche poussée de prénoms italiens ou d'origine italienne mais apparemment je fais fausse route. Le seul indice que j'ai réussi à obtenir c'est que c'est un prénom intemporel. Je suis bien avancée maintenant !

Grand ours brun a également répondu favorablement à ma requête concernant une photo et j'ai eu l'agréable surprise de découvrir un homme assez grand (plus de 1m80 je dirais), plutôt svelte, pas très musclé mais bien proportionné avec un visage doux et un regard expressif. Ses cheveux bruns assez courts et raides sont coiffés de façon assez classique mais cela ne me dérange pas. Ses lèvres sont très fines et ses yeux marrons brillant dégagent une certaine profondeur et beaucoup d'espièglerie. On sent tout de suite qu'il n'est pas du genre sage et prude. D'ailleurs ses messages sont là pour me le confirmer ! Enfin, son sourire éclaire son visage et offre une grande douceur. A première vue, il m'a tout l'air d'être une homme bien et responsable. Je n'imagine absolument pas sa photo à côté de la définition de "salaud" dans le dictionnaire ! Après s'être plié à toutes mes exigences, Monsieur-dont-le-prénom-m'est-inconnu-mais-je-vais-percer-le-mystère a repris les choses en mains, m'a demandé une nouvelle photo et m'a gratifié d'un interrogatoire plutôt cocasse. J'ai beaucoup ri en répondant à ses questions et je crois que ma préférée reste: "Que préfères-tu entre être devant tous tes gâteaux préférés mais ne pas avoir de bras pour les attraper ou pouvoir attraper tous tes gâteaux préférés mais ne pas avoir de bouche pour les manger ?" Qu'est ce qu'on peut bien répondre à ce dilemme ? Alors que j'étais coincée face à mon écran à rire sans savoir quoi écrire, il s'est empressé de rajouter: "En ce qui te concerne, je choisirais la première proposition. Je ne veux surtout pas que tu perdes tes belles lèvres charnues." Et voila comment j'ai rougis pour la vingtième fois de la journée environ ! J'ai donc passé un week-end plutôt plaisant, à discuter avec un homme et à profiter de ses belles paroles.

Je sors de ma rêverie lorsque je remarque que le réveil affiche 8h15 et je cours jusqu'à la cuisine me préparer un rapide petit déjeuner. Après m'être lavée les dents et avoir vérifié pour la énième fois mon apparence, je saute dans ma voiture le cœur plein d'excitation.

J'arrive à La Soierie Saint Martin à 8h50 et me dirige vers mon nouveau bureau. Une jeune femme est déjà arrivée et semble plongée dans un dossier, un café à la main. J'inspire un grand coup et l'interpelle en souriant.

-Bonjour, je suis Candice, la nouvelle assistante commerciale.

Elle relève les yeux sur moi et m'offre un grand sourire.

-Bonjour Candice, je t'attendais ! Je me présente, je suis Marina, ta commerciale référente. C'est avec moi que tu vas travailler presqu'exclusivement, sauf si Mme Saint Martin ou Mr Archer ont besoin de toi.

Pitié, faites que Mr Archer n'ait pas besoin de moi !

-Je te propose qu'on s'installe ensemble dans la petite salle de réunion et qu'on détaille ensemble tes nouvelles attributions, continue t-elle. Je te laisse t'installer tranquillement, rejoins moi dans un quart d'heure.

Elle termine sa phrase avec un sourire chaleureux aux lèvres et je suis immédiatement soulagée de travailler en binôme avec elle. Marina m'a tout l'air d'être le genre de collègue sympathique à qui on aime raconter son week-end. Je m'installe donc à mon nouveau bureau et découvre une petite pile de dossier avec l'annotation "à traiter en priorité". Je les feuillette rapidement et les mets de côté. Je décide d'allumer mon ordinateur et remarque avec soulagement que ma session et mon adresse mail ont été paramétrées avant mon arrivée. Je suis tellement nulle en informatique que cela m'évitera de me ridiculiser en appelant le service technique le premier jour !

Lorsque je rejoins Marina dans la salle de réunion avec mes dossiers sous le bras, je croise plusieurs personnes qui me saluent poliment. L'ambiance a l'air d'être agréable, c'est rassurant. Au moment où je passe la porte, Marina éteint la bouilloire et une douce odeur de café flotte dans l'air.

-J'ai mis en route la cafetière et la bouilloire, je ne savais pas ce que tu préfères, commence ma nouvelle collègue. Sers toi ce qu'il te fait plaisir et on va pouvoir faire connaissance.

Je remercie ma collègue et verse donc un peu d'eau chaude et un sachet de thé dans une tasse et je m'installe en face d'elle, équipée d'un bloc note et des dossiers que j'ai trouvés sur mon bureau.

-J'ai trouvé ces dossiers sur mon bureau, je suppose qu'ils vont nous occuper prochainement ?

-Tu ne crois pas si bien dire ! Ces 6 dossiers sont les affaires les plus urgentes et les plus importantes que je traite et mon ancienne assistante n'a pas pu les finaliser avant son départ. Nous allons donc devoir nous y atteler avant la fin de la semaine prochaine. En revanche, je vais garder le dossier bleu avec moi quelque temps, il est trop complexe et tu auras beaucoup trop de mal à en venir à bout pour une première affaire.

Je prends donc le dossier bleu intitulé Royal Beauty et je le lui tends afin qu'elle puisse faire le relai jusqu'à ce que j'ai acquis assez d'expérience. Nous passons les deux heures suivantes à faire le point sur chaque dossier. Marina me présente le client, m'explique le contexte pour chaque cas et me présente la démarche commerciale qu'elle veut adopter pour chacun. J'apprécie sa manière de travailler, elle est très organisée et rigoureuse mais elle sait également s'adapter à chaque client afin de mettre en place une stratégie commerciale personnalisée. Je suis persuadée que je vais beaucoup apprendre à ses côtés. Au bout de ces deux heures intenses, je comprends parfaitement ce que Marina attend de moi et je suis convaincue que je saurai être à la hauteur. J'ai d'ailleurs hâte de m'y mettre !

Ayant fini notre premier brief, nous rejoignons nos bureaux et elle me présente à chacun de mes nouveaux collègues. L'équipe commerciale est assez dense: 5 commerciaux et 5 assistantes la compose et chaque binôme gère une zone géographique bien définie. Le marché britannique nous est donc réservé et mon premier dossier concerne d'ailleurs un grand théâtre londonien qui souhaite s'approvisionner en soie pour la confection de certains costumes et décors. La matinée file à une allure folle, si bien que lorsque tous mes collègues se lèvent vers 12h30 pour aller déjeuner, j'ai l'impression de ne travailler que depuis quelques minutes. Je suis sincèrement ravie de mes missions et de mon binôme.

Marina s'approche de mon bureau situé dans la pièce adjacente au sien et m'interroge:

-Candice, veux-tu déjeuner avec nous ou as-tu d'autres projets ? Nous avons l'habitude de manger dans la salle de pause mais tu peux également aller au réfectoire si tu préfères.

-Je veux bien vous accompagner en salle de pause, merci d'avoir pensé à moi.

Ma collègue me sourit et je lui emboîte le pas. Sur le chemin, elle me prévient qu'elle fait un arrêt aux toilettes et m'indique le chemin jusqu'à la salle de pause. Je déambule dans le couloir, les yeux baissés sur mon téléphone et je consulte mes messages. J'en ai reçu 3: un de ma meilleure amie, un de Sandra et un de Grand ours brun. Tous me demandent comment se déroule mon premier jour. Je suis en train de pianoter sur mon téléphone pour leur répondre quand une voix grave et légèrement rauque me fait sursauter. Je relève les yeux et sursaute à nouveau.

-Bon... jour Mr... Archer, dis-je la voix tremblotante.

Ses yeux me transpercent littéralement et son expression froide et hautaine ne le quitte pas. Au bout de plusieurs interminables secondes, il bouge enfin pour remette son téléphone dans sa poche, sa conversation étant apparemment terminée. Son costume noir parfaitement taillé et sa chemise noir ajustée mettent magnifiquement son torse en valeur. Si je ne le connaissais pas, je m'imaginerais qu'il est le genre d'homme rassurant et protecteur contre lequel on a envie de se blottir après une journée harassante. Sauf que je l'ai déjà côtoyé et que son côté rassurant était resté au vestiaire ce jour là. A la place, j'avais eu droit à sa facette dédaigneuse et désagréable. Souhaitant lui échapper au plus vite, je continue mon chemin mais il en décide autrement. Ses paroles claquent dans l'air et son ton sec fait immédiatement réapparaître la boule que j'avais dans le ventre en arrivant.

-Vous viendrez dans mon bureau en fin d'après-midi mademoiselle Dumin.

Cette phrase me glace le sang et je m'imagine tout un tas de scénario dont le point commun est la fin toujours catastrophique qui m'attend. Je réussis tout de même à bafouiller une réponse.

-T... tr... très bien Monsieur... Archer. À quelle heure voulez-vous... euh... que je vienne ?