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Chapitre 1

Shay

Huit ans plus tôt...

Le soleil est en train de se coucher et un vent affreux vient d'apparaître. Un frisson m'envahit, mais bien que des éclairs zèbrent le ciel et que le tonnerre gronde au loin, ce n'est pas pour autant que j'ai envie de rentrer. Je veux rester dehors. Rester pour lui.

Assise sur un muret devant le magnifique jardin de mon oncle Emery et ma tante Amy, je l'observe jouer au ballon avec mon cousin Eden. Il est vêtu d'un banal sweat à capuche et d'un jean dans les tons foncés. Je le trouve beau. Son visage est plutôt fin. Il a des veux d'un marron noisette aux nuances caramé-lisées, des cheveux d'un noir profond en bataille, et des fossettes qui se creusent sur chacune de ses joues lorsqu'il sou-rit. Je ne sais rien sur lui. Seul son prénom résonne incessamment dans ma tête : Avery. Un mystérieux garçon qui doit avoir à peu près l'âge de mon cousin. J'ai envie de connaître plein de choses à son sujet, mais bien que des questions effleurent mes lèvres, je n'ose pas lui demander quoi que ce soit. Il m'inti-mide.

Les jambes dans le vide qui se balancent d'avant en arrière, je le contemple sans vergogne. Ma bouche s'étire sans cesse pour sourire. Il me fascine. Chaque fois que nos regards se croisent, ma peau se couvre de chair de poule. Quelque chose m'intrigue chez lui. Même s'il dégage un côté sombre et froid, j'ai la sensation qu'il n'est pas méchant pour un sou. Aucune ombre de malveillance ne colore ses prunelles, Avery semble être quelqu'un de bien. Oui, je l'ai deviné dès que nos yeux se sont ren-contrés. Jamais il ne s'est moqué de moi. Jamais il ne m'a dévisagée. Jamais il ne m'a posé une seule question. Ce garçon est différent. Différent de tous les garçons de mon âge que je côtoie. Différent parce qu'il ne se comporte pas comme eux. Il se fiche de mon handicap apparemment, ça lui est égal.

L'orage se met à gronder très fort d'un coup et une pluie abondante vient s'abattre sur nous. Oh non! Je n'ai pas envie de rentrer m'abriter, mais je n'ai pas le choix malheureusement, si je ne veux pas me faire disputer par mes parents.

Triste de devoir les quitter, je cours jusqu'à la maison, affronte la tempête en grimaçant, tête baissée vers le sol tout en espérant que les garçons me suivent. Je veux en savoir plus sur Avery, lui poser toutes les questions qui fusent dans mon cer-veau.

Je jette un coup d'œil derrière moi et me rends compte qu'il continue à jouer au ballon avec mon cousin, sans se soucier de ce temps désastreux. Déçue, je rentre dans la bâtisse. Mon Dieu! Je suis trempée de la tête aux pieds, ma robe à fleurs me colle à la peau et la pluie qui s'est infiltrée dans mes cheveux dégouline dans mon dos. 

Je tremble. J'ai froid.

Ne sachant pas quoi faire, je reste quelques minutes dans le couloir à chercher ce que je vais bien pouvoir raconter à mes parents. Ils vont me tuer. J'ai désobéi à ma mère qui m'avait pourtant prévenue de ne pas sortir. Elle doit croire que je joue sagement à l'étage dans la salle de jeux. A vrai dire, je m'en-nuyais, et lorsque j'ai vu Eden qui s'amusait avec ce garçon mystérieux, j'ai eu envie d'aller les rejoindre.

Finalement, je prends mon courage à deux mains pour les affronter, en marchant tel un escargot vers le salon jusqu'à ce que j'entende des voix derrière moi. Le cœur battant la cha-made, je me retourne brutalement et découvre mon cousin ainsi que ce garçon qui me fascine tant. Mes lèvres s'élargissent immédiatement dans un sourire. Il est dans le même état que moi, trempé comme s'il venait de se ieter tout habiller dans une piscine. Eden me scrute de bas en haut en remuant sa bouche bizarrement, avant de grimper les escaliers qui mènent à l'étage, me laissant seule avec son pote pour mon plus grand bonheur. Nous restons l'un face à l'autre sans piper mot. Je le trouve encore plus beau de si près. Ses yeux me fascinent. Ils m'hypnotisent tellement que je me retrouve toute chancelante d'un coup.

- Tout va bien ? me questionne-t-il en se rapprochant de moi, l'air inquiet tout en fronçant les sourcils.

Je sursaute à l'intonation de sa voix qui me transmet des frissons le long de mon échine, et je hoche la tête en lui adressant un rictus timide.

- Tu dois avoir froid, ajoute-t-il en me prenant la main.

Je suis tellement près de lui à cet instant que je ne résiste pas à l'envie de humer son odeur. Les effluves de son parfum masculin qui me parviennent jusqu'aux sinus me font planer davan-tage. Il sent bon le caramel.

- Allez, viens avec moi, princesse, me lance-t-il soudainement avant de m'offrir un sourire aussi magnifique que celui d'une star.

Mon cœur se met à battre avec frénésie dans ma poitrine. Je rêve?

- Tu vas attraper la crève si tu restes comme ça. Il te faut quelque chose de sec.

Encore sous le choc qu'il m'ait attribué ce tendre surnom, J'acquiesce simplement d'un mouvement de tête et le laisse m'embarquer avec lui dans son sillage, grimpant quatre à quatre les marches des escaliers.

- T'es trempée jusqu'aux os, me chuchote-t-il une fois dans la chambre de mon cousin. T'aurais pas dû venir dehors.

Il se retourne vers Eden et lui demande s'il a un vêtement à me prêter. Celui-ci se dirige vers son dressing, et en sort un de ses tee-shirts, que je trouve affreux, pour les fans du groupe AC/DC. 

- Tiens, p'tit monstre. Va te changer dans la salle de bains, m'ordonne-t-il en me le balançant en plein visage.

Eden aime bien m'appeler « p'tit monstre ». Je trouve ce surnom débile, il ne me correspond pas du tout. Même si je n'obéis pas toujours à mes parents, je suis la plupart du temps une fille très sage. Loin d'être un monstre comme il aime tant me qualifier... Seulement Eden adore passer son temps à me charrier. Je suis un peu comme sa petite sœur. Il me protège et me rassure quand j'en ai besoin, joue avec moi et me taquine lorsqu'il s'ennuie.

- Arrête de m'appeler comme ça, je suis angélique! rétorqué-je avant de lui tirer la langue.

Je l'entends rire alors que je me dirige vers la salle de bains à grands pas. Je l'adore, même si parfois il peut se révéler bien chiant. Fort heureusement, c'est souvent de courte durée. Bien qu'il dégage un côté rebelle sur les bords, il est avant tout quelqu'un de respectueux. Lorsqu'il s'aperçoit qu'il va trop loin, il vient s'excuser et me dit qu'il ne recommencera plus. Je lui pardonne à chaque fois, mais je reste quand même sur mes gardes. Eden est quelqu'un de très taquin et ne peut s'empêcher de revenir à la charge régulièrement.

Une fois dans la salle de bains, je m'empresse d'ôter ma robe trempée, fouille dans une armoire et en sors une serviette. Je m'essuie vite fait avant d'enfiler le tee-shirt de mon cousin, qui est bien trop grand pour moi. Il m'arrive pratiquement aux genoux. J'ai l'air ridicule, je ressemble à un sac à patates là-dedans. Mais tant pis, je suis au sec après tout. C'est l'essentiel.

Et je me sens beaucoup mieux, plus à l'aise et surtout sur mon petit nuage, car Avery a pris soin de moi. Mais lorsque j'entends maman m'appeler, l'angoisse vient de nouveau m'enva-hir.

Que vais-je lui raconter?

La vérité... Je crois que je n'ai pas le choix !

Je déglutis lorsque je sors puis décide d'aller la rejoindre. La voix qui transpire l'inquiétude, elle m'appelle de la salle de jeux qui se trouve au fond du couloir. Même si je sais que je vais me faire gronder, je cours vers elle afin d'aller la rassurer au plus vite. Mais maladroite comme je suis, je me retrouve rapidement sur les fesses au milieu du couloir.

Aie !

Sans que je puisse le retenir, un cri aigu sort de ma gorge.

C'est pas vrai ! Je grimace et alors que j'essaie de me relever, une main immense se dresse devant moi. Le cœur battant toujours la chamade, je relève le visage lentement. Mes yeux plongent dans ceux d'Avery, qui me sourit d'un air bien-veillant. J'ai l'impression de rêver encore une fois. Mon prince charmant est venu me secourir comme dans mes Walt Disney favoris! Et en plus, il est sans tee-shirt dorénavant! Oh mon Dieu !

- Ca va ? Tu ne t'es pas fait mal ?

Je secoue la tête pour lui faire comprendre que je n'ai rien.T'es sûre? s'inquiète-t-il en fronçant les sourcils.

- Oui, réponds-je en lui tendant mon bras. Tout va bien !

Il sourit et je l'imite. Je suis tellement hypnotisée par ce beau gosse que je ne me rends pas compte sur le moment que je viens de lui tendre mon mauvais bras. Son regard change tout à coup. Il bloque sur ma prothèse comme s'il n'avait jamais rien vu d'aussi étrange. Je me sens subitement mal à l'aise. Ressent-il du dégoût? Est-il effrayé ? Je ne sais pas quoi penser et pour être honnête, j'ai peur de m'être trompée sur lui. Oui, j'ai peur qu'il se moque de moi comme certains le font parfois. Mais finalement... Ça ne se passe pas de la façon dont je l'imagi-nais. S'apercevant que la panique me submerge, il s'empresse d'enrouler ses doigts autour de ma prothèse et m'aide à me relever. Je suis proche de lui, presque collée contre son corps qui sent merveilleusement bon. Des picotements envahissent mes joues et mon cœur continue sa course folle. J'ai honte.

- N'aie pas honte, me susurre-t-il en me lâchant. Tu es une très jolie fille, princesse.

Il me décoche un clin d'œil. Je me sens rougir. A-t-il lu dans mes pensées ?

- Les petits défauts font souvent de belles personnes, et tu en es une, me chuchote-t-il à l'oreille d'une voix enveloppante.

Sur ces derniers mots, il recule tout en me gratifiant d'un rictus à se damner avant de rejoindre Eden dans sa chambre. J'en suis encore bouche bée. Ma prothèse ne l'a même pas écœuré.

Sait-il ce qu'il m'est arrivé? Peut-être que mon cousin lui a parlé de mon handicap ? Ou il a peut-être pitié de moi? En réa-lité, je n'en sais strictement rien, mais une chose est sûre, je suis tombée sous son charme.

Je rejoins ma mère dans la salle de jeux après m'être remise de mes émotions. Je remarque qu'elle est blanche comme un linge. Elle fouille partout dans la grande pièce à ma recherche en criant après moi. Lorsque je lui signale que je suis là en lui tapotant le dos, elle se retourne brusquement et m'enveloppe instantanément de ses bras, soulagée. Je m'en veux de lui avoir fichu les jetons. Ma mère est toujours aux petits soins pour moi. Elle me protège tout le temps.

Limite un peu trop parfois...Tu m'as foutu la trouille, Shay.

Je suis désolée, maman.

Elle m'adresse un rictus et me contemple de la tête aux pieds en prenant un air dubitatif.

Oups! C'est le moment de vérité. Elle va me gronder, mais tant pis. Ça en valait la peine après tout.

Ce soir-là, elle m'a fait la morale et m'a ordonné de rester près d'elle jusqu'à ce qu'on reparte. Même si je n'étais pas fière de moi sur ce coup-là, je ne pouvais pas m'empêcher d'être toujours ailleurs. Je ne pensais qu'à Avery, à tout ce qu'il m'avait dit. Je n'espérais qu'une chose depuis : le revoir pour apprendre à le connaître davantage. Il était devenu celui qui hantait mes pensées du matin au soir.

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