Chapitre 2
- Il ne s'est jamais rien passé de sexuel avec elle.
- Cela il n'en sait rien. Comme elle l'a déjà trompé, il ne la croira pas. Et ce n'est pas moi qui nierait. De plus, on ne sait pas encore. Il ne faut pas vendre la peau de l'Ours avant de l'avoir tué. J'aurais peut-être une chance de la mettre dans mon lit avant le mariage.
Ivan reste silencieux, réfléchissant au plan de son patron. Il se trouve parfois sans cœur mais la personne en face de lui, l'est encore plus une fois qu'on le cherche. Il n'aimerait jamais être son ennemi. C'est beaucoup trop dangereux à son goût. Il boit une gorgée de son café en secouant affirmativement la tête.
- Je vous rappelle aussi que l'on doit aller revoir le parrain italien la semaine prochaine pour discuter des derniers contrats et de l'arrivée de la marchandise.
- Je n'oublie pas.
- Il veut se rendre indépendant de la mafia russe qui les fournit majoritairement. Si ce n'est pas avec nous qu'ils font ce marché, ils le feront avec d'autres et nous auront perdu un gros deal.
Andres secoue la tête lentement. Il n'oublie pas la donne que peut constituer ce deal. Mais aussi le danger et l'exposition. Ils ont déjà la police et des agences comme le FBI et la CIA à leur trousse. Il ne sait pas si vouloir une part du gâteau européen vaut le coup de se mettre sous les radars des agences européennes. C'est cette réflexion qui le fait douter du bien-fondé de cette alliance. Ivan le sait aussi mais il doute moins que lui. Ils finissent de consommer et ensuite ils se séparent, chacun allant poursuivre ses activités.
En arrivant chez Anastasia, il fait face à la protection maternelle et suspicieuse de Sarah, sa domestique. Il a l'impression que sa présence lui plait autant qu'elle la met mal à l'aise. Il a l'impression qu'elle a de nombreux soupçons à son égard. Si sa maitresse les prend autant en compte, qu'elle ne prend en compte ses avis et conseils, il risque à avoir du mal à mener sa mission à bien. Ce matin, ils auraient dû avoir une réunion, mais ses nausées l'ont empêchée d'être présente. Tout ce qui ne pouvait qu'arranger Andres, qui a passé toute la nuit occupée et la matinée à se détendre. Jouer ce rôle à la perfection l'épuise assez en réalité. Il arrive à la terrasse de la maison, où il voit Anastasia installée. Sarah semble finir de l'informer de sa présence quand il arrive. Elle se retire silencieusement par la suite, tout en lui laissant un regard plein de sous-entendus, dont il tente de faire abstraction. Il débarque avec son éternel sourire ravageur et s'approche pour lui faire la bise.
-Ça n'a pas l'air d'aller si bien que cela, dit-il avant de lui tendre le bouquet de fleurs qu'il lui a apporté.
- Oui, c'était un peu difficile ce matin, mais là je vais mieux, le rassure-t-elle en prenant les fleurs, avant de les déposer sur la table. Je suis désolée d'avoir dû annuler la réunion de travail de ce matin.
- Non ce n'est rien, ta santé et celle de ton bébé sont prioritaires. On n'en a jamais parlé, mais où est le père de ton bébé, Anastasia ?
Il tente la question avec le ton le plus précautionneux et soucieux possible. Il sait qu'elle évite ces questions depuis qu'ils ont commencé à approfondir leur relation. En connaissance de cause, il faisait tout pour ne pas lancer le sujet. Mais aujourd'hui est un jour différent. Surtout que faire comme si il n'en sait rien, commence à le gonfler de plus en plus.
- Euh... Il ne vit pas ici.
La gêne, le bégaiement et la réponse qui suit ne le surprennent pas. Il l'a clairement mise dans une position inconfortable. Il reprend son rôle de gentleman.
- Si ça te mets mal à l'aise, on n'en reparlera plus. Mais je veux vraiment que tu saches que je suis là pour toi, quelque soit la situation. Et que je serais là aussi pour ton bébé.
- Merci Andres, dit-elle tout en le gratifiant d'un sourire.
Il laisse le silence prendre la place et fixe l'étendue de pelouse, sur laquelle donne la terrasse. Elle lui propose une tasse de thé. Il accepte et elle le sert dans la tasse prévue en plus dans le service. Il la fixe longuement. Sa beauté, il l'a immédiatement remarquée. Son intelligence, sa vivacité, sa force, il les a découvert en la côtoyant. Il comprend pourquoi son frère est amoureux. Il aurait surement pu tomber amoureux lui-même d'une fille comme elle ou d'elle tout simplement, si il n'y avait pas autant de variables. Que celles-ci soient liées à son passé, à sa vengeance vis à vis de sa famille paternelle, ses sentiments qu'il essaie de réduire à néant à l'endroit de Natalia, sa colère et sa rage à son encontre. Il est lui-même perturbé dernièrement, il le sait.
- Tu es mariée ?
La question lui a échappé. Elle a tout simplement glissé hors de sa bouche. Son visage ne sourit plus quand il lui pose cette question. Il redevient sérieux et la sonde longtemps, attendant sa réponse. Comme pour répondre à sa place, elle détourne le regard et sa main droite vient toucher un court moment son annulaire gauche, qui ne porte aucun anneau.
- Je ne sais pas... Disons que théoriquement oui, mais en réalité nous sommes séparés.
- Puis-je savoir pourquoi ?
- Infidélité...
Au moins, elle a le courage de ne pas lui mentir. Il continue son petit jeu, la poussant toujours plus à se confesser.
- Il t'a trompée ?!
- C'est un peu plus compliqué. Au début, notre mariage était arrangé. Donc nous ne nous connaissions pas. Il couchait où il le souhaitait. Ensuite, nous avons pris le temps de nous connaître et je suis tombée amoureuse de lui. À ce moment, il a dû voyager pour le travail et je l'ai trompé.... Donc je dirais que c'est plutôt moi qui l'ai trompé...
- Et le bébé ?
Il pose sa question d'une voix soucieuse, un peu mal à l'aise mais surtout surprise.
- On ne sait pas de qui il est, mais je suis sûre que c'est le sien. Ou plutôt c'est vraiment ce que j'espère. Mais il n'est pas prêt à faire un test ADN et il m'a en quelque sorte répudiée.
- Ça va aller... Il rapproche sa main de la sienne et la serre doucement. Si vous divorcez, je veux que tu saches que tu ne te retrouveras pas seule et que je pourrais toujours faire office de père pour ton bébé. Maintenant qu'il a son attention et qu'elle semble lui faire assez confiance pour lui parler de sa situation matrimoniale, il pense qu'il peut se lancer. Tu me plais Anastasia, je ne vais pas me leurrer et j'aimerais qu'on passe à une autre étape ensemble. Mais je ne peux pas prendre la décision tout seul, il faut aussi qu'elle vienne de toi. Donc c'est sans pression, mais réfléchis y aussi s'il te plait...
Quand il finit de s'exprimer, le choc est lisible sur son visage. Elle semble réfléchir à beaucoup de choses différentes, poser le pour et le contre, voir la viabilité de la proposition qu'il vient de le faire, réaliser que c'est surement la meilleure et la plus sûre option qui se présentera jamais à elle. Mais quelque chose la bloque dans son choix et dans le plan de Andres.
- Tu sembles perdue dans tes pensées, lui dit-il pour la faire sortir de sa léthargie. J'espère que ce n'est pas ma déclaration qui te met dans un tel état. Il ne faut pas que tu t'inquiètes. Ce n'est pas bon pour le bébé, je te rappelle.
Anastasia est touchée qu'en dépit de son silence et de son absence, il fasse passer toujours en priorité son enfant et elle avant tout.
- Non ne t'inquiète pas, lui répond-elle les larmes aux yeux. C'est juste que tes paroles me font énormément de bien. Le fait de savoir que je plais encore à un homme, me montre que je n'ai rien perdu. Maintenant je le sais. Je suis toujours moi, malgré mon erreur et mon échec maritale. Cela ne me définit pas.... Merci beaucoup pour tout...
- Ne me remercie pas encore, je n'ai encore rien fait, dit-il en suggérant tout ce qu'il pourrait lui apporter si elle décide de le choisir.
- J'ai combien de temps pour te donner ma réponse ?
- Prend ton temps, je suis là jusqu'à la fin du projet et après selon ta décision, je resterai plus longtemps ou je rentrerai chez moi. Mais le plus important que tu dois savoir, c'est que c'est ton bonheur qui doit précéder sur le reste et sache que je ferais tout pour te rendre heureuse.
- C'est ma femme que tu veux rendre heureuse, je crois que tu es mal placé pour cela Andres, dit une voix glaciale dans leur dos qu'il peut facilement reconnaitre.
Il se tourne vers la personne, en même temps que Anastasia qui semble aussi surprise que lui. Il fait face à Louis, le mari de Anastasia et son demi-frère.